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Marc Couturier crie (Sainte-)Victoire

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 2014 - 543 mots

L’artiste déplace dans sa galerie parisienne des signes trouvés dans l’environnement urbain.

PARIS - Il n’y a qu’à Marc Couturier que ce genre d’histoires peut arriver. En juin 2013, il est invité à Aix-en-Provence pour préparer l’exposition « Trésors de Beisson » qui sera présentée six mois plus tard, avec des œuvres de Jean-Michel Othoniel, au Musée Granet. Couturier arrive un jour à la gare où une voiture doit venir le chercher. Mais pas de voiture. Reste la navette qu’il faut prendre dans la gare de TGV à la porte… Paul-Cézanne. Il découvre, de l’autre côté de la voie de circulation, seize panneaux verticaux en béton, sur lesquels il repère les traces laissées par la carrosserie des bus, lesquelles lui font immédiatement penser aux derniers dessins de Cézanne, ceux de 1906. Il revient le lendemain pour photographier les panneaux avec Christophe Duranti. Face à l’étonnement d’une voyageuse, Marc Couturier lui répond qu’il fait des prises de vue de la Sainte-Victoire qu’il a dessinée. La ressemblance est tellement à s’y méprendre que la dame le félicite pour sa reproduction de la célèbre montagne et reconnaît, sur l’un des panneaux de gauche, le plateau des Sangles. Pour un Couturier qui a bâti une grande partie de sa démarche sur la rencontre inopinée de formes artistiques « prêtes-à-porter », l’imprimatur d’une Aixoise était vraiment du sur-mesure.

Depuis ses débuts en 1985, l’artiste (né en 1946 en Côte-d’Or, à Mirebeau-sur-Bèze) débusque en effet partout où il passe les traces, signes, textures, formes qui font sens artistique. Et il dénomme « Redressement » ces œuvres achéiropoiètes, c’est-à-dire « non faites de la main de l’homme ». Selon la jolie définition qu’il donne à cet acte de révélation de l’invisible, au sens fort d’épiphanie, « le redressement consiste à restaurer l’objet le plus délaissé, à faire que le moins que rien, l’inutile, l’incapable, l’inexistant devienne le premier, à mettre en avant tout le potentiel qu’il contient ». Pour cela, il emprunte et déplace simplement sa trouvaille dans l’espace d’art (galerie, musée…) où il accroche telles quelles, ou encadrées – voir ses « Theatrini » –, ces petites boîtes composées de douelles de foudre (les planches courbes qui constituent un tonneau) toujours très suggestives. Il peut aussi en faire des photos, à l’exemple des seize panneaux d’Aix ici magnifiquement reprographiés à l’échelle 1 par l’éditeur Franck Bordas et regroupés sous l’intitulé « Le Tombeau de Cézanne », en référence au genre littéraire de l’hommage.

Un passeur
On l’aura compris, Marc Couturier, tel Charon sur son fleuve Achéron, est un passeur. Mais à la différence du fameux « nocher des Enfers » qui déplaçait ses ombres errantes vers le séjour des morts, l’artiste, qui a d’ailleurs souvent travaillé avec des barques, remonte, lui, vers le jour ces traces perdues et furtives et les rend visibles, par le biais du glissement, de l’analogie, de la métaphore.
Le prix des œuvres, lui, n’est pas redressé et va de 9 000 euros pour un panneau à 5 000 euros pour les pastels qui complètent l’ensemble et correspondent au second aspect de la démarche de Couturier, les œuvres réalisées de sa main.

Marc Couturier

Nombre d’œuvres : 21
Prix : de 5 000 à 9 000 € (ou 120 000 € les 16 panneaux)
Artindex : 432

Marc Couturier, Le Tombeau de Cézanne

Jusqu’au 31 juillet et du 19 au 31 août, galerie rueVisconti, 17-19, rue Visconti, 75006 Paris, tél. 07 71 01 75 88, www.ruevisconti-editions.com, du mardi au samedi 14h-19h. (Des œuvres de Marc Couturier sont également présentées cet été dans les expositions « Formes simples » [lire p. 27] au Centre Pompidou-Metz et « Mémoires vives » à la Fondation Cartier.)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°417 du 4 juillet 2014, avec le titre suivant : Marc Couturier crie (Sainte-)Victoire

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