1939-1945

Le mémorial de l’Holocauste à Berlin en piteux état

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · Le Journal des Arts

Le 16 septembre 2014 - 494 mots

Des fissures ont été constatées sur deux tiers des stèles du Mémorial de l’Holocauste, inauguré en 2005.

Wolfgang Brameshuber, expert mandaté par le tribunal du Land de Berlin, a rendu son verdict en mai dernier : le Mémorial aux Juifs assassinés en Europe, plus connu sous le nom de « Mémorial de l’Holocauste », est irréparable. « Environ deux tiers des stèles ont des fissures », a-t-il déclaré à l’hebdomadaire allemand Focus. Selon l’expert, la seule solution consiste à remplacer les stèles. Le coût de l’opération se chiffrerait en dizaines de millions d’euros, estime-t-il. Les premiers dégâts sont apparus dès 2005, quelques mois seulement après l’inauguration de ce monument qui a coûté plus de 27 millions d’euros, dont 14,8 pour le champ de stèles.

« Le meilleur béton de Berlin »
À quelques pas de la porte Brandebourg, sur le terrain d’un ancien poste de frontière est-allemand, 2 711 stèles en béton commémorent la persécution et l’extermination des Juifs d’Europe. Le mémorial conçu par l’architecte américain Peter Eisenman comporte également un centre d’information en sous-sol. La fondation Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, qui gère le site, avait confirmé en 2006 l’apparition de fissures dans certaines stèles. La fondation ainsi que l’administration du Sénat de Berlin (gouvernement régional) en charge de l’urbanisme ont entamé en 2012 une procédure probatoire contre l’entreprise de construction qui a réalisé le Mémorial.

L’architecte Peter Eisenman rejette quant à lui la responsabilité sur la fondation. Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire allemand Stern, il affirme que la fondation a modifié le projet afin de réaliser des économies, en réduisant par exemple le nombre de barres en fer armé soutenant les stèles. « Je ne paierai certainement pas les dégâts », a-t-il ajouté. La presse allemande n’a pourtant pas manqué de rappeler qu’en 2005 l’architecte avait vanté la qualité du béton utilisé, « le meilleur béton qu’il ait jamais vu à Berlin. »

La fondation dénonce pour sa part l’hystérie médiatique autour de l’avis rendu par l’expert mandaté par le tribunal berlinois. Dans un communiqué, elle a réfuté un quelconque danger pour les visiteurs : « Depuis 2012, l’état du champ de stèles est examiné tous les six mois, avec l’accord de l’expert. » Afin d’assurer la sécurité des visiteurs, les stèles les plus endommagées sont renforcées par des manchettes en acier. À ce jour, quarante-quatre stèles ont fait l’objet d’un renforcement. La fondation a également reconnu que le mémorial ne compte plus que 2 710 stèles : fin 2010, une stèle a été démantelée pour être examinée dans un institut de recherche d’Aix-la-Chapelle. Les analyses de la stèle impliquent la destruction de celle-ci, ce que tous les participants au processus savaient depuis le début, précise la fondation. Enfin, note-t-elle, aucune conclusion n’a encore été rendue par l’institut sur les possibilités de rénovation ou même sur la fabrication de stèles qui seraient exemptes de risques de fissuration. Il est donc impossible d’évaluer le coût des réparations avant d’avoir trouvé une solution pérenne.

Légende photo

Le Mémorial de l'holocauste, à Berlin. © Photo : Berlin Monument.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°419 du 19 septembre 2014, avec le titre suivant : Le mémorial de l’Holocauste à Berlin en piteux état

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque