Politique culturelle

Anne Hidalgo : « Considérer de façon plus globale la question des lieux de création »

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 12 février 2014 - 1430 mots

Anne Hidalgo (54 ans) est la candidate officielle du PS depuis son investiture en mai 2013 pour la Ville de Paris. Elle répond aux questions du Journal des Arts.

Elle est depuis 2001, date à laquelle elle est élue pour la première fois dans le 15e arrondissement (réélue en 2008), la première adjointe de Bertrand Delanoë, s’imposant progressivement dans l’équipe municipale. Née en Espagne, naturalisée française en 1974, elle débute une carrière d’inspectrice du travail après une formation en droit social. De 1995 à 1997, elle conduit une mission au Bureau international du travail à Genève, puis occupe jusqu’à son élection parisienne divers postes de conseiller ministériel sous le gouvernement Jospin (1997-2002).

Quelle est l’importance du « plan églises » que vous annoncez ?
La Ville est propriétaire de 96 édifices attachés aux cultes, ainsi que des 130 orgues et 40 000 œuvres d’art environ qui s’y rattachent. C’est un patrimoine très précieux, qui fait partie de notre mémoire commune. Le Maire de Paris hérite donc d’une responsabilité toute particulière en la matière, et je m’engage à l’assumer pleinement. Cela n’a pas toujours été le cas, ce qui complique notre tâche aujourd’hui. Mais un effort remarquable de rattrapage a été accompli depuis 2001, avec 150 millions d’euros engagés sur l’ensemble des deux mandatures. Des travaux commencent d’ailleurs en ce moment même à l’intérieur de l’église Saint-Germain-des-Prés. J’engagerai un « plan églises » et poursuivrai l’entretien et la réfection de notre patrimoine, en y consacrant un budget important. Mais je souhaite aussi que tous ceux qui sont attachés à ce patrimoine puissent participer à sa mise en valeur, grâce aux plateformes de financement participatif.

Quel est le planning des travaux du Musée Carnavalet ?
Les travaux de restauration de la cour Louis XIV commenceront dans les prochaines semaines et seront achevés au premier trimestre 2015. S’agissant ensuite de la rénovation d’ensemble du musée, qui figure dans mon programme, il nous faudra finaliser le projet d’ici à la fin 2015, puis désigner un architecte par le biais d’un concours avant un démarrage des travaux.

Allez-vous augmenter le budget de l’établissement public des musées de la Ville afin qu’il puisse organiser plus d’expositions, de plus grande envergure ?
Les musées de la Ville de Paris ont une très belle programmation. Pour la première année de l’établissement public [Paris Musées, créé en 2012], nous avons réalisé une trentaine d’expositions, qui ont rencontré un grand succès critique mais surtout public puisque leur fréquentation a progressé de 65 % par rapport à l’année précédente. En 2014, ce sont près de 10 millions d’euros qui seront dédiés à la programmation. De belles surprises à travers des expositions de grande ampleur se profilent, comme « Paris 1900 » au Petit Palais, « Lucio Fontana » et « Sonia Delaunay » au Musée d’art moderne, ou encore une exceptionnelle carte blanche à Christian Lacroix à Cognacq-Jay. Je veillerai au maintien d’une programmation ambitieuse qui contribue au rayonnement international de Paris. Le budget de l’établissement public s’appuie sur la subvention de la Ville, mais trouve aussi son équilibre et sa dynamique par les recettes liées à la fréquentation et aux partenariats.

Vous souhaitez élargir l’amplitude des horaires d’ouverture des musées de la Ville. Dans quelle mesure et comment allez-vous organiser les effectifs sachant que c’est un sujet très sensible pour les syndicats ?
Commençons par affiner notre connaissance des attentes du public qui sont différentes d’un musée à l’autre. Je souhaite ensuite que des évolutions puissent être envisagées dès 2015, dans le respect du dialogue social. J’ai le souci à la fois des conditions de travail du personnel et de la qualité du service public. Je connais les obstacles mais je sais aussi que nous partageons tous le même objectif, celui d’offrir à tous les Parisiens la possibilité de s’enrichir au contact de ce patrimoine exceptionnel. Paris doit s’adapter aux rythmes de la vie des Parisiens, les comprendre et y répondre.

