Quentin Bajac : « La collection du MoMA doit s’ouvrir à l’international »

Directeur du département de la photographie du MoMA

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 20 mai 2014 - 754 mots

Directeur du département de la photographie du MoMA, à New York, Quentin Bajac y signe sa première exposition.

Depuis janvier 2013, Quentin Bajac dirige le département de la photographie du Museum of Modern Art à New York et signe avec « A World of Its Own : Photographic Practices in the Studio », sa première exposition. L’ancien chef du Cabinet de la photographie du Centre Pompidou explique ses orientations.

Votre première exposition sur les pratiques photographiques en studio constitue-t-elle une première marque visible de votre politique ?
Certainement. L’idée a été de travailler sur la collection et de montrer qu’à travers ces pratiques expérimentales liées à l’atelier, on peut réécrire une autre histoire de la photographie que celle à laquelle on associe un peu facilement le MoMA, lié traditionnellement à la photographie documentaire et descriptive qui irait d’Eugène Atget à Lee Friedlander en passant par Walker Evans. Cette exposition thématique mélange des photographies du XIXe, modernes et contemporaines, et inclut aussi quelques films et vidéos, rompant ainsi avec l’accrochage chronologique jusqu’alors en vigueur dans les galeries permanentes consacrées aux collections de photographie du musée.

Faut-il y voir une rupture avec votre prédécesseur, Peter Galassi ?
Plutôt la nécessité de faire évoluer la présentation de la collection permanente et de réorienter la collection en termes d’acquisition en l’ouvrant à d’autres zones géographiques, d’autres sensibilités. Le regard que j’ai, d’autres conservateurs l’ont dans d’autres départements. Chacun d’entre nous a conscience de la nécessité de faire évoluer la présentation des collections vers davantage d’interdisciplinarité. Nous travaillons sans doute beaucoup plus en concertation que par le passé en matière d’acquisition ou d’accrochage. Actuellement, nous travaillons beaucoup sur le projet d’expansion du MoMA dans la tour de Jean Nouvel, où les collections se déploieront en 2018. Cette ouverture est l’occasion de repenser leur accrochage et d’atténuer cette logique par département au profit d’un accrochage mixant différents médias.

En termes d’achats, précisément, quelles sont vos orientations ?
Je pense que la collection du MoMA doit s’ouvrir davantage à l’international qu’elle ne l’a été. John Szarkowski (NDLR directeur du département photo du MoMA de 1962 à 1991) avait une vision très américaine de la photographie contemporaine que Peter Galassi (NDLR directeur de 1991 à 2012) a ouverte aux photographes allemands, énormément mis en valeur dans les années 1990-2000. Le programme d’acquisition établi pour les cinq à six années à venir tend donc à étoffer les collections européennes et latino-américaines, en particulier des années 1920 à 1960. Elle prêtera également une attention à ce qui se passe en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Europe Centrale.

Ce regard plus élargi concerne-t-il aussi la France ?
Plus généralement la vieille Europe je dirai. Mais il est vrai que si le MoMA a des relations anciennes avec l’art moderne français, les artistes français dans les collections photo sont peu nombreux, Annette Messager ou Sophie Calle y sont par exemple absentes. Sur les cent photographes présentés dans New Photography, série d’expositions consacrée aux photographes contemporains, lancée en 1985 par le MoMA, trois artistes français ont été présentés : Sophie Ristelhueber, Éric Rondepierre et Patrick Faigenbaum. La commémoration du 30e anniversaire de New Photography en 2015 est à cet égard une occasion de refonder cette série d’expositions trop américano-américaines en l’élargissant à l’international sur le mode de la Biennale et à toutes les galeries photo du département – où une vingtaine de photographes contemporains pourraient être présentés contre deux ou trois jusqu’à présent concentrés sur une seule salle. Par ailleurs, lors de la relecture des collections, notamment des collections B où sont entreposées des images qui, pour des raisons diverses n’ont pas été mises dans l’inventaire principal, nous avons retrouvé un ensemble de Luigi Ghirri des années 1970, que ce dernier avait envoyé en 1976 à John Szarkowski. Avec l’accord des ayants droit, nous avons décidé de les promouvoir dans la collection.

Le MoMA dans le passé, y compris proche, a vendu des pièces de sa collection. Avez-vous procédé ou programmé des ventes ?
Pas pour l’instant. Ma priorité a été d’analyser avec l’équipe les forces et les faiblesses de nos collections. Le deuxième stade de cette reconfiguration pourrait se faire par la cession d’un certain nombre de photographies en sachant que c’est un processus très encadré, doublement validé par le comité d’acquisition de chaque département puis par le board (conseil d’administration). La dernière grande vente a été menée il y a quinze ans pour financer, environ à moitié, l’achat de la collection Thomas Walther à laquelle nous consacrerons à partir de novembre une exposition.

A World of Its Own : Photographic Practices in the Studio

Jusqu’au 5 octobre au MoMA, The Edward Steichen Photography, 11 West 53 Street, New York, États-Unis
www.moma.org
samedi-jeudi 10h30-17h30, vendredi 10h30-20h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°414 du 23 mai 2014, avec le titre suivant : Quentin Bajac : « La collection du MoMA doit s’ouvrir à l’international »

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