Musée - Palmarès

Villes moyennes, grands musées

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 18 juin 2014 - 1308 mots

Angers, Roubaix, Villeneuve-d’Ascq et Grenoble continuent à tirer leur épingle du jeu, Arles et Aix-en-Provence profitent de l’effet « Année Capitale ».

Comme l’année dernière, le classement 2013 met en avant les institutions de province, dont certaines n’ont pas à rougir face aux résultats des musées des grandes villes et des institutions parisiennes. Les enjeux et les moyens, dans les villes de 20 000 à 200 000 habitants, ne sont pas les mêmes que dans les grandes villes françaises. Les tutelles, en majorité les communes et les agglomérations, continuent cependant d’investir pour faire vivre les 139 musées recensés dans cette catégorie.

Avec quatre points d’avance, Angers prend cette année la première marche du « podium », détrônant de peu le Musée d’art et d’industrie André Diligent-La Piscine à Roubaix, Le LaM (Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut) conservant sa troisième place. Comme l’année dernière, Angers a répondu au questionnaire en consolidant les résultats de ces cinq musées (Musée des beaux-arts, galerie David d’Angers, Musée Jean-Lurçat et de la tapisserie contemporaine, Musée-château de Villevêque, artothèque) : ils ne « forment non pas des établissements indépendants et distincts, mais des départements dévolus à un médium, à une période ou à un artiste émanant d’un seul et même fonds, celui du Musée des beaux-arts. L’ensemble des équipes, notamment la conservation, sont dévolues à ce seul ensemble », selon Ariane James-Sarazin, directrice des musées de la Ville d’Angers. 2013 a été une année faste pour la ville, sa fréquentation augmentant de 13 %, grâce à des expositions réfléchies et exigeantes, à l’image de « Trésors enluminés des musées de France ». Si la Piscine de Roubaix cède sa première place, c’est sans doute dû à une baisse de sa fréquentation (-22 %) : en 2012, l’exposition « Marc Chagall, l’épaisseur des rêves » avait marqué un record inédit pour le musée. Cette baisse se répercute de facto sur les recettes commerciales (-18 %), mais le musée tient haut le pavé dans le classement général, à la 8e place, confirmant la qualité et le travail de longue haleine des équipes scientifiques du musée, qui fait rayonner Roubaix sur le plan national. Le LaM et le Musée de Grenoble se maintiennent à la 3e et 4e place, fruit d’un travail de fond sur leurs collections et des programmations de qualité. Le LaM semble avoir trouvé un rythme et une stabilité de fonctionnement depuis sa réouverture en 2010. À noter également les très beaux résultats du Musée d’art moderne André Malraux au Havre (6e) : grâce à une politique tarifaire adaptée, une programmation temporaire cohérente et une pédagogie volontariste, le musée a enregistré la meilleure fréquentation de son histoire en 2013, soit 107 000 visiteurs.

MP 2013 stimule la féquentation régionale
Parmi les évolutions notables, il faut noter la progression du Musée Granet à Aix-en-Provence et du Musée départemental de l’Arles Antique, respectivement 5e et 8e du classement des villes moyennes (14e et 30e en 2013). Granet a ouvert en 2013 la Chapelle des pénitents pour exposer la collection Planque, Arles a inauguré une nouvelle aile pour déployer un chaland romain découvert en 2003. Ces nouvelles installations conjuguées à l’effet MP 2013 expliquent la hausse exceptionnelle de la fréquentation des deux institutions : 130 % à Aix (soit 346 000 visiteurs, la plus forte fréquentation de ce classement) et une hausse de 90 % des visiteurs à Arles avec des expositions d’envergure internationale. Dans une perspective similaire, le Musée des beaux-arts de Nancy (9e du classement, 25e en 2011) a bénéficié de la programmation et de l’attractivité du festival « Renaissance Nancy 2013 » et Rouen de la nouvelle édition de « Normandie impressionniste ». Parmi les nouveaux venus, le Musée de Caen revient à la 14e place dans le palmarès, après trois éditions manquées. Avec un nombre d’adhérents élevé (près de 1800) le musée confirme la fidélisation de ses visiteurs. Le Musée Magnin de Dijon revient également et le Musée de la Faïence de Nevers arrive, après dix ans de fermeture et une réouverture tardive dans l’année. Engagés dans une mutualisation des équipes et des services, les quatre musées de Troyes devraient progresser dans les palmarès des années à venir (lire page 4).

