Paris - Politique

A Paris, art et démocratie participative

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 14 octobre 2014 - 856 mots

PARIS

La Mairie de Paris a livré les résultats du vote des Parisiens pour le « budget participatif » 2015. Les projets artistiques proposés n’ont guère enthousiasmé les votants.

Paris - La Maire de Paris, Anne Hidalgo, et son adjointe Pauline Véron (1) ont présenté, le 2 octobre, le résultat de l’expression des Parisiens sur le budget participatif de la Ville pour l’année 2015. Du 24 septembre au 1er octobre minuit, les résidents (français et étrangers) étaient appelés à choisir les projets bénéficiaires d’une enveloppe globale de 20 millions d’euros, soit 5 % du budget d’investissement de la municipalité. Parmi les quinze projets proposés, neuf ont été retenus pour un total de 17,7 millions d’euros – le dixième projet retenu, « Jouer de 7 à 77 ans », se chiffrait à 3,6 millions d’euros et dépassait donc l’enveloppe allouée. Arrive en tête des votes le projet « Des jardins dans les murs » (2 millions d’euros), destiné à multiplier les façades végétales, suivi de celui baptisé « Cultiver dans les écoles » (1 million d’euros) pour doter les écoles de potagers, et de « Reconquête urbaine » (1,5 million d’euros), qui vise à réhabiliter des lieux délaissés dans les quartiers populaires. Les votants, au nombre de 40 745, se sont prononcés sur Internet (59 %) et dans les urnes (41 %), avec la plus forte mobilisation en termes de densité dans les 4e, 3e et 12e arrondissements. Le 20e, le 18e et le 11e comptent pour leur part le plus grand nombre de votants.

Seul projet retenu relevant exclusivement de l’art et de la création, arrivé à la neuvième et dernière place, « Les œuvres d’art investissent la rue » se décline en quatre actions distinctes : la pérennisation d’une œuvre réalisée à l’occasion de la Nuit blanche ; une commande artistique pour la résidence des Saint-Simoniens (20e arr.) ; la restauration du Skatepark de Peter Kogler (13e  arr.) installé dans le cadre de la commande artistique du tramway sud en 2006 ; la restauration de murs peints signés Ben, Jean Le Gac et Marie Bourget, commandés par la municipalité pour la place Fréhel (20e arr.) dans les années 1980. Ces deux derniers projets de restauration relevant de la responsabilité de la Mairie en qualité de commanditaire propriétaire, pourquoi donc les soumettre à un vote ? Pour accélérer le processus, répond-on à la Ville. Autrement dit, les votants, soit 1,8 % de la population parisienne, se substituent aux autorités pour décider des priorités en matière de restauration d’œuvres d’art.

La numérisation des collections non retenue
Plus inquiétant, le projet « Musées parisiens 3.0 » (1 million d’euros) a été recalé à la onzième place. Là encore, on peut s’étonner que ce projet de modernisation de la base de données des œuvres dans les collections municipales soit soumis au scrutin populaire. Incomplète et éparpillée sur plusieurs sites, cette base de données est un outil indispensable au travail des institutionnels, chercheurs et universitaires. Cependant, noyé dans cette liste incohérente de projets, il obtient de la part de la la Ville la même considération que la création de tipis sur les bords de la Seine pour permettre aux enfants de fêter leur anniversaire – ce projet chéri d’Anne Hidalgo a été recalé à la quinzième et dernière place (400 000 euros). Arrivé avant-dernier, « L’art aux portes de Paris » (1,6 million d’euros) entendait pour sa part valoriser quatre portes grâce à des interventions artistiques, afin de relier la capitale aux communes voisines.

S’il a pour lui la vertu de la démocratie, ce référendum n’est pas sans induire un risque pour les projets délaissés par une proportion négligeable de Parisiens. Le peu d’intérêt marqué pour « Musées parisiens 3.0 » et « L’art aux portes de Paris » pourrait se révéler un argument supplémentaire pour une Ville qui se désengage de ses musées, comme en témoigne la fonte des crédits qui leur sont affectés depuis plusieurs années. L’an prochain, le budget participatif 2016 financera des projets sélectionnés parmi les suggestions des Parisiens. Les musées de la Ville et l’expression artistique auront-ils une meilleure place ? Rien n’est moins sûr.

Le pont des Arts joue la transparence

Quelques mois après l’effondrement de pans grillagés du pont des Arts provoqué par l’accumulation de « cadenas d’amour », la Mairie de Paris a opté pour une solution radicale en remplaçant trois grilles par des panneaux vitrés. Menacé par le poids des love locks qui, au nombre de 700 000, représentaient un surpoids de plus de 7 tonnes, le pont a retrouvé un semblant de légèreté, de transparence et d’esthétisme – 15 grilles ont à ce jour été remplacées par des panneaux de bois sitôt tagués. Si l’expérience se révèle concluante, le dispositif sera généralisé – notamment sur le pont de l’Archevêché en face de Notre-Dame, et les passerelles Léopold-Sédar-Senghor (7e arr.) et Simone-de-Beauvoir (12e arr.). Les amoureux du monde entier privés de cadenas sont invités quant à eux à se consoler avec un selfie…

Note

1) chargée de la démocratie locale, de la participation citoyenne, de la vie associative, de la jeunesse et de l’emploi et Conseillère de Paris et du 9e arrondissement.

Légende photo

Ben, Il faut se méfier des mots, 1993, œuvre réalisée sur un bâtiment de la place Fréhel, dans le Xxe arrondissement de Paris. © Photo : M. Patry.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°421 du 17 octobre 2014, avec le titre suivant : A Paris, art et démocratie participative

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