Le « off » et l’officiel

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 15 octobre 2014 - 1004 mots

Alors qu’un secteur « off » a toutes les peines à exister à Paris, la Fiac étoffe encore son offre en lançant une manifestation parallèle baptisée « (Off)icielle ». Une alternative crédible reste à inventer.

Ce fut une grande surprise lorsque la Fiac a annoncé que sa 41e édition serait renforcée par le lancement d’une manifestation concomitante à la tenue de la foire. Installée aux Docks-Cité de la mode et du design, elle regroupe des galeries aux profils divers mais positionnées sur les créneaux de la découverte et de l’émergence. Si (Off)icielle s’amuse manifestement de l’ambiguïté de son nom, Jennifer Flay, qui en assure la direction parallèlement à celle de la Fiac, précise qu’« il ne s’agit pas d’une foire “off” mais d’un nouvel événement “Fiac” sur la scène parisienne, qui s’inspire d’exemples tels que Liste [à Bâle]. » Et d’ajouter : « J’ai depuis deux ans le sentiment de ne pouvoir proposer une plateforme d’expositions suffisamment large. Le temps est en marche et les plus jeunes galeries de l’étage [du Grand Palais] ne sont pas destinées à être remplacées dès lors qu’elles acquièrent une maturité, il nous faut donc une plateforme qui ne soit pas une manifestation secondaire et qui nous permette de nous ouvrir davantage. »

Cette nouvelle implantation pose néanmoins la question du « off », lequel n’est toujours pas parvenu à s’implanter dans la capitale comme une force alternative efficace et crédible, sauf à se positionner sur un segment très spécifique, le « contemporain classique » en l’occurrence, à l’instar d’Art Élysées qui parvient à maintenir son cap tout en fidélisant un public.

Ailleurs, Show off a disparu, Slick n’a jamais véritablement décollé et Cutlog vient de mettre la clef sous la porte. Dans un courrier expédié au mois de septembre, son fondateur, Bruno Hadjadj, dénonçait la volonté de Reed OIP, le propriétaire de la Fiac, de verrouiller le marché parisien afin de déstabiliser le « off ». Il déclarait ainsi : « Le groupe anglais Reed occupe tous les lieux potentiellement exploitables de la capitale. Une fois ces terrains occupés, les événements alternatifs qui présentent les artistes et les galeries de demain sont asphyxiés et il est très facile de contrôler l’ensemble de ce marché. »

Plausible, l’idée d’une volonté de contrôle absolu de la semaine parisienne par la Fiac, que viendrait conforter le lancement d’« (Off)icielle », n’est finalement pas démontrée. Jennifer Flay s’en défend en assurant qu’« il n’y a pas de volonté d’exclusivité ni de monopole. Notre objectif n’est pas d’écraser les autres ; nos espaces du Grand Palais étaient utilisés au maximum de leurs capacités. Nous n’avons donc pas de possibilité d’agrandissement si ce n’est par la création d’un événement concomitant. » En outre, selon une source interne à Reed, la proposition de cette nouvelle implantation aurait été acceptée très tardivement par la direction de l’entreprise, ce qui par ailleurs n’aurait pas facilité le travail du comité de sélection : « La proposition de Jennifer Flay était de concevoir une foire dans laquelle se retrouveraient les meilleures jeunes galeries du moment dans le monde, mais lorsque le feu vert est arrivé, nombre d’entre elles étaient déjà sélectionnées à la Fiac et beaucoup d’autres qui ont été approchées par la suite ont décliné par crainte de figurer dans un “Salon des refusés”. »

Galeries à fédérer
Fondateur et directeur de YIA (Young International Artists), installée cette année au Carreau du Temple, Romain Tichit refuse pour sa part de qualifier de « foire off » sa manifestation – laquelle a depuis son lancement fait montre d’une qualité très inégale. Quatre participants, parmi lesquels Bertrand Grimont ou Jeanroch Dard exposent aussi à (Off)icielle : « Nous sommes sur un nouveau modèle de foire en soutien à la scène émergente. Le fait que des foires n’arrivent pas à exister vient du fait qu’elles ne parviennent pas à se renouveler. Nous essayons d’être en évolution permanente, en faisant notamment se côtoyer des galeries jeunes et d’autres plus installées mais qui continuent à présenter des artistes émergents, comme Lara Vincy ou Patricia Dorfmann », affirme-t-il.

Reste que des exemples à l’étranger ont montré plus de pertinence. Certes les foires « off » se montrent bien souvent, dans quelque pays que ce soit, de piètre qualité, mais partout au moins l’une d’elle tire son épingle du jeu en termes de qualité et de force de propositions : Liste à Bâle, Independent et ADAA The Art Show à New York durant l’Armory Show, Sunday à Londres ou NADA à Miami – cette dernière se montre néanmoins depuis quelques années bien moins captivante qu’elle ne le fut. La plupart d’entre elles, Liste exceptée, ont d’ailleurs été lancées par des galeries, ce que relève Samy Abraham, qui cette année expose à (Off)icielle : « Ce sont de bonnes galeries qui ont initié ces foires et arrivent à conjuguer leurs efforts afin de proposer quelque chose de différent. Évidemment c’est plus intéressant et plus cohérent également. À Paris on n’a pas réussi à le faire. Peut-être parce que, depuis dix ans, la Fiac fait un travail remarquable et que, du coup, les galeries n’ont pas eu intérêt à se fédérer pour proposer un contre-projet à quelque chose qui fonctionnait très bien ? Sans compter qu’organiser un salon est extrêmement chronophage. »

Sans doute y a-t-il là une piste intéressante à explorer en effet, que celle d’un véritable salon « off » fédéré par des galeries. Jennifer Flay semble d’ailleurs elle-même convaincue par une telle idée et s’en fait l’avocate lorsqu’elle déclare que « personne ne peut regretter le développement de la Fiac aujourd’hui, mais beaucoup de galeries qui font un bon travail ne sont présentes dans aucune de nos manifestations, il y a donc quelque chose à faire, comme une foire gérée par les galeries sur le type de NADA. Il y a de la place à Paris pour autre chose de très très bien ! » La dynamique parisienne aurait en effet tout à gagner à l’émergence d’un événement solide qui ne soit pas qu’officiel.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°421 du 17 octobre 2014, avec le titre suivant : Le « off » et l’officiel

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