Suisse - Musée

Réouverture

Le Musée d'ethnographie de Genève rouvre en grand

Par Bérénice Geoffroy-Schneiter · Le Journal des Arts

Le 28 octobre 2014 - 903 mots

GENÈVE / SUISSE

Inaugurée au terme de quatre ans de fermeture, l’extension du Musée d’ethnographie de Genève (MEG) est une réussite tant sur le plan architectural que muséographique. À rebours des grands musées européens, le parcours pédagogique organisé par aires géographiques inclut l’Europe, replace les objets dans leur contexte originel et rend hommage aux artistes et aux collectionneurs.

GENEVE - Au cœur du quartier populaire des Bains et à quelques encablures du MAMCO (le Musée d’art moderne contemporain), le Musée d’ethnographie de Genève (MEG) dresse depuis peu sa fière toiture métallique percée de losanges signée par les architectes zurichois Marco Graber et Thomas Pulver. Un exploit lorsque l’on connaît le caractère volontiers conservateur de la ville qui abrita les prêches de Jean Calvin ! Clin d’œil au toit pentu des maisons communes de l’Asie du Sud-Est, l’édifice réconcilie cependant à merveille intégration dans le tissu urbain et geste architectural.

Dans cet espace exigu cerné par une école primaire et l’ancien musée (qui accueille désormais les bureaux et locaux techniques), les architectes ont pris soin de ne pas heurter le regard. Précédé par un jardin paysager dessiné par Guido Hager et Pascal Posset, le bâtiment, apparaît de taille humaine de l’extérieur mais s’étend en grande partie en souterrain. Passé un hall d’entrée vitré abritant un café et une librairie, le visiteur peut alors emprunter, selon son choix, l’imposant escalier qui le mène au foyer, à l’auditorium (doté de 250 places) et aux salles de conférences, ou bien descendre directement au second sous-sol vers le plateau des collections. Plongé dans la pénombre, ce vaste parallélépipède propose un parcours fluide, dénué de cloisons. Le visiteur peut ainsi déambuler à travers les quelque mille objets provenant des cinq continents. Optant pour une présentation par aires géographiques (à la différence des thématiques transversales prônées par les musées allemands ou scandinaves), la muséographie se veut résolument pédagogique. « Parmi les 80 000 pièces que comptent les collections, chaque objet a été sélectionné autant pour sa valeur scientifique, patrimoniale, ethnologique qu’esthétique », souligne ainsi Boris Wastiau, le directeur du MEG. Autre originalité du propos, l’Europe y figure en bonne place, aux côtés de l’Afrique, des Amériques, de l’Asie et de l’Océanie. « À la différence de la plupart des musées d’ethnographie, nous ne sommes pas le musée des autres », surenchérit ainsi Boris Wastiau, fier de présenter, à quelques encablures des masques du Cameroun ou du Gabon, une Vierge à l’enfant de la région de Fribourg du XVIe siècle ou des objets de la vie quotidienne de la Méditerranée ou des Balkans.

Une provenance retracée pour chaque objet
Fruit d’aventures individuelles ou collectives, les collections sont, en outre, replacées dans leur contexte originel. Les cartels insistent ainsi sur le long chemin qui a conduit ces objets jusqu’au musée : expéditions scientifiques, missions diplomatiques, naissance des sociétés savantes, création des cabinets de curiosités. En guise de préambule, un hommage est ainsi rendu aux grands personnages qui ont façonné l’identité du musée : l’explorateur Alfred Bertrand, le missionnaire Fernand Grébert, l’anthropologue genevois Eugène Pittard… « Toute collection est un télescopage de plusieurs siècles de collectes ; et pourtant rares sont les musées qui insistent sur la provenance de l’objet et la personnalité du collecteur », rappelle Boris Wastiau. L’étude scrupuleuse des archives a ainsi permis la compréhension et la relecture de certains objets, telle cette boîte à nourriture des îles Marquises « égarée » dans la collection « Arctique », ou bien encore cette coupe Ming en corne de rhinocéros improprement attribuée au département « Afrique » ! Autre originalité, les conservateurs ont pris soin de mentionner, dans la mesure du possible, l’identité des artistes et artisans qui ont réalisé ces chefs-d’œuvre. Une habitude, là encore, trop peu prisée par les musées d’ethnographie européens…

Nourri de ce discours scientifique autant qu’humaniste, le visiteur peut ainsi admirer à loisir ces artefacts, modestes ou précieux, nés de la main de l’homme. Là encore, le parcours se veut résolument ouvert. « Chaque département ayant sa propre histoire, chaque conservateur a construit sa propre grille de lecture », résume Boris Wastiau. Ainsi, l’Asie est abordée par les différentes religions nées sur son sol ; les Amériques sont traitées par grandes aires géo-culturelles ; l’Océanie est évoquée par la question du peuplement et des voyages ; des représentations picturales servent de fil rouge pour les collections africaines ; l’Europe est illustrée à travers ses différents modes d’habitat et ses pratiques alimentaires. Mais que le visiteur se rassure, point n’est besoin de se couler dans ce discours savant pour savourer la grâce de ces objets. Parmi les nombreux chocs esthétiques que réserve le musée, on citera ainsi ce masque Tlingit d’Alaska de la fin du XIXe siècle d’une polychromie saisissante, cette tête de reliquaire byeri du Gabon qui a appartenu au peintre suisse Émile Chambon, cet ornement de proue des îles Marquises que devrait emprunter prochainement le Musée du quai Branly, ou bien encore cette cape en plumes d’Hawaï aussi puissante et abstraite qu’une toile de Mark Rothko.

Au visiteur désireux de se documenter sur l’usage et la provenance de ces pièces, l’on ne saurait trop conseiller de s’immerger dans la quiétude – quasi monacale – de la bibliothèque. Riche de quelque 45 000 ouvrages spécialisés, elle abrite également le Ciné de poche (une salle de projection pouvant accueillir une dizaine de personnes), ainsi qu’un salon de musique offrant à l’écoute l’un des innombrables trésors sonores collectés par le département d’ethnomusicologie.

Musée d’ethnographie de Genève
Boulevard Carl Vogt 65-67, Genève (Suisse), tel 41 22 418 45 50. Inauguration au public le 31 octobre 2014 18h-1h, le 1er novembre 11h-0h, le 2 novembre 11h-18h. Programme complet sur www.meg-geneve.ch; à voir aussi l’exposition « Les rois Mochica, Divinité et pouvoir dans le Pérou ancien », du 1er novembre 2014 au 3 mai 2015, ouvert mardi-dimanche 11h-18h.

Légende photo
Le nouveau bâtiment du Musée d'ethnographie de Genève. © Photo : MEG/B. Glauser.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°422 du 31 octobre 2014, avec le titre suivant : Le Musée d'ethnographie de Genève rouvre en grand

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