Musée

Territoire

Musée Soulages : des retombées incertaines

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 3 juin 2014 - 549 mots

RODEZ

Moins coûteux que le Louvre-Lens ou le Centre Pompidou-Metz le Musée Soulages risque cependant de peser sur les finances locales.

RODEZ - « Le Musée Soulages est la tête de pont du marketing territorial », martèle Christian Teyssèdre, le maire (PS) de Rodez, lors de la conférence de presse d’inauguration du musée. Et pour être sûr de se faire comprendre, il le répétera trois fois, provoquant à chaque fois un léger sursaut de son voisin, Pierre Soulages. En retour, ce dernier prononcera à plusieurs reprises le nom de l’ancien maire Marc Censi (UMP), à l’origine du projet et qui sollicita sans relâche le peintre ; celui-ci et sa femme feront une première donation en 2005 de 500 œuvres d’une valeur de 35 millions d’euros, suivie d’une deuxième en 2012 de 14 pièces pour une valeur de 7 millions d’euros. Mais s’il est indiscutable que la notoriété de Rodez va grandement bénéficier de ce nouvel équipement culturel, il n’est pas certain que cela se traduise rapidement en retombées financières directes (les billets d’entrée) et indirectes (le développement économique de la ville).

Le site est pourtant plus modeste que le Louvre-Lens ou le Centre Pompidou-Metz. Alors que le (seul) coût de la construction a été de 83 millions d’euros (HT) pour le premier et de 52 pour le second, les architectes du Musée Soulages ont livré un bâtiment remarquable pour un montant de 16 millions d’euros. L’écart est plus important encore avec les deux antennes des musées parisiens s’agissant des coûts de fonctionnement, qui se situent dans un rapport de 1 à 10, même si le budget de 1,3 million d’euros annoncé par le maire paraît sortir du chapeau.

Tourisme familial
Un simple coup d’œil sur une carte géographique suffit à prendre la mesure du problème. Rodez est une petite ville de 23 000 habitants, certes comparable à Lens (34 000 habitants) mais, qui contrairement à la commune du Pas-de-Calais, est située dans une vaste région rurale très enclavée. Ce n’est donc pas sur les visiteurs locaux que la ville, ou plutôt la communauté d’agglomération propriétaire des lieux, peut compter pour sa fréquentation. Sur le tourisme, alors ? La région Midi-Pyrénées attire 15 millions de visiteurs, mais le Grand Rodez n’enregistre que 200 000 nuitées et la dépense moyenne par jour et par personne n’est que de 30 euros. C’est un tourisme très familial, plutôt attiré par les paysages et la cathédrale. D’ailleurs, le Musée Fenaille, qui abrite les célèbres statues-menhirs dans un bâtiment modernisé, n’accueille que 7 000 visiteurs payants par an, un chiffre très faible. Aussi, personne ne se risque à avancer le moindre chiffre de fréquentation. Même 50 000 visiteurs payants, ce qui serait déjà un joli succès, ne rapporteraient au mieux que 300 000 euros dans les caisses du musée. Les Ruthénois doivent s’attendre à payer pendant quelque temps le fonctionnement du musée et sa politique ambitieuse d’expositions temporaires, jusqu’à ce que de nouveaux touristes à fort pouvoir d’achat et attirés par l’art contemporain ne viennent alimenter l’économie locale. Pour autant, la création du Musée Soulages a permis le réaménagement d’un agréable quartier situé un peu en dehors du centre historique, avec de nouveaux équipements de proximité et de beaux espaces verts au bénéfice des habitants. Un bénéfice moins économique qu’environnemental mais qui n’a pas de prix.

Légende photo

Le Musée Soulages à Rodez - Photo © courtesy Photothèque de la communauté d'agglomération du Grand Rodez / Photo Cédric Méravilles

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°415 du 6 juin 2014, avec le titre suivant : Musée Soulages : des retombées incertaines

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque