Trecento

Saint-Martial va bientôt renaître

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 11 mars 2014 - 810 mots

La restauration des fresques de la chapelle peinte par Matteo Giovannetti
au Palais des papes à Avignon devrait s’achever à l’été.

AVIGNON - La restauration de la chapelle Saint-Martial du Palais des papes à Avignon devrait s’achever en juillet, après un an et demi de travaux. Cette opération d’envergure, visant à améliorer la lisibilité des fresques réalisées par Matteo Giovannetti (1322-1368) entre 1344 et 1346 pour le pape Clément VI, avait tardé à débuter. Entamée en 2005 avec une première phase expérimentale comprenant documentation et essai de nettoyage sur une petite surface, elle fut très vite interrompue (lire le JdA no 343, 18 mars 2011). « La complexité de cette restauration avait été sous-estimée », explique Didier Repellin, architecte des Monuments historiques et maître d’œuvre du chantier. La faute à l’acétate de polyvinyle qui est venu recouvrir les fresques lors d’une restauration dans les années 1970 et qui, avec le temps, a considérablement assombri les coloris des fresques. « Ce produit, qui s’est infiltré sous les écailles de la peinture, a été appliqué en dose bien plus importante que ce que l’on imaginait », explique Dominique Vingtain, conservatrice en chef du Palais des papes.

D’abord chiffré à 480 000 euros en 2005, le coût de la restauration grimpe rapidement à un million d’euros, financé à hauteur de 500 000 euros par la Ville d’Avignon et de 400 000 par l’État, avec un mécénat de 100 000 euros apporté par la Fondation BNP Paribas. Entre-temps, l’entreprise italienne Arte e restauro, qui avait entrepris un premier dépoussiérage des fresques, s’est retirée du chantier, tandis que la municipalité avignonnaise, propriétaire du Palais et maître d’ouvrage, a laissé le projet en stand-by. Ce n’est qu’en 2012 qu’un nouvel appel d’offres est lancé et remporté par le Consorzio Arke’ (Rome), qui a œuvré sur les peintures de Giotto à la chapelle Scrovegni à Padoue et de Pinturicchio à Sienne, en Italie. Le chantier bat aujourd’hui son plein. Six restaurateurs travaillent au quotidien sur des échafaudages de trois étages, intervenant sur vingt et une scènes qui narrent, de la voûte au sol, l’histoire de saint Martial de Limoges, évangélisateur du sud-ouest de la Gaule et familier de saint Pierre auquel le Limousin Clément VI se serait référé pour légitimer la présence du Saint-Siège à Avignon.

Les restaurateurs procèdent à l’amincissement strate par strate de l’acétate de polyvinyle. « Les bâtiments clairs, rappelant l’architecture locale, étaient devenus marron », explique Didier Repellin. Une opération consistant à refaire adhérer au mur des zones de l’enduit soulevé et boursouflé, et une consolidation de la couche picturale sont également effectuées, tout comme la réintégration des petites lacunes à l’aide d’aquarelle grise diluée, en utilisant systématiquement un ton au-dessus de celui de la fresque. Une manière de laisser la restauration visible tout en améliorant la lisibilité.

Lacunes conservées Certains désordres et lacunes seront laissés dans l’état, ainsi des nombreuses parties effectuées à sec par Giovannetti – telles les feuilles métalliques –, tombées avec le temps. La lèpre de l’étain, processus chimique irréversible, est venue recouvrir de taches les cottes de maille. Tandis que de nombreux visages réalisés à fresque ont été détachés du mur par des militaires pour être revendus, lorsque le Palais faisait office de caserne au XIXe siècle. « On conserve également quelques destructions caractéristiques, en guise de documentation pour des restaurations ultérieures », précise la restauratrice Manuela Micangeli, désignant une cloque qui témoigne de la perte d’adhérence de la peinture.

Fermée depuis une dizaine d’années après avoir trop longtemps été ouverte aux 60 000 visiteurs annuels que reçoit le Palais, la chapelle – visible à l’heure actuelle par le biais d’un film – devrait être accessible au public en 2015 dans un cadre favorisant sa conservation préventive. La régulation du public pourrait se faire par le biais de visites guidées ou par un sas vitré, voire par une simple barrière de protection, à l’exemple de celle utilisée pour la chapelle Saint-Jean. Réalisée entre 1346 et 1348 au-dessous de Saint-Martial par Matteo Giovannetti, celle-ci a moins souffert des infiltrations d’eau que sa grande sœur. Elle mériterait cependant également une restauration. « Au XIXe siècle, elle était placée au-dessus des latrines, ce qui a abîmé ses soubassements », explique Dominique Vingtain. Aucune opération n’est cependant programmée à l’heure actuelle.

Les chapelles Saint-Martial et Saint-Jean constituent, avec les fresques placées sur un voûtain de la salle de la grande audience représentant dix-neuf prophètes et une sybille, les derniers rescapés du travail de Matteo Giovannetti au Palais des papes. Nombre des fresques de ce peintre officiel qui a perpétué la manière siennoise de Simone Martini sur les bords du Rhône ont été détruites dans un incendie en 1413, ou par l’homme au XIXe siècle. Une exposition à venir présentant les 8 ou 9 panneaux peints connus de l’artiste dispersés entre Paris, Venise, ou Viterbe – dont Giovannetti était originaire – devrait permettre de remettre ce peintre sur le devant de la scène.

Légende photo

Deux restauratrices du Consorzio Arké au travail sur la chapelle Saint-Martial d'Avignon. © Photo : M. Boutges

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°409 du 14 mars 2014, avec le titre suivant : Saint-Martial va bientôt renaître

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque