Paroles d’artiste

Aurélien Froment : « Les objets de Fröbel sont là pour être discutés »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 22 avril 2014 - 751 mots

À Nice, Aurélien Froment s'empare des jouets éducatifs du pédagogue allemand Friedrich Fröbel (XIXe) à la Villa Arson.

Dans la Galerie carrée de la Villa Arson, à Nice, s’emparant des jouets éducatifs du pédagogue allemand Friedrich Fröbel (1782-1852), Aurélien Froment les confronte avec des clichés figurant leur usage, mais aussi avec des photos et documents relatifs au contexte de leur élaboration ou de leur utilisation.

Qu’est-ce qui, dans la méthode de Fröbel, a attiré votre attention au point de développer un si vaste projet ?
Fröbel est l’un des fondateurs de l’éducation moderne qui a créé un espace, le Kindergarten. Il a ouvert un lieu et y a introduit l’idée du jeu pour apprendre et enseigner. Il vit à un moment charnière car il a été influencé par les travaux de Johann Pestalozzi et Rousseau, et après lui viennent des dizaines de pédagogues de ce qu’on appelle la nouvelle pédagogie, travaillant avec un enseignement ouvert. C’est la première fois je pense qu’il y a une exposition sur les objets de Fröbel et qu’ils sont présentés ensemble. Ils ont déjà été montrés dans de grandes expositions sur le Bahaus et récemment au MoMA dans la manifestation « Century of the Child », mais toujours à titre d’artefacts historiques témoins d’un temps, sans qu’on se penche véritablement sur à quoi ça sert et comment ça marche. Les réunir est la seule façon de les présenter, puisqu’ils sont tous liés les uns aux autres. J’ai donc essayé de me servir des objets eux-mêmes pour en parler, car ils sont là pour articuler des idées ou pour observer des phénomènes ; ce sont donc des objets qui sont là pour être discutés.

Dans l’accrochage on voit des images des objets de Fröbel ainsi que des tables sur lesquelles se déploient les objets eux-mêmes. S’agissait-il de dresser un inventaire descriptif de la méthode ?
Il s’agissait plutôt de créer une situation dans laquelle les images apportent peut-être un certain éclairage sur ces objets. Les photographies ont été réalisées d’après d’autres images, qui pour partie proviennent des manuels d’instruction sur l’usage de ces jeux, mais elles n’ont ici plus de légendes. Il y a donc un texte à articuler par l’image. Et lorsque je les photographie, elles se chargent de plein d’autres choses, elles ont l’air d’être toujours aussi claires et lisibles mais il y a d’autres images en écho ou en fond, donc d’une certaine manière elles cachent toutes d’autres images.

Qu’est-ce qui a présidé à la manière dont vous avez articulé l’ensemble ?
La question, c’est comment exposer des objets qui normalement sont faits pour être manipulés ? Utiliser la photographie pour développer ces objets, pour les décrire, c’est simplement utiliser une chose assez familière dans une exposition. Pour moi, c’est ma traduction de ces objets dans un espace d’exposition. Tout cela a à voir avec la parole, avec comment on articule les choses, ce que l’on peut en dire etc., donc il fallait que j’en dise le moins possible ; et comme je le mentionnais, ces images-là sont sans légendes, muettes, de façon à faire peut-être advenir la parole.

Avec les enchaînements visuels qui se développent par le passage d’une image à une autre, d’un objet à l’image, etc., considérez-vous ce dispositif comme une sorte de jeu en lui-même également ?
Oui tout à fait. Il y a des choses qui bougent, qui ne sont pas tout à fait fixes, d’autres se rappellent les unes les autres,  parfois de façon à créer une construction dans l’esprit du visiteur, de voir une chose là, de la retrouver un peu plus loin transformée, etc. Une sorte de dramaturgie de l’exposition s’est mise en place, à travers la manière dont la boîte s’ouvre et dont le contenu se distribue ensuite dans toute la salle. Ensuite, oui, j’anime l’espace avec les images, avec les objets, avec les tables, de sorte que le spectateur rencontre soudainement des choses, que d’autres disparaissent pendant ce temps-là, tandis que des images en recouvrent d’autres avec le jeu des quatre panneaux qui divisent l’espace de l’exposition. Et il y a toujours quelque chose derrière qu’on ne voit pas, c’est-à-dire qu’on ne peut pas tout voir d’un seul coup d’œil. La visite elle-même induit des situations de jeu, car des images ou des objets sur les tables nécessitent de s’en approcher pour pouvoir les voir. Et c’est quand on se retrouve à cet endroit-là, que du coup, l’on crée une perspective sur le reste, et que peut-être l’œil est invité à regarder ailleurs. Donc oui, c’est composé physiquement.

AURÉLIEN FROMENT. FRÖBEL FRÖBELED

Jusqu’au 9 juin, Centre national d’art contemporain de la Villa Arson, 20, avenue Stephen Liégeard, 06105 Nice, tél. 04 92 07 73 73
www.villa-arson.org
tlj sauf mardi 14h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°412 du 25 avril 2014, avec le titre suivant : Aurélien Froment : « Les objets de Fröbel sont là pour être discutés »

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