Antiquité

Auguste règne sur le Grand Palais

Grâce à des prêts exceptionnels et à la muséographie grandiose de l’exposition du Grand Palais, gloire est rendue au premier Empereur romain de l’Histoire

Par Bérénice Geoffroy-Schneiter · Le Journal des Arts

Le 8 avril 2014 - 834 mots

Fils adoptif de Jules César, Auguste n’est plus l’« illustre inconnu » de l’histoire impériale romaine grâce à l’exposition aussi érudite que surprenante organisée par le Musée du Louvre, les Scuderie del Quirinale et les musées du Capitole. L’art romain, loin d’être une déclinaison de l’art grec, est dévoilé dans toute son originalité au travers de prêts exceptionnels.

PARIS - Bien moins célèbre que Jules César (qui eut l’intelligence de s’autoglorifier en rédigeant pour la postérité « sa » Guerre des Gaules) ou qu’Hadrien (immortalisé par le beau roman de Marguerite Yourcenar), Auguste apparaît, à bien des égards, comme un « illustre inconnu ». Son long règne de plus de quarante ans (de 27 av. J.-C. à 14 apr. J.-C.) a pourtant été marqué par une période de stabilité politique et de prospérité dont témoigne, avec éclat, l’exceptionnelle exposition du Grand Palais. Fruit d’une collaboration étroite entre le Louvre, et, à Rome, la Scuderie del Quirinale et les musées du Capitole, cette dernière ressemble à un livre d’histoire latine illustré par les plus grands chefs-d’œuvre.

Fusion des canons grecs et idéaux romains
Dès la première salle, le visiteur est ainsi happé par cette « icône de la romanité » qu’est la statue de l’Auguste Prima Porta conservée au Vatican. Découvert en 1863 dans la villa de l’épouse d’Auguste, l’impératrice Livie, aux environs de Rome, ce majestueux portrait peut se lire comme la fusion idéale des canons esthétiques grecs (l’équilibre et le rythme de la pose sont directement inspirés du Doryphore de Polyclète) et des idéaux romains (l’Empereur est paré d’une cuirasse hautement symbolique et d’un manteau militaire). L’âge d’or augustéen ne cessera ainsi de puiser dans le foisonnant héritage de l’art hellène pour créer des œuvres nouvelles rivalisant avec leurs prestigieux modèles. C’est assurément l’une des leçons les plus originales que procure la visite de cette passionnante exposition. Loin d’être un sous-produit de l’art grec, l’art romain – et particulièrement sous le règne d’Auguste – a sans cesse expérimenté de nouvelles formes, de nouveaux langages, de nouveaux matériaux. « On est davantage dans un climat d’émulation et d’interprétation que d’imitation servile », résume avec enthousiasme Daniel Roger, l’un des commissaires de l’exposition. Et ce jeune conservateur du Louvre de citer en exemple Pasitélès, sculpteur athénien installé à Rome, qui n’hésitait pas à piocher dans le vaste répertoire de ses prédécesseurs matière à recréer des compositions inédites, fussent-elles hybrides par le style et l’époque ! En témoignent ces deux versions du groupe statuaire dit « Oreste et Pylade », qui combinent, non sans une certaine saveur, l’art de Polyclète et de Praxitèle…

Images de propagande
Siècle d’harmonie et de paix retrouvée, le règne d’Auguste est aussi celui qui voit naître la diffusion, à grande échelle, d’une imagerie officielle pour le moins codifiée. Quels que soient les supports (monnaies, statues, bas-reliefs, camées…), les portraits de l’Empereur et de son entourage familial sont censés légitimer le nouveau système politique, diffuser son message non seulement à Rome, mais aussi aux quatre coins de l’Empire. L’exposition confronte ainsi cette splendide tête en bronze découverte à Méroé – dont l’expression semble teintée d’un certain pathos – à cette statue équestre repêchée dans la mer Égée en 1979, qui immortalise l’Empereur sous les traits d’un chef militaire victorieux. Mais ne nous y trompons pas ! Loin d’être « réalistes » au sens où nous l’entendons, ces images sont des constructions mentales, destinées à célébrer les qualités d’un homme d’État (la noblesse, l’ambition, le courage…).

Mais s’il est des œuvres où l’on sent palpiter davantage encore cet art de vivre chanté par les poètes Virgile et Horace, ce sont bien ces bas-reliefs peuplés d’acanthes ou de rinceaux (symboles de fécondité), cette vaisselle d’argent ou ces flacons de verre d’un luxe inouï. Sans oublier ces bijoux en or que l’on imagine avoir été portés par l’impératrice Livie ou l’un des membres de la famille impériale…

Fastueuse et érudite (saluons la qualité des textes de présentation, l’élégance et la fluidité de la muséographie), l’exposition réserve aussi bien des surprises visuelles, tels ces masques monumentaux qui ornaient le théâtre de Marcellus. Joyeux ou grimaçants, ils sont d’une présence saisissante… Signalons encore ces admirables relevés des peintures murales de la maison de Livie réalisés, à l’occasion des fouilles du mont Palatin, par le peintre Joseph Fortuné Séraphin Layraud. D’une sensibilité extrême, ils restituent le premier regard émerveillé d’un artiste du XIXe siècle face à ces fragiles « lambeaux de mémoire ». Un siècle plus tard, les fresques originales ont, hélas, quasiment disparu…

AUGUSTE

Commissariat de l’exposition : Cécile Giroire et Daniel Roger, conservateurs au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du Louvre ; Eugenio La Rocca et Annalisa Lo Monaco, Universita degli Studi di Roma « La Sapienza » ; Claudio Parisi-Presicce, Sovrintende Capitolino ai Beni Culturali

Moi, Auguste, empereur de Rome

Jusqu’au 13 juillet, Grand Palais, entrée Clemenceau
tlj sauf mardi et 1er mai, 10h-20h, le mercredi jusqu’à 22h
www.grandpalais.fr
Catalogue, éd. Réunion des musées nationaux-Grand Palais, 320 p., 330 ill., relié, 45 €.

Légendes photos

Portrait d'Auguste de Méroé, 29-20 av. J.-C., bronze, calcite et verre, 46,2 x 26,5 x 29,4 cm, The British Museum, Londres. © Photo : The British Museum, Londres, Dist. RMN/The Trustees of the British Museum.

Auguste, tête voilée, fin du Ier siècle av. J.-C., marbre blanc, 43 x 25 x 22 cm, Museo Archeologico Nazionale delle Marche, Ancone. © Soprintendenza per i Beni Archeologici delle Marche.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°411 du 11 avril 2014, avec le titre suivant : Auguste règne sur le Grand Palais

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