L’héroïne du Jeu de paume

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 20 mai 2014 - 448 mots

Résistance - Paru en 1961, « Le Front de l’art » de Rose Valland est réédité sous une forme enrichie

Sorti en février 2014, le Monuments Men de George Clooney (Columbia Pictures) a beau être un mauvais film, il aura eu le mérite de redonner un coup de projecteur sur l’histoire du sauvetage des œuvres d’art pillées par les nazis au cours de la Seconde Guerre mondiale. Surfant sur le succès (espéré) du film, les éditions de la RMN proposent une nouvelle édition enrichie du Front de l’art. Défense des collections françaises. 1939-1945 de Rose Valland, plus de cinquante ans après sa première parution. En 1961, les lecteurs découvraient les mémoires de cette jeune attachée de conservation qui avait consenti à se jeter dans la gueule du loup par amour de l’art. Entre 1940 et 1945, Rose Valland était la seule Française tolérée au Musée du Jeu de paume, où étaient entreposées, avant d’être redistribuées, revendues ou détruites, les œuvres volées à leurs propriétaires juifs par l’Einsatzstab du Reichsleiter Rosenberg. Figure aussi discrète qu’austère, la vieille fille s’est efforcée de mémoriser tout ce qui passait sous ses yeux – nom des œuvres, de leurs propriétaires, numéro du convoi, destination… – et de tout retranscrire le soir, après le couvre-feu. Si elle a pu éveiller les soupçons motivés, à juste titre, par la paranoïa ambiante, personne ne s’est douté qu’elle était germanophone. À la Libération, Rose Valland joua un rôle crucial pour retrouver la trace du butin de guerre nazi, réparti à travers l’Allemagne et l’Autriche. En 2005 (seulement !), le ministre Renaud Donnedieu de Vabres faisait apposer sur la façade du Jeu de paume une plaque commémorative en l’honneur de Rose Valland, décédée en 1980.

La restitution d’œuvres d’art toujours d’actualité

Le style sec, factuel et très précis du récit est non seulement en accord avec l’image donnée par l’attachée de conservation, mais il se met au service d’une utilisation documentaire. À l’heure où le ministère de la Culture a annoncé l’organisation de la recherche proactive pour identifier les ayants droit des œuvres d’art MNR qui séjournent encore dans les musées de France, la question des restitutions d’œuvres d’art est plus que jamais d’actualité. L’édition 2014 du Front de l’art est enrichie d’un appareil critique évoquant le contexte ; de photographies de l’époque dont certaines, toujours troublantes, montrent l’amoncellement de cadres vides dans les galeries du Louvre ; d’une chronologie détaillée et déroulée jusqu’à 2010 ; de cartes géographiques répertoriant, entre autres, les différents sites où étaient entreposées les œuvres pillées en Allemagne et en Autriche ; des différentes sources d’archives disponibles en France, en Allemagne et aux États-Unis ; d’une bibliographie, d’une webographie et d’un précieux index.

Rose Valland, Le Front de l’art, Défense des collections françaises, 1939-1945, éditions de la Réunion des musées nationaux-Grand Palais, réédition 2014, 403 p., 22 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°414 du 23 mai 2014, avec le titre suivant : L’héroïne du Jeu de paume

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