Des stratégies très élaborées

Par Pauline Vidal · Le Journal des Arts

Le 4 juin 2014 - 1153 mots

Les grandes galeries misent beaucoup sur le rendez-vous bâlois et présentent certains de leurs artistes en fonction de l’actualité dont ils jouissent. Toutes visent l’excellence.

Art Basel est sans conteste LA foire. « C’est la plus chic, la plus prescriptrice, la plus désirée ! », assure Florence Bonnefous, directrice d’Air de Paris. Pour sa 45e édition, toutes les galeries s’apprêtent donc à sortir le grand jeu.

« Nous travaillons jusqu’à la dernière minute à mettre de côté les meilleures œuvres provenant des ateliers de nos artistes et du second marché. La stratégie est simple : nous visons à présenter seulement les meilleures œuvres ! », explique Florian Berktold, directeur exécutif chez Hauser & Wirth (Zurich, Londres, New York). Grâce à un système de rotation journalière, quasiment tous les artistes de la galerie sont présentés. À ne pas manquer : les pièces de Rashid Johnson, Jason Rhoades, Mira Schendel et Dieter Roth, ainsi qu’un relief en bois exceptionnel de Jean Arp et une sérigraphie d’Andy Warhol de 1964. Le principe du roulement quotidien est aussi de rigueur sur une partie du stand de Medhi Chouakri (Berlin), qui peut ainsi multiplier les présentations personnelles. Sont exposés Hans-Peter Feldmann, Saâdane Afif, Mathieu Mercier avec une œuvre inédite et déroutante ainsi que la très jeune N. Dash (née en 1980). Chez neugerriemschneider (Berlin), on parie sur les œuvres récentes d’artistes très actifs internationalement : Ai Weiwei avec une nouvelle version de Forever Bicycle, Jorge Pardo, Pae White, Elizabeth Peyton.

« Pour Bâle, nous avons toujours des pièces nouvelles. C’est la foire la plus importante pour nous et nous essayons d’obtenir de la part des artistes des œuvres en exclusivité », souligne Justine Durrett, directrice des ventes chez David Zwirner (New York, Londres). C’est ainsi que l’on pourra voir des peintures de Yayoi Kusama réalisées spécialement pour la foire, à côté des propositions de Francis Alÿs, Mamma Andersson, Wolfgang Tillmans, Neo Rauch comme des pièces historiques de Donald Judd et Dan Flavin.

White Cube (Londres, Hongkong, São Paulo) mise aussi sur la juxtaposition d’œuvres issues de générations différentes pour mettre en valeur l’individualité de chacun. « Nous mélangeons des œuvres d’artistes qui en sont à des niveaux de développement de leur carrière très différents, raconte Honey Luard, directrice associée. Et nous veillons toujours à montrer des artistes que nous exposons dans l’une de nos quatre galeries, afin de donner aux visiteurs de Bâle la possibilité de voir des œuvres qu’ils ne pourraient peut-être pas voir autrement. » Les sculptures de Rachel Kneebone dialoguent avec celles d’Antony Gormley, auxquelles s’ajoutent les pièces de Damien Hirst, Mona Hatoum, Tracey Emin, Sergej Jensen, Christian Marclay, Raqib Shaw, Theaster Gates, Gary Hume.
Chez Annely Juda Fine Art (Londres), les avant-gardes russes ont la part belle avec Malevitch, Naum Gabo et Alexandra Exter, qui côtoient David Hockney, Anthony Caro, David Nash, et les « OROgraphy » de Taku Aramasa. Les femmes artistes sont quant à elle à l’honneur sur le stand de Cheim & Read (New York), et notamment Louise Bourgeois avec un marbre de 2004 ou Joan Mitchell avec une toile de 1960.

