Justice

Artprice condamnée pour la reproduction d’œuvres de Picasso

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 1 octobre 2014 - 561 mots

La Cour de cassation a confirmé la condamnation d’Artprice pour contrefaçon et a cassé et annulé l’arrêt d’appel concernant l’atteinte au droit moral de l’auteur, renvoyant les parties sur ce point.

PARIS - La base de données en ligne Artprice.com propose à ses abonnés, entre autres, l’accès aux résultats des ventes aux enchères publiques passées pour près de 500 000 artistes. Et ces résultats s’avèrent parfois accompagnés de la reproduction de l’œuvre soumise aux enchères. Pour ce faire Artprice a signé avec l’ADAGP un contrat emportant autorisation d’exploitation des œuvres des artistes français et internationaux représentés par la société de gestion collective. Toutefois, certains artistes, et non des moindres, ne sont nullement adhérents à l’ADAGP. Ainsi, l’accord passé n’incluait pas les œuvres de Pablo Picasso. En effet, les droits d’auteur attachés à ces œuvres sont gérés par la succession Picasso, l’indivision successorale réunissant les cinq héritiers de l’artiste. À l’issue de tentatives de rapprochement avortées entre la succession et la société Artprice, Claude Ruiz-Picasso, agissant en qualité d’administrateur de la succession, assignait le 8 mars 2010 la société pour avoir, sans l’autorisation des ayants droit, « constitué une base de données par numérisation des œuvres de Pablo Picasso et exploité cette base en communiquant au public les œuvres reproduites ». Le tribunal de grande instance (TGI) de Paris reconnaissait, le 28 octobre 2011, la titularité des droits d’auteur concernant les œuvres de Picasso au profit de la succession, la qualité à agir de Claude Ruiz-Picasso et la reproduction non autorisée, donc contrefaisante, de 55 œuvres par les services d’Artprice, l’exception d’information ne pouvant s’appliquer à l’espèce. Au contraire, la cour d’appel de Paris vint retenir, le 18 janvier 2013, la contrefaçon de 22 707 œuvres, et non de 55, « le tribunal n’[ayant] pas pris la juste mesure des faits de contrefaçon allégués ». Par ailleurs, un préjudice moral était retenu au profit de la succession en raison de l’atteinte « à l’esprit de l’œuvre du fait de son utilisation par une société qui la fait coexister avec une importante quantité d’autres, sans avoir sollicité leur accord ». Le préjudice né de la contrefaçon étant évalué à 300 000 euros et celui né de l’atteinte au droit moral à 30 000 euros.

Artprice conteste la méthodologie utilisée
Mais la Cour de cassation est venue casser partiellement l’arrêt en retenant que la cour d’appel de Paris avait insuffisamment caractérisé l’atteinte au droit moral de l’auteur. En revanche, tant la contrefaçon que le préjudice retenu sont maintenus, devenant ainsi définitifs. Ce point est contesté par Thierry Ehrmann. Ce dernier dénonce la méthodologie employée pour comptabiliser le nombre de reproductions des œuvres en cause. Une telle méthodologie n’ayant, selon ses dires, pas été acceptée par la société Artprice et ne répondrait pas aux prescriptions de l’action en contrefaçon qui exige une appréciation pour chaque utilisation reprochée et non une appréciation globale. Les plus de 22 000 occurrences associées à l’œuvre de Picasso ne correspondraient nullement à 22 000 œuvres reproduites, mais aux seules informations publiques librement publiables relatives aux résultats obtenus des ventes aux enchères publiques des œuvres de Picasso. Seulement le résultat de ventes aux enchères publiques de 55 œuvres, sur plus de 22 000 occurrences, était accompagné d’une reproduction de l’image de l’œuvre. Une procédure pénale avec constitution de partie civile est actuellement en cours. Un procès en révision serait également envisagé.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°420 du 3 octobre 2014, avec le titre suivant : Artprice condamnée pour la reproduction d’œuvres de Picasso

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