Ventes aux enchères

Le lent déclin de Drouot

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 26 mars 2014 - 509 mots

PARIS

SPECIAL 20 ANS - Un demi-siècle auparavant, le commissaire-priseur français Ader parvenait avec sa seule étude à réaliser un chiffre d’affaires supérieur à celui de Sotheby’s et de Christie’s réunies.

En 1995, Drouot représentait encore 21 % du chiffre d’affaires des deux maisons anglo-saxonnes. Aujourd’hui, le duopole accapare une bonne part du marché mondial des ventes aux enchères tandis que Drouot Holding, regroupant depuis 2002 sous un même toit soixante-dix maisons de ventes à Paris, représente à peine plus de 4 % du chiffre d’affaires de celui des deux acteurs internationaux. Même en France, la place de Drouot se révèle aujourd’hui menacée. Les grandes maisons ont toutes ouvert leur propre salle, ne conservant plus à Drouot que les ventes courantes. Tajan fut la première puis Artcurial, troisième acteur national, s’est établi dans les locaux de l’hôtel Marcel Dassault, et c’est maintenant Piasa qui annonce son installation rue du Faubourg-Saint-Honoré. Pierre Bergé, Cornette de Saint Cyr, Marc-Arthur Kohn, pour ne citer qu’eux, organisent leurs grandes ventes en dehors de Drouot. Selon le Conseil des ventes volontaires, la part de la holding dans les ventes parisiennes a chuté, passant de 58,6 % en 2005 à 37,5 % en 2013. Cette même année, les résultats cumulés des soixante-dix opérateurs regroupés dans Drouot Holding s’étaient à peine hissés au niveau de ceux de Sotheby’s et Christie’s France, pour un nombre d’objets dispersés bien supérieur. Et à l’inverse des acteurs dominants du marché, Drouot voyait son chiffre d’affaires diminuer une fois de plus. La fermeture de Drouot-Montaigne en 2011 symbolise en cela le décrochage de la holding face aux autres résidents du 8e arrondissement.

Manque de gouvernance
L’émiettement des opérateurs est souvent présenté comme un frein au développement de Drouot. Pourtant, à l’orée des années 2000, trois projets successifs de rachat avaient fait grand bruit, parmi lesquels ceux de Pierre Bergé et de la banque Barclays, avant d’échouer face à l’esprit d’indépendance des commissaires-priseurs parisiens. Faute d’une réelle gouvernance et guidés par la seule mise en commun des salles de ventes, les opérateurs travaillant à Drouot marchent encore en ordre dispersé.

Malgré son nom mondialement reconnu par les professionnels, et sa rénovation récente au prix de longs mois de travaux, l’hôtel Drouot a vu son image durablement ternie par le scandale des commissionnaires, les fameux « cols rouges », survenu en 2009. À la suite de la dénonciation de leurs pratiques douteuses et surtout face aux centaines, voire milliers, d’objets volés, le rapport du ministère de la Justice en 2010 accablait l’institution, dénonçant son déclin et son opacité. De même, les sanctions disciplinaires prononcées par le Conseil des ventes ont révélé au public la dérive de certains acteurs, tandis que leur médiatisation renforçait le sentiment de pratiques d’un autre âge. En outre, alors que la qualité de service des nouveaux commissionnaires reste en deçà des attentes, les tarifs de location des salles sont jugés prohibitifs par les jeunes études et le système de réservation, de longs mois à l’avance, apparaît obsolète. En conséquence, les salles vides se multiplient dans ce lieu qui décline inexorablement.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°410 du 28 mars 2014, avec le titre suivant : Le lent déclin de Drouot

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