Un récolement toujours à la traîne

Avec environ 60 % des œuvres des musées récolées en 2013, les institutions, en général, sont encore loin du compte avant l’échéance de juin 2014. La majeure partie des musées s’est cependant mobilisée dans la dernière ligne droite, avançant sur leurs chantiers des collections. Paradoxalement, les institutions en haut du classement n’ont pas forcément été les plus efficaces. Si La Piscine de Roubaix, 2e au classement, affiche un pourcentage plus qu’honorable avec 90 %, dans les musées d’Angers, l’obligation décennale ne semble avoir été prise en compte que très récemment : le récolement vient d’être lancé et 26 % des œuvres ont été inventoriées. À Grenoble, le musée affiche un récolement de seulement un quart de ses collections, contrairement au Musée Ingres de Montauban qui affiche une progression impressionnante par rapport à l’année dernière, passant de 49 à 98 % de ses œuvres récolées. À Troyes, Dole et Besançon, le récolement est achevé. Au terme de l’échéance, le 12 juin 2014, les musées à la traîne ne seront pas sanctionnés, mais un musée qui aurait laissé de côté son obligation d’inventaire pourrait voir ses demandes de subventions d’acquisition remises en question.

Le rôle citoyen des musées

Le musée est souvent un fabricant de lien social dans une ville. De plus en plus, les municipalités entendent inscrire l’institution culturelle dans la vie quotidienne des habitants. Si, depuis longtemps, les scolaires sont largement intégrés dans l’offre pédagogique des musées, la fidélisation du public adulte est devenue un enjeu majeur. Le musée est un lieu de loisirs : longtemps anecdotique, la présence d’une librairie-boutique est devenue indispensable, une cafétéria un atout pour l’attractivité. L’organisation de nocturnes est entrée dans les habitudes : le Musée des beaux-arts de Valenciennes a ouvert 55 fois en soirée en 2013. Ces nouveaux horaires attirent souvent un public plus jeune, moins enclin à entrer en journée dans l’institution. Les conférences et débats sont également un bon indice de la vitalité d’un musée et de son emprise dans l’espace citoyen. Avec 32 conférences, le Musée de Grenoble a attiré près de 4 600 participants, un résultat méritant pour une programmation exigeante. Mais il ne faut pas oublier le rôle fédérateur des Sociétés des amis : même si le nombre d’adhésions est généralement en baisse, à quelques exceptions près comme à Troyes ( 25 %), ces sociétés sont toujours très actives dans la promotion et la vie des institutions.

Les coproductions avancent

La coproduction d’expositions temporaires, parfois très coûteuses en transports et en assurances, permet de mutualiser les moyens. Face à des restrictions budgétaires, de plus en plus de musées choisissent d’unir leurs savoir-faire et leurs réseaux pour mener à bien ce genre de projets. Certains musées sont « génétiquement » poussés à la coproduction : au niveau départemental, c’est le cas par exemple du Musée de Millau et du Musée Denys-Puech de Rodez, qui ont présenté tour à tour une fierté locale, le Chemin de Croix de Gustave Moreau. En Franche-Comté, le Musée de Belfort et celui de Montbéliard se sont associés pour exposer l’histoire industrielle commune des deux villes autour du train et de l’automobile, dans une chronologie divisée entre les deux musées. À l’occasion de l’édition du catalogue de l’œuvre de François-André Vincent, le Musée Fabre de Montpellier et le Musée des beaux-arts de Tours ont collaboré à une grande exposition rétrospective inédite du peintre, alliant leurs compétences pour obtenir des prêts nationaux et internationaux. Certains « petits » musées bénéficient également des moyens et de la fréquentation des plus grands : le Musée Nicéphore Niepce de Chalon-sur-Saône a collaboré avec le MuCEM sur quatre expositions en 2013.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°416 du 20 juin 2014, avec le titre suivant : Villes moyennes, grands musées

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