HONGKONG

Une attractivité contrariée

Par Isabelle Aufroy · Le Journal des Arts

Le 9 avril 2014 - 970 mots

La fiscalité de la région est très favorable au commerce des œuvres. Mais si elle profite aux maisons de ventes, elle ne suffit pas à y installer un vrai marché de l’art, les galeries souffrant, notamment, des prix de l’immobilier.

Le récent engouement pour Hongkong comme nouvel « eldorado » de l’art invite à une analyse de son régime fiscal.

Tout d’abord l’art et son commerce ne font pas à Hongkong l’objet d’un régime fiscal particulier. Ensuite la région dispose de systèmes fiscaux distincts pour ses résidents et ses non-résidents. D’un point de vue général, ni TVA ni droits de douane n’affectent les transactions du commerce de l’art. Du point de vue des personnes privées, pour les résidents, il n’existe ni imposition des plus-values sur l’art, ni droit de succession ou de donation. Hongkong ne connaît pas d’application du droit de suite. L’acquisition d’œuvre ne fait pas non plus l’objet de taxes. Cependant, si la personne vendant une œuvre à Hongkong n’est pas résidente, il existe une taxe qui varie en fonction des situations. Dans le contexte d’une vente aux enchères, qui est celui de la majorité des transactions en art à Hongkong, le gouvernement applique une taxe de 0,5 % sur les transactions des vendeurs résidant à l’étranger. Dans le cadre privé, les cessions d’œuvres, à titre gratuit comme onéreux, sont exonérées d’impôts. Les personnes physiques et les personnes morales redevables d’un impôt peuvent faire des donations à des organismes de charité agréés. Ces dons ouvrent droit à une déduction d’impôt allant jusqu’à 35 % du montant estimé des revenus ou des profits.

Dans le cas des sociétés, tous les revenus et transactions liés à l’activité professionnelle sont sujets à la « profit tax ». Son barème, comme celui de l’impôt sur le revenu, peut être calculé de deux façons, soit selon un taux standard de 15 %, soit selon un taux progressif qui va de 2 % à 17 %. Le législateur choisit pour chaque cas le barème le plus avantageux fiscalement.

Un système favorable aux maisons de ventes
À Hongkong, les œuvres d’art sont un patrimoine mobilier très liquide. Un tel contexte, aux portes d’un pays et d’un marché, la Chine, dont l’imposition est très lourde, sur les importations, les transactions, les revenus, les biens, etc., semble idéal pour dynamiser le marché de l’art, dont les transactions permettent aussi de sortir des richesses monétaires du pays en les plaçant dans des biens mobiliers faciles à transporter et à liquider. En comparaison avec les autres pays où le marché de l’art est développé, les avantages fiscaux de Hongkong en font un lieu idéal pour tout commerce, et notamment celui de l’art, afin d’optimiser ses impôts. En effet, si une œuvre est répertoriée dans l’inventaire d’une galerie située à Hongkong ou y possédant une succursale, la transaction ne subit pas la même imposition que si cette galerie la vend hors de son inventaire à New York ou à Londres. Si elle a lieu hors de Hongkong, cette transaction n’est même pas imposable par Hongkong. En vertu du système fiscal, avoir une société enregistrée à Hongkong permet donc de faire des économies d’impôts importantes. Cependant, cela ne semble pas suffire pour rendre le marché de l’art plus dynamique.

Le marché à Hongkong appartient avant tout aux maisons de ventes aux enchères, dont le volume de transactions et les profits sont les plus élevés. Alors qu’un grand nombre de galeries ouvrent des espaces à Hongkong, quelle est leur situation économique réelle ? Les loyers exorbitants du centre-ville ont conduit nombre d’entre elles  à déménager dans la ville portuaire d’Aberdeen ou dans des lieux excentrés et moins aisés d’accès pour les collectionneurs. Les prix de l’immobilier ont surtout fait disparaître ou se déplacer des galeries historiques locales telles que Schoeni Art Gallery, qui a fermé ses portes en juin 2013, ou Plum Blossom, qui a déplacé son espace à Wong Chuk Hang dans les mois suivants. En dépit du système fiscal allégé, les autres coûts et le manque d’acheteurs locaux ne permettent pas à ces galeries de survivre. Les galeries internationales, elles, peuvent se reposer sur un réseau d’acheteurs plus vaste et leurs revenus dépendent moins de la fréquentation dans leurs murs. Les transactions sont liées à leur réputation plus qu’à la programmation de leur espace à Hongkong.

L’art est d’abord un investissement en Asie. Selon les marchands d’art et galeristes, la région compte plus de galeries que de collectionneurs. La plaisanterie est fondée. Les acheteurs locaux ont aussi tendance à se concentrer sur les « messes de l’art » que sont les foires et les ventes aux enchères, plutôt qu’à fréquenter les galeries. Concernant bénéfices et résultats, les commentaires des directeurs de grandes galeries comme de commissaires-priseurs tiennent souvent plus de la communication qu’ils ne décrivent la réalité. Hongkong n’a pas un marché de l’art au sens où on l’entend en Occident. Le tissu du public des expositions et des amateurs d’art reste à développer, notamment du point de vue institutionnel. Il est donc important de replacer le bénéfice de taxes allégées dans un contexte économique plus vaste.

Du point de vue purement fiscal, Hongkong demeure un lieu extrêmement attractif, même dans la région. L’avantage compétitif de la faible imposition sur les particuliers comme sur les professionnels place Hongkong en tête devant nombre de pays comme lieu idéal pour les transactions ou la possession d’œuvres d’art. Notamment en comparaison avec son voisin chinois, qui communique pourtant beaucoup autour des zones franches sur le continent et des résultats de ventes de Christie’s et Sotheby’s à Shanghaï et Pékin. Les taxes à l’importation, les complexités du système douanier, la censure de certaines œuvres d’art comme l’imposition lourde des revenus et des biens entraînent en Chine la fermeture de galeries et le départ de marchands comme d’artistes qui cherchent à émigrer, en particulier à Hongkong.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°411 du 11 avril 2014, avec le titre suivant : Une attractivité contrariée

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