Foire

Art Basel Hong Kong se cherche toujours

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 4 juin 2014 - 943 mots

Avec des propositions et des transactions contrastées, la bouture asiatique d’Art Basel est encore en devenir.

Art Basel Hong Kong, dont la deuxième édition s’est tenue du 15 au 18 mai dans les murs du Hong Kong Convention and Exhibition Centre, est une foire décidément captivante, tant il est possible d’y observer les propositions les plus variées. C’est que son terreau relève encore pour une large part de l’inconnu.

À la cohabitation parfois haute en couleur de galeries asiatiques et enseignes occidentales répondent des réflexes commerciaux fort divers. D’un côté, certains cherchent à appâter le chaland – expatrié ou australien essentiellement, tant rares étaient les Européens et Nord-Américains à avoir fait le voyage –, avec des œuvres de format moyen, plates et aisément transportables. Ailleurs, des galeristes se croient obligés de présenter sur leur stand un artiste asiatique afin de capter une clientèle locale, ce qui sonne faux lorsqu’il ne s’agit pas de relations à long terme. Moins glorieux encore, quelques-uns viennent avec des pièces douteuses ou de dernier ordre, sans doute plus faciles à écouler chez un public moins éduqué. Sans parler des débarras où l’on pouvait trouver tout et n’importe quoi, comme chez Gmurzynska (Zurich), Marlborough (New York) ou Alan Cristea (Londres).

La juste attitude consistait à rester soi-même, quitte à sortir des œuvres moins imposantes qu’à l’accoutumée, comme Eva Presenhuber (Zurich) avec une installation d’images et miroirs de Douglas Gordon et des tableaux de Verne Dawson ou de Karen Kilimnik. « Je n’ai pas d’artistes asiatiques, je suis donc venu sans faux-semblants avec mes Brésiliens », assumait quant à lui Daniel Roesler, directeur de la galerie Nara Roesler (São Paulo), qui a enregistré quelques succès avec Lucia Koch. De même que chez Tornabuoni Art (Paris) Michele Casamonti défendait ses artistes italiens, notamment Alighiero Boetti, Michelango Pistoletto et Paolo Scheggi, lequel fut vendu dès l’ouverture.

La peinture en force
Face à l’inconnue que représente encore ce marché hongkongais, même les marchands asiatiques marchent sur des œufs. Chez Yamamoto Gendai (Tokyo), pratiquant Art Basel pour la quatrième fois (à Bâle ou à Hongkong), on confiait : « Nous ne sommes pas certains que les affaires marchent au mieux mais la foire est importante en termes de visibilité et la marque “Art Basel” a amené une meilleure qualité d’organisation et une nouvelle foule de visiteurs. »

L’un des traits saillants du salon était la très forte présence de la peinture, abstraite ou figurative, orientale ou occidentale, qui compensait le peu d’appétence des Asiatiques pour l’art conceptuel. Cette préférence correspond en outre à une tradition bien ancrée qui voit le tableau comme plus accessible pour débuter une collection et apprécie son moindre volume : les installations étant encore peu prisées en Asie… faute de place !

Si les ventes semblent avoir été rarement flamboyantes, la plupart des marchands ont enregistré une activité, sur un marché dont le rythme est beaucoup plus calme que sur les foires occidentales. Signe encourageant, nombre d’entre eux ont vendu à des clients asiatiques, preuve d’un développement potentiel d’une nouvelle zone d’influence. Chez Marian Goodman (New York, Paris), Nicolas Nahab confiait : « Nous craignions une défection de collectionneurs européens et américains et avons travaillé en amont auprès de collectionneurs chinois et de Singapour, ce qui a donné de bons résultats. »

Une autre source d’interrogations a été le comportement des clients chinois, connus pour déployer une certaine forme d’agressivité. Légion étaient encore les anecdotes de qui s’était vu demander un rabais de 50 % ou offrir le paiement d’une grosse somme en liquide.

Rester ancré en Asie
Dans ses fondements, le salon est resté fidèle à la première édition et sa sectorisation efficace, avec en particulier les galeries installées en Asie et regroupées dans « Insights » qui livraient quelques belles surprises. Ainsi des évocations du contexte urbain plastiquement variées mais complémentaires des Philippins Troy Ignacio et Vermont Coronel Jr. chez The Drawing Room (Makati City, Singapour) – Cesar H. Villalon Jr., son directeur, note que « la région, auparavant dominée par l’art chinois, s’ouvre de plus en plus à l’art sud-asiatique ». Mentionnons aussi la fraîcheur du stand de Yang Gallery (Pékin) opposant la peinture abstraite façon peau de vache joyeusement décalée de Yan Bing et les tableaux hyperréalistes en volume de Dong Yuan. C’est pourquoi l’objectif d’une foire constituée pour moitié d’exposants asiatiques doit être tenu. Lors d’une conférence de presse, Magnus Renfrew, directeur Asie d’Art Basel, s’est livré à une subtilité de langage en se félicitant de la présence sur le salon de « 50 % de galeries ayant des espaces d’exposition en Asie ». Sauf à considérer White Cube, Continua ou Michael Janssen comme des galeries asiatiques, le compte n’y est pas et l’argument d’une répartition à parité est inexact. C’est pourtant l’un des motifs d’attraction de la manifestation, et ce quel que soit le côté duquel on se place. Car pour le public occidental, c’est bien dans les enseignes d’Asie que se font les découvertes, alors que la perspective de retrouver des galeries côtoyées à longueur d’année, aussi qualitatives soient-elles, n’est pas un argument suffisant pour entreprendre le voyage. Quant au public asiatique, qui a beaucoup à voir auprès d’une moitié d’exposants occidentaux, il a tout autant à apprendre du versant oriental tant la région est vaste et les modes d’expression variés pour un public encore largement en phase d’apprentissage. Directrice de la galerie Artinformal (Mandaluyong City), Tina Fernandez reconnaissait d’ailleurs que « les collectionneurs philippins aiment acheter local car ils ne connaissent pas le reste ». Un effort dans cette voie asiatique semble donc essentiel.

Quoique déjà solide, la foire se cherche encore une identité entre toutes les tensions et paradoxes auxquels elle est soumise.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°415 du 6 juin 2014, avec le titre suivant : Art Basel Hong Kong se cherche toujours

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