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Histoire

Un musée sur la guerre de 1870

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 1 juillet 2014 - 724 mots

À Gravelotte, un nouveau musée raconte la guerre franco-prussienne et l’annexion de l’Alsace et de la Moselle.

GRAVELOTTE - En cette année de multiples commémorations, entre Première Guerre mondiale et Débarquement en 1944, le Département de la Moselle a choisi de remonter le temps et d’inaugurer son « Musée de la guerre de 1870 et de l’annexion » à Gravelotte, près de Metz. Le choix de cette petite localité n’est pas anodin : l’expression « ça tombe comme à Gravelotte » illustre la violence des combats franco-prussiens aux alentours du village. Entre le 14 et le 18 août 1870, 75 000 soldats y ont trouvé la mort. En témoignent les croix blanches qui parsèment les champs de la région, marques d’ossuaires appartenant aux deux camps.

En 2000, la Moselle décide de racheter le petit musée communal et ses collections et de mener une politique d’acquisition pour constituer le cœur des collections du futur musée, dont le concours est remporté en 2009 par Bruno Mader, architecte, et Pierre Verger, scénographe. Le projet est ambitieux : pour un budget de 9 millions d’euros, les équipes ont conçu un musée d’une surface de 2 600 m2 en métal patiné, dont le hall d’entrée central s’élève sur près de 8 mètres de haut.
Dans cet écrin monolithique où les toits aux pentes irrégulières créent un effet d’onde, Eric Necker, conservateur en chef et directeur du musée, a réuni près de 6 000 objets, œuvres et documents, aidé en cela par un conseil scientifique franco-allemand.

L’exposition permanente débute sur le poème de Rimbaud, « Le dormeur du val », inspiré de la défaite française à Sedan en 1870. Si la première partie du parcours se concentre sur les combats qui mènent à la capitulation française, « ce n’est pas un musée de guerre, cela va bien au-delà », affirme Eric Necker. Durant quarante-huit ans, l’Alsace et la Moselle vont battre au rythme de l’Empire allemand. En France, les provinces perdues deviennent le symbole de la revanche à prendre, tandis que le « Reichsland Elsass-Lothringens » [territoire impérial d’Alsace-Lorraine] se germanise : droit local, urbanisme, architecture, poussé par un essor économique sans précédent dans la région. Ces nuances sont illustrées dans la scénographie : la présence de cartels franco-allemands puis germano-français concrétise le basculement entre 1871 et 1918. « Le souvenir de cette période s’est estompé et elle est souvent perçue comme malheureuse côté français, d’autant plus qu’on a tendance à la confondre avec la seconde annexion par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale, qui n’a rien à voir », poursuit le directeur.

Sur 900 mètres carrés d’exposition permanente, 600 objets, panoplies militaires, armements et documents illustrent la vie quotidienne des soldats pendant la guerre et des habitants durant l’annexion. Les peintures forment des séquences à part, qui alternent avec le parcours plus historique. On aurait aimé cependant un discours plus précis sur les représentations artistiques qui évoluent selon le contexte : une scène de bataille exécutée en 1875 n’a pas la même portée qu’une représentation du désastre militaire en 1895, alors que l’esprit de revanche enflamme déjà les esprits français.

Panorama de Rezonville
Dans une salle aux parois courbes, des fragments du « Panorama de Rezonville » d’Édouard Detaille (1882-1883) redonnent vie à ce genre d’attraction très en vogue à Paris dans les années 1880. Dans des rotondes édifiées sur les Champs-Élysées, ces toiles panoramiques dévoilaient les batailles fameuses avec un luxe de détails, galvanisant l’héroïsme malgré la défaite. Le panorama de Detaille a ensuite été découpé et revendu pièce par pièce. Avec le Musée de l’armée à Paris, Gravelotte en conserve l’une des plus importantes séries.

Le parcours de l’exposition permanente est riche : outre un fonds propre de 1 600 photographies, des prêts régionaux, nationaux et allemands permettent d’entrevoir une histoire longtemps tue. Pour faire vivre le musée, le Département souhaite l’associer à la visite de la Maison de Robert Schuman, le « père de l’Europe », située à une dizaine de kilomètres de Gravelotte. Reste à penser à une programmation d’expositions temporaires, qui, pour le moment, se résume à une brève présentation du musée, de sa naissance en 1875 à l’initiative de deux Lorrains, à sa renaissance en 2014.

Musée de la guerre de 1870 et de l’annexion

11, rue de Metz, 57130 Gravelotte, tél. 03 87 33 69 40, tlj sauf lundi, 14h-18h, www.cg57.fr

Légende photo

Vue de l'une des salles du Musée de la guerre de 1870, à Gravelotte © Photo : CG 57/Florent Doncourt

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°417 du 4 juillet 2014, avec le titre suivant : Un musée sur la guerre de 1870

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