Luminaire - Fiat lux !

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 4 juin 2014 - 787 mots

L’Espace Fondation EDF expose lampes emblématiques du XXe siècle, œuvres d’artistes et expérimentations autour de l’énergie lumineuse.

PARIS - Serait-ce pour ne pas faire de publicité à une marque automobile que la Fondation EDF a esquivé la locution latine « fiat lux ! » ? Le fait est que sa nouvelle exposition de design s’intitule plus trivialement « Que la lumière soit ! ». Issue des collections du Vitra Design Museum de Weil-am-Rhein, en Allemagne, celle-ci a été montrée par ladite institution du 28 septembre 2013 au 16 mars 2014 sous le titre, plus subtil, de « Lightopia ».

Très didactique, l’opus parisien se découpe en trois grandes parties : d’abord une sélection de luminaires emblématiques ; ensuite des pièces et installations sur la puissance « performative » de la lumière ; enfin les recherches actuelles sur les luminaires et, plus globalement, autour de la lumière.

Histoire didactique du design
Dans une scénographie alambiquée faites de hauts rideaux peu seyants, le visiteur découvre néanmoins une cinquantaine de lampes phares de l’histoire du design. À commencer par des modèles signés du designer italien Gino Sarfatti, tel le 599/N d’Arteluce (1968), illustrant sa virtuosité à dessiner des formes dans lesquelles vient subtilement se lover une technologie d’époque la plus pointue. De façon attendue, on trouve une lampe Tizio (1972) de Richard Sapper – laquelle fit entrer dans l’espace domestique l’halogène, éclairage utilisé habituellement par l’industrie et le secteur automobile – ou la fameuse Anglepoise (1934) de l’ingénieur anglais George Carwardine, ancêtre des luminaires de bureau articulés. On peut voir ici aussi, de Poul Henningsen et sa célèbre Artichoke (1958) ou « lampe-artichaut », des calques techniques à l’échelle 1 qui révèlent la complexité d’assemblage de ses multiples « feuilles ». Mais le visiteur y fait également de belles découvertes comme cette lampe ultra-géométrique Atollo de Vico Magistretti (Oluce, 1977), dont l’abat-jour semi-sphérique apparaît quasiment en équilibre sur un pied taillé en pointe de crayon, et cette étrange lampe métallique Cantilever signée Gerald Abramovitz (Best & Lloyd, 1961).

Les luminaires disent beaucoup de leur époque. Pas étonnant de retrouver, par exemple, la lampe Hebi du Japonais Isao Hosoe (1970), sorte de long serpent à tête éclairante, en bonne place sur… une planche du dessinateur italien Milo Manara. Tous les spécimens ici exhibés content l’évolution à la fois des techniques et des matériaux, mais aussi, en filigrane, le développement social et industriel. Une vitrine en forme d’éloge à la classique ampoule à incandescence montre la beauté de l’objet à travers une splendide série de bulbes, soufflés bouche ou pas, des années 1880 aux années 1940. Le plus drôle est de lire cette pétition baptisée « Bulb Fiction » lancée, en 2012, par le magazine d’art berlinois Monopol contre l’interdiction à la vente des ampoules à filament (ou à incandescence), laquelle avait réuni une belle brochette d’artistes : d’Andreas Gursky à Daniel Buren, de Candida Höfer à Thomas Demand, d’Ann Veronica Janssens à Bob Wilson. Non loin, comme un clin d’œil symbolique, est accroché le plafonnier Flying Flames du créateur allemand Ingo Maurer, constitué de 256 diodes électroluminescentes qui vacillent telles les flammes tremblantes de bougies.

Enzymes de lucioles

Il n’y a pas que les designers, les artistes aussi se sont emparés à l’envi de la lumière. En témoignent notamment, au sous-sol, la vidéo Around The World du groupe Daft Punk, truffée de jeux d’éclairage multicolores, ou cette pièce intitulée Chromosaturation de Carlos Cruz-Diez, dans laquelle la lumière se dématérialise littéralement de son support, tendant à une propre autonomie dans l’espace. « C’est une installation très importante, estime Jolanthe Kugler, commissaire de l’exposition, car elle montre l’influence de la lumière et des couleurs pures sur l’homme. Carlos Cruz-Diez travaille avec la lumière depuis les années 1960 et il nous montre la capacité de notre cerveau à voir des couleurs qui ne sont pas représentées dans l’œuvre. »

L’ultime partie, consacrée à la prospective et déployée au premier étage de la Fondation, retient particulièrement l’attention, parce qu’elle présente moult expérimentations. Des designers réfléchissent, en effet, au-delà des objets en tant que tels, à des sources d’énergie de substitution, à l’exemple du Néerlandais Joris Laarman, qui exploite les processus présents dans la nature pour produire de la lumière. Sa lampe HalfLife fonctionne ainsi avec… des enzymes de lucioles. Le groupe allemand Merck, premier fabricant mondial de cristaux liquides, travaille, lui, sur une poudre qui est à la base des nouveaux OLED – diodes électroluminescentes organiques – et qui s’allume lorsqu’un courant électrique la traverse. Bref, la dématérialisation est en marche chez les designers également et la lumière du XXIe siècle encore à inventer…

QUE LA LUMIÈRE SOIT !

Commissaire de l’exposition : Jolanthe Kugler, conservatrice au Vitra Design Museum, Weil-am-Rhein
Nombre de pièces : une centaine

QUE LA LUMIÈRE SOIT !

Jusqu’au 31 août, Espace Fondation EDF, 6, rue Récamier, 75006 Paris, tél. 01 53 63 23 45, tlj sauf lundi et jours fériés 12h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°415 du 6 juin 2014, avec le titre suivant : Luminaire - Fiat lux !

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