Destinée

Les visages de Gwynplaine

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 20 mai 2014 - 395 mots

PARIS

La Maison de Victor Hugo explore les métamorphoses de « L’homme qui rit » et la portée tant politique que philosophique d’une fascination monstrueuse.

PARIS - Paru en 1869, L’homme qui rit n’a pas eu le succès escompté par son auteur. La somme mirobolante négociée avec l’éditeur, tout comme la publication en quatre chapitres espacés, avaient fait les choux gras de la presse. Les détracteurs et les admirateurs s’accordent au moins sur un point : dramatique, poétique, philosophique et politique, L’homme qui rit est le roman le plus hugolien d’Hugo. Le destin tragique de Gwynplaine, orphelin au visage entaillé qui grandit sous l’aile d’un saltimbanque avant d’être identifié comme le fils disparu d’un lord anglais, a saisi plus d’un cœur. Les différentes adaptations du roman qui ont traversé le XXe siècle, sur scène, sur grand écran, sous le pinceau d’artistes et de dessinateurs de bande dessinée sont là pour témoigner de la seconde vie de L’homme qui rit. Comme l’explique le commissaire et directeur de la Maison de Victor Hugo, Gérard Audinet, il ne s’agit pas tant pour ces créateurs d’être fidèle à la prose hugolienne que de tenter de recréer l’émotion de leur première lecture.

Partant des premiers dessins d’Hugo, sombres à souhait, reprenant quelques scènes clés du roman, le parcours s’arrête sur la première édition illustrée en 1875, version complétée dix ans plus tard par Antoine Rochegrosse, dont on retrouve avec plaisir les petits portraits à l’huile croquant les différents protagonistes. Gwynplaine et ses complices prennent ensuite vie grâce à plusieurs créations théâtrales, dont sont présentés les masques et les costumes, quelques films dont celui de Paul Leni (1928) est omniprésent dans les salles, et la bande dessinée, dont sont présentées plusieurs planches originales signées Nicolas Delestret. La forme change, se modernise, mais l’esprit tragique et romantique demeure. Si la lecture du roman apparaît comme le préambule indispensable à la compréhension et l’appréciation de l’exposition, les visiteurs ont à leur disposition un résumé de l’ouvrage et la description de ses personnages principaux. Distendu par des sections délayées jusqu’au remplissage avec des photographies de la mise en scène du théâtre Footsbarn ou du film de Jean-Pierre Améris, l’ensemble aurait mérité d’être recentré pour accueillir une partie plus approfondie sur le contexte de création du roman et l’origine de ses personnages, comme ces comprachicos imaginés par Hugo, qui mutilaient les enfants avant de les revendre.

L’âme a-t-elle un visage ? L’homme qui rit, ou les métamorphoses d’un Héros

Jusqu’au 31 août, Maison de Victor Hugo, 6, place des Vosges, 75004 Paris, tél. 01 42 72 10 16
www.musee-hugo.paris.fr
tlj sauf lundi 10h-18h. Catalogue, Paris Musées, 96 p., 29 €.


Anonyme, Gwynplaine, sans date, illustration du livre d’Alfred Barbou, Victor Hugo et son temps, 1881, p. 333, Maison de Victor Hugo, Paris. © Photo : Maisons de Victor Hugo/Roger-Viollet.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°414 du 23 mai 2014, avec le titre suivant : Les visages de Gwynplaine

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