Paroles d’artiste

Alexandra Pirici & Manuel Pelmus « Nous essayons de créer une rétrospective du Centre Pompidou »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 25 février 2014 - 722 mots

Leur participation à la dernière Biennale de Venise avait estomaqué qui, dans le Pavillon roumain, avait vu des performeurs « jouer » Une rétrospective immatérielle de la Biennale de Venise. Dans le cadre de la 5e édition du Nouveau festival, Alexandra Pirici et Manuel Pelmus investissent le Forum du Centre Pompidou en s’intéressant à son histoire et à sa collection, et actualisent la mémoire du musée lors de performances employant comme seul moyen le corps humain.

Comment définiriez-vous votre projet et le fait de travailler à partir de la collection du Centre Pompidou ?
Alexandra Pirici : Nous n’avons pas seulement travaillé sur la collection, mais sur toute l’histoire du lieu en faisant des recherches à partir des années 1970, avant même que le musée ne soit construit. Nous revenons par exemple sur des citations ou des personnages importants et essayons de créer une rétrospective générale du centre. Bien entendu, il y a des œuvres de la collection du Musée national d’art moderne, mais nous jouons aussi une grève du personnel de nettoyage en 1989. D’une certaine manière, il s’agit du même procédé utilisé lors de la Biennale de Venise, car là aussi nous ne nous étions pas limités à travailler qu’avec des œuvres, mais avec de nombreux événements reliés à la Biennale qui étaient pertinents pour son histoire.
Manuel Pelmus : En travaillant à l’échelle d’importantes institutions avec une grande histoire, nous essayons de transformer le genre de monumentalité de tels lieux. Ici nous avons trois performeurs pour traiter toute cette histoire de l’art alors que nous en avions cinq à Venise, mais l’échelle n’est pas la même.

Quel genre d’événements de l’histoire globale du Centre Pompidou a retenu votre attention pour les faire entrer dans un processus performatif ?
MP : Nous avons plusieurs stratégies. Nous regardons, comme l’a dit Alexandra, l’histoire, soit les événements importants ou qui sont restés dans les mémoires, mais nous regardons aussi des choses qui peut-être ont été moins représentées. Nous essayons aussi de regarder des événements comme « Les Magiciens de la terre » qui semblent centraux et dont on a beaucoup parlé et pas seulement en France. Il y avait aussi beaucoup à regarder à propos de l’histoire du projet lui-même qui a créé un tel scandale au début.
AP : Cela a également joué sur le choix de notre lieu d’intervention, car le Forum est un lieu de rencontres entre la ville et le musée, avec un accès gratuit. Cela nous a paru intéressant car le corps humain peut exprimer toute une histoire. C’est important, d’autant que la principale critique était celle de Jean Baudrillard, qui craignait que les masses ne puissent assimiler la culture à travers une approche consumériste. Aborder ces fondements culturels était stimulant.
MP : Et puis le Forum n’est pas défini par les murs d’une galerie, il y a un mélange. Et finalement le titre, « Just Pompidou it », est une manière de replacer toute cette histoire dans un environnement populaire, à cause des attaques proférées à l’origine du projet. Nous avons retenu des citations de personnes lui reprochant d’être un supermarché de la culture, c’est important de les rappeler.

Vous travaillez avec la mémoire et l’oubli, et le thème du festival cette année est précisément l’oubli. Votre travail est-il une manière de donner un présent à la mémoire ou de la rafraîchir ?
MP : Je ne dirais pas rafraîchir, mais je n’utiliserais pas non plus rejouer, car cela signifie parfois de remettre en scène.
AP : Certaines choses n’ont jamais été jouées auparavant. Nous ne pouvons pas représenter une installation par une installation. Nous essayons donc de produire un nouveau travail basé sur ce que nous imaginons qu’était l’œuvre initiale. Nous ne tentons pas de le réduire à une interprétation, mais de voir quelles en sont les extensions et peut-être de faire quelque chose de très différent mais qui, d’une manière ou d’une autre, entre en relation avec cette œuvre.
MP : À Venise se tenait cette exposition de la Fondation Prada qui reproduisait l’exposition de 1969 « When attitudes become forms » à propos de laquelle nous avons été interrogés.  Il y avait évidemment une grande différence, car il s’agissait d’une exposition mise en scène telle qu’elle était, dans un espace avec des objets ou de la documentation. Nous, nous ne pouvions pas nous contenter de « refaire une œuvre » et nous devions trouver un moyen très simple de produire quelque chose de nouveau. C’est pourquoi nous préférons le terme jouer plutôt que rejouer.

« Just Pompidou It ». Rétrospective du Centre Pompidou

Jusqu’au 10 mars, Centre Pompidou, 75004 Paris, tél. 01 44 78 12 33, www.centrepompidou.fr, tlj sauf mardi 11h-21h. Performance en continu dans le Forum.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°408 du 28 février 2014, avec le titre suivant : Alexandra Pirici & Manuel Pelmus « Nous essayons de créer une rétrospective du Centre Pompidou »

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