L’art moderne sort ses atouts

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 26 février 2014 - 874 mots

Alors que les principaux représentants de l’art moderne sont dignement exposés, l’art contemporain reste encore très minoritaire.

Spectaculaire et coloré, majestueux et aérien, Janey Waney s’apprête à se dresser dans le hall d’entrée de la foire, promettant d’attirer tous les regards. Et subtilement, ce stabile d’Alexander Calder de 1969 donnera le la : l’art moderne est bien présent à Tefaf, et de fort belle manière. Si la foire néerlandaise a construit sa réputation sur l’art ancien, son versant moderne a été timidement introduit dès 1991 pour devenir aujourd’hui l’un des piliers de la manifestation, réunissant cette année 45 des plus grands marchands d’art moderne et contemporain. En proposant des sections très diversifiées, Tefaf promet au collectionneur de bénéficier d’un choix et d’un éventail historique très larges, qui sont autant d’occasion de lui suggérer des achats transversaux.

Chez l’Autrichien Thomas Salis, ce sont les prémices de l’art moderne qui sont présentées avec Crépuscule au Pouliguen, une peinture aux teintes douces d’Édouard Vuillard de 1908 ou une écuyère en équilibre de Kees van Dongen, subtile composition de 1906. L’expressionnisme allemand est magnifiquement représenté sur les stands du Bâlois Henze & Ketterer ou du Londonien Richard Nagy. Le premier montre La danse de mort de Mary Wigman : cette huile poignante d’Ernst Ludwig Kirchner est inspirée de la pionnière de la danse expressionniste, considérée aujourd’hui comme l’une des grandes figures de la danse moderne. Le second a réservé pour la foire le dessin d’une jeune femme blonde en sous-vêtements d’Egon Schiele datant de 1913, une période où la reconnaissance internationale du peintre est en pleine ascension. Figure à ses côtés Young Boy (1923), une œuvre sur papier de Georges Grosz qui représente une scène de débauche sous les yeux d’un jeune garçon, emblématique des témoignages acides de l’artiste sur l’Allemagne de l’après-guerre.

Le surréalisme a aussi de beaux ambassadeurs : ainsi de Max Ernst et son Oiseau en cage sur fond noir (1923), un petit format aux lignes épurées à l’extrême, proposé par la galerie Berès (Paris). De son proche Jean Arp, Marlborough Fine art dévoile une sculpture en bronze, intitulée Métamorphose (Coquille-Cygne-Balance-toi), exposée lors de la rétrospective de l’artiste au MoMa en 1958. L’œuvre a été créée en 1935, alors que l’artiste s’était détourné de ses célèbres reliefs muraux en bois pour réaliser des sculptures autoporteuses aux formes organiques. C’est également un bronze qui attire les regards à la galerie canadienne Landau Fine Art : réalisée par Henry Moore, la sculpture de 1947 représente deux jeunes enfants sur les genoux de leurs parents, les familles étant un sujet de prédilection de l’artiste à cette période. Les années 1950 sont aussi à l’honneur à la galerie parisienne Applicat-Prazan, spécialiste de la seconde École de Paris. Sur son stand, se côtoient Hans Hartung et son T1949-10 (1949) mêlant précision de la composition et richesse de la palette, Serge Poliakoff et sa lumineuse Composition abstraite (1969) ou les artistes du groupe CoBrA, Karel Appel et Asger Jorn.

Présence plus timide de l’art contemporain
La galerie bâloise Von Bartha a sélectionné quant à elle des pièces historiques de l’art cinétique. Sont ainsi rassemblées des œuvres phare de Takis, François Morellet, Gregorio Vardanega ou Gianni Colombo dont on peut acquérir Rythme joyeux, une œuvre de 1969 activant neuf cercles noirs sur fond bleu. Sur le stand de la Galleri K (Oslo), un focus est porté sur les photographes allemands de l’école des Becher. Dans le May Day IV (2000) d’Andreas Gursky, dont l’une des six éditions était exposée à la grande rétrospective du MoMA en 2001, la foule compacte en viendrait presque à être confondue avec un grain photographique. Thomas Struth, Candida Höfer ou Thomas Ruff sont également de la partie. Outre un dessin d’iris de William Kentridge datant de 2004, le choix de la galerie allemande Bastian s’est porté sur Oranges and Lemons, un diptyque de papillons orange et jaune de Damien Hirst ou sur un portfolio de photographies de Cy Twombly, une partie moins connue de son travail. La galerie italienne Tornabuoni montre une grande Mappa d’Alighiero Boetti ayant participé à la rétrospective organisée par le Reina Sofia, la Tate Modern et le MoMa en 2011-2012, ainsi qu’une toile montée sur une structure en bois, pièce historique d’Enrico Castellani vue à la Biennale de Venise en 1964 ou au Centre Pompidou en 1981. « Des objets précieux avec des histoires exceptionnelles illustrant les rapports entre galeries et musées », commente Francesca Piccolboni de Tornabuoni. À Tefaf, l’art moderne et, plus timidement, son versant contemporain, représentent décidemment bien l’excellence.

Design : dix marchands réunissant l’excellence

Si la galerie Downtown avait ouvert la voie en intégrant Tefaf dès 2006, la section design, n’a été créée qu’en 2009. La fine fleur des marchands est là, pour une réunion de seulement dix galeries identiques à l’an passé, où l’Europe a la part belle. Parmi les Français, Éric Philippe montre Lovers, une table à café coulissante en bronze et étain, pièce unique de Philip Laverne, tandis que la Galerie Downtown expose la Boomerang table en teck de Pierre Jeanneret, l’un des créateurs fétiches de François Laffanour. Sur le stand de la galerie Dansk trône un fauteuil en acajou cubain et cuir conçu par le fonctionnaliste danois Tyge Hvass pour le pavillon de son pays à l’Exposition universelle de 1937. Le Nouveau Monde est cependant représenté par la galerie new-yorkaise Sebastian  Barquet qui présente le bureau de George Nakashima. Une étroite sélection pour des pièces d’exception.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°408 du 28 février 2014, avec le titre suivant : L’art moderne sort ses atouts

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