Une poignée de galeries françaises
Du côté des galeries françaises, qui sont plus d’une quinzaine à avoir été sélectionnées, les stratégies sont tout aussi variées, quand bien même le mot d’ordre reste identique : montrer de l’exceptionnel et de l’inédit. Les poids lourds de l’art moderne s’appuient sur les fondamentaux. La Galerie 1900-2000 consacre ainsi la moitié de son stand à Man Ray et à Marcel Duchamp, avec, de ce dernier, un dessin de 1912 de première importance. « C’est la foire où l’on fait le plus de ventes dans l’année. Il suffit que l’on vende un tableau très important et cela change le chiffre d’affaires de l’année », confie David Fleiss.

La Galerie Lelong présente un ensemble de sculptures de Joan Miró des années 1930, mais aussi des créateurs contemporains. « On essaie toujours de mêler à Bâle des artistes historiques et des artistes contemporains », précise Jean Frémon, son président. Des sculptures de David Nash et des œuvres vidéo d’Ana Mendieta se partagent ainsi l’espace avec un bronze de Jaume Plensa et des aquarelles de Barthélémy Togo. La question du lien entre l’historique et le contemporain est aussi au cœur du stand d’Almine Rech. « Bâle est la seule foire où il y ait une articulation profonde entre le moderne et le contemporain. À la Fiac [Foire internationale d’art contemporain], il y a un peu ça mais pas autant », explique-t-elle. La galeriste propose un group show autour de la question de la lumière et de l’espace avec des œuvres historiques de 1968 de Jo Baer et de Jannis Kounellis, un mobile en aluminium de Calder, des sculptures inédites de Jeff Koons, mais aussi des peintures des jeunes stars David Ostrowski (né en 1981) et Erik Lindman (né en 1985).

Thaddaeus Ropac s’ouvre davantage aux jeunes artistes, Claire Adelfang (née en 1984) et Oliver Beer (né en 1985), face à des pièces historiques de Beuys et de Bacon.

Les vases communicants entre la Biennale de Venise et Art Basel continuent à fonctionner à l’instar de Joan Jonas, pavillon américain en 2015 que met en exergue Yvon Lambert, ou de Chiharu Schiota, qui représentera le Japon, à voir chez Daniel Templon. « La stratégie est fonction de l’actualité des artistes », souligne Olivier Belot, directeur général chez Yvon Lambert. Le galeriste parisien expose un grand ensemble de Douglas Gordon, lequel bénéficiera d’une exposition personnelle à l’Armory Show, et des artistes historiques comme Lawrence Weiner, Jenny Holzer, Robert Barry et Bertrand Lavier – exposé en 2012-2013 au Centre Pompidou.

« Souvent nous faisons venir des œuvres directement de l’atelier. […] Notre travail est de montrer nos artistes bien sûr, mais selon l’actualité de la galerie, ce que les gens apprécient », confie Daniel Templon qui présente Jitish Kallat, Kehinde Wiley, Yvan Navarro ainsi que David LaChapelle et Pierre et Gilles – ces derniers viennent d’entrer dans la galerie à la suite de la fermeture de la galerie Jérôme de Noirmont. Fabrice Hyber, qui a pour sa part rejoint récemment l’écurie de Nathalie Obadia, est exposé à côté d’œuvres inédites de Joris Van de Moortel, Lorna Simpson et Sarkis.

Raysse, Henrot, Echakhch
Chez Kamel Mennour, les artistes français sont à l’honneur avec notamment Martial Raysse qui présente deux sculptures récentes parallèlement à sa rétrospective au Centre Pompidou, Claude Lévêque et un nouveau Go mental, ou encore Camille Henrot et Latifa Echakhch qui bénéficient toutes deux d’une actualité aux États-Unis. Sans oublier une sculpture de Lee Ufan datée de 2013 et un tableau au plomb de Pier Paolo Calzolari des années 1980. Emmanuel Perrotin, dont plus de la moitié des œuvres du stand a été créée pour la foire, présente Tatiana Trouvé, Gregor Hildebrandt, Kaz Oshiro, ainsi que Jesús Rafael Soto qu’il représente désormais. Et Air de Paris poursuit son travail de mise en lumière d’oubliés de l’histoire telle Dorothy Ianonne.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°415 du 6 juin 2014, avec le titre suivant : Des stratégies très élaborées

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