Art contemporain

Monographie - Huang Yong Ping-pong

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 17 septembre 2014 - 767 mots

NANTES

L’artiste franco-chinois manie les symboles et relie les époques et les continents dans une série d’œuvres flamboyantes présentées à la Hab Galerie à Nantes.

NANTES - Huang Yong Ping a été choisi par l’ex-ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, pour la prochaine édition de Monumenta en 2016. Auparavant, l’artiste français d’origine chinoise (né en 1954 à Xiamen, il vit à Paris depuis 1989) a représenté la France, avec Jean-Pierre Bertrand, à la Biennale de Venise de 1999. Plus récemment, il a été l’un de ceux à qui la manifestation « Estuaire », à Nantes, a commandé une œuvre pérenne, en 2012, à l’occasion de la troisième et dernière édition de cette biennale devenue depuis « Le voyage à Nantes ». Intitulée Serpent d’océan, posée sur l’estran à Saint-Brévin au pied du pont de Saint-Nazaire dont elle s’inspire de la ligne, l’œuvre évoque le squelette d’un immense serpent d’environ 120 m de long, aux vertèbres à fleur d’eau.

C’est grâce à cette sculpture que Huang Yong Ping est invité cet été à présenter une exposition à la HAB Galerie, à Nantes, après Erwin Wurm, Roman Signer et Felice Varini, également présents dans la collection permanente d’Estuaire. Huang Yong Ping a de la suite dans les idées, pour donner tout son sens à l’expression « serpent de mer » : il reprend donc ici son symbole du reptile et projette son bestiaire. Le serpent mue, c’est bien connu. L’artiste en a  déployé la peau, de 120 m de long donc, réalisée spécialement pour l’occasion, en tulle et résine, dans les espaces, comme une frontière infranchissable qui nous guide tout au long du parcours. On découvre alors une à une les autres pièces (douze au total), jouant à chaque fois de l’effet de surprise. Ainsi, en levant la tête voit-on deux caissons lumineux qui font clignoter, pour l’un le mot « PING », pour l’autre celui de « PONG ». Soit. Mais l’œuvre prend son sens lorsqu’on aperçoit sur un mur opposé, comme un renvoi de balle, les mêmes caissons, avec cette fois les mots « YONG » et « PING » formant son prénom.

Au-delà de l’humour, l’installation est une référence explicite à l’artiste Alighiero Boetti que Huang Yong Ping a pu rencontrer. Entre les deux parties de l’œuvre est suspendu un palanquin avec casque colonial et brancards recouverts d’une vraie peau de serpent, et, de chaque côté, en figure de proue, une tête de vipère gueule ouverte. Huang Yong Ping met toujours le doigt là où ça mord.

Renversement d’échelle
Plus loin, nouvel étonnement, à double détente cette fois. On voit d’abord un imposant château de sable (4,38 m de hauteur) qui avec le temps va sécher et s’effondrer. Il s’agit d’une reproduction de la première banque britannique implantée à Shanghaï en 1923. Une partie de l’édifice, ironie du sort, s’est écroulée lors de son installation : l’artiste a décidé de conserver l’éboulis dont la force symbolique est encore plus forte. Si on lève les yeux, on remarque Trois ailes, les deux d’une chauve-souris qui tient dans sa gueule celle brisée et en miniature d’un avion espion américain. Ce renversement d’échelle et de forces en puissance rappelle les Huit chevaux de Léonard de Vinci déchirant un porte-avions. Soit huit armures de tête de chevaux qui écartèlent le navire en modèle réduit avec des filins d’acier. Une façon de montrer que la créativité d’un artiste prendra toujours le dessus. Juste après, Abbottabad évoque une architecture de terre envahie par des plantes et des herbes : il s’agit d’une grande maquette de la maison où Ben Laden a été tué au Pakistan.

L’exposition est intitulée « Les mues ». À juste titre puisque Huang Yong Ping travaille sur les déplacements et les stratégies de pouvoir, sur les rapports entre Orient et Occident, sur la métamorphose des mythes, sur les mutations et transformations politiques, économiques, écologiques. La dernière œuvre du parcours en est un bel exemple : elle est composée d’un globe terrestre élimé posé sur un socle. Si pour Éluard « la terre est bleue comme une orange », pour Huang Yong Ping, la terre est plutôt pelée comme une orange. La bande de bois en spirale qui accompagne le globe – avec ses 431 étiquettes indiquant les catastrophes naturelles entre 2000 et 2046 – ressemble en effet à une épluchure. Encore une histoire de peau. Mais pas de serpent cette fois. Sauf à penser que l’ensemble est une allégorie de l’ourouboros, le mythique serpent qui se mord la queue. ou encore, la boucle est bouclée et le monde peut continuer à tourner.

Huang Yong Ping

Commissaire : David Moinard

Huang Yong Ping. Les mues

Jusqu’au 2 novembre, HAB Galerie/Hangar à Bananes, quai des Antilles (île de Nantes), 44000 Nantes, tél, 08 92 46 40 44 (0,34 euros/mn), www.levoyageanantes.fr, jusqu’au 17 octobre : du mercredi au dimanche 13h-18h, du 18 octobre au 2 novembre, tlj 10h-18h. Catalogue, éd. Dilecta, textes de Jean-Hubert Martin, David Moinard, 96 p., 20 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°419 du 19 septembre 2014, avec le titre suivant : Monographie - Huang Yong Ping-pong

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