Décomplexé

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 16 septembre 2014 - 317 mots

Atlanta 2004, Málaga 2014. Que de chemin parcouru en dix ans. À l’époque, la révélation de la location payante d’œuvres du Louvre au musée américain avait suscité de nombreuses critiques. Aujourd’hui l’ouverture d’une antenne du Centre Pompidou à Málaga ne suscite aucune réaction hostile, et son président a à peine besoin, pour masquer l’opération financière, de mettre en avant le bénéfice espéré quant au rayonnement de son institution. La crise et la mondialisation sont passées par là. Les expositions temporaires sont devenues de véritables industries culturelles, et, avec l’augmentation exponentielle du nombre d’organisateurs dans le monde, les prêts d’œuvres sont de plus en plus payants, quel que soit l’habillage dont ils se parent : participation aux frais de restauration, rétrocession sur les assurances comme le révèle Bruno Monnier, président de Culturespaces, dans l’entretien qu’il a accordé au Journal des Arts, location d’expositions clefs en main. Deux logiques s’affrontent ici. Pour les uns, les œuvres appartiennent au patrimoine de l’humanité et devraient circuler gratuitement. Pour les autres, lorsque le Musée Picasso, Orsay, le Louvre à Abou Dhabi et d’autres institutions financent leurs travaux en exportant leurs chefs-d’œuvre, c’est autant d’argent public économisé qui peut alimenter d’autres secteurs culturels. Et pour l’instant, l’argument de la fragilité des œuvres et celui des risques de vol tombent d’eux-mêmes devant une triste réalité : c’est encore dans nos musées (Picasso, Musée d’art moderne de la Ville de Paris) que l’on a enregistré récemment les vols les plus retentissants, entraînant de sérieuses amputations du patrimoine national. Mais il suffirait d’un tableau volé à Abou Dhabi ou d’une sculpture abîmée à Shanghaï pour que l’opinion publique s’insurge. Pour l’instant, la France est le leader incontestable dans ce vaste marché patrimonial devant l’Italie et la Russie. Une maigre consolation alors qu’il y a cinquante ans Robert Rauschenberg volait à Roger Bissière le Grand Prix de la Biennale de Venise, sonnant l’effacement de la création française.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°419 du 19 septembre 2014, avec le titre suivant : Décomplexé

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