Combien d’ateliers d’artistes (plasticiens) la Ville subventionne-t-elle aujourd’hui ? Combien voulez-vous en subventionner/ouvrir d’autres ?
Depuis 2001, l’effort d’investissement de la Ville concernant les ateliers d’artistes et ateliers-logements a augmenté de 40 %. Aujourd’hui, on en compte environ 1 100 sur le contingent municipal. L’offre reste toutefois insuffisante. Je souhaite améliorer l’accompagnement des artistes pour favoriser une meilleure rotation du parc.
Je veux aussi que les artistes du monde entier se sentent chez eux à Paris, je proposerai donc de nouvelles formes d’accueil en complément de la Cité internationale des arts, qui permet à près de 1 200 artistes étrangers par an de bénéficier d’un atelier en plein centre. Mais pour coller à la réalité des artistes et créer les conditions d’une réelle effervescence créative aux quatre coins de Paris, je sais qu’il nous faudra considérer de façon plus globale la question des lieux de création.
La Ville a ainsi choisi de soutenir des lieux atypiques ces dernières années, comme le 59 Rivoli, la Forge de Belleville, l’Atelier en Commun du 100, rue de Charenton… Je souhaite développer ces espaces de travail mutualisés et poursuivre le dialogue avec les collectifs d’artistes, à qui nous confions provisoirement des bâtiments municipaux en attente de travaux. Je veux me saisir de ces interstices, de ces solutions audacieuses qui permettent à la ville de respirer.

Vous voulez « intensifier » l’acquisition d’œuvres de jeunes créateurs par le Fonds municipal d’art contemporain (FMAC) ; dans quelle proportion ?
Rien qu’en 2013, des créations d’Isabelle Cornaro, de Mounir Fatmi, de Katinka Bock ou de Jürgen Nefzger ont été acquises. Avant de parcourir la ville à la rencontre des Parisiens, ces œuvres sont présentées chaque année à la Fiac, au Grand Palais, où la Ville est le seul acteur institutionnel représenté, signe de notre engagement et de la qualité du travail mené. La politique d’acquisition du FMAC se pense également en lien avec le Musée d’art moderne, qui reste un outil puissant pour soutenir la création française et internationale.
Depuis 2001, 5 000 œuvres ont été installées dans plus de 450 services publics et équipements. L’artothèque-photothèque que je souhaite bâtir à partir des œuvres du FMAC et de la Parisienne de Photographie [qui réunit les fonds photographiques de la Ville de Paris] permettra une diffusion plus large encore, pour un contact plus intime avec les œuvres.
Le soutien aux jeunes créateurs passe aussi par les commandes publiques et je souhaite qu’1 % des budgets des grandes opérations d’urbanisme soit dédié à des créations artistiques. Le prolongement du T3 de la porte de la chapelle à la porte d’Asnières sera l’occasion d’inscrire des œuvres audacieuses dans le paysage, comme pour le précédent tronçon. En renfort de ces dispositifs structurels, je souhaite que de grands événements tels que Nuit blanche s’ouvrent largement aux talents nouveaux.

Vous voulez donner la priorité à la numérisation et à la mise en ligne des collections municipales. Allez-vous autoriser la réutilisation gratuite et sans formalités de ces images pour des usages non commerciaux (blogs, recherche…) ?
La mise en ligne des collections des musées est une priorité. Dès 2013 le nombre d’œuvres figurant sur le portail a doublé et je fixerai un objectif de 100 000 œuvres numérisées en 2015, avec un portail totalement repensé. Ce portail intégrera les fonctions de partage et de réutilisation non commerciales dans le respect des droits des artistes.

Quel bilan tirez-vous de la Gaîté-Lyrique et du Centquatre ?
Le succès du Centquatre est aujourd’hui incontestable. Son directeur, José-Manuel Gonçalvès, a réussi le pari d’en faire un lieu à la pointe de la création contemporaine dans tous les champs artistiques, ouvert à tous les publics, ancré dans son quartier tout en rayonnant au niveau national et international. L’exposition « Keith Haring », en lien avec le Musée d’art moderne, a été un moment fort de la vie artistique parisienne en 2013. En accueillant le salon Jeune Création, ou le festival Circulation(s), le Centquatre a aussi su se mettre au service des jeunes artistes et de l’émergence. Ce pari réussi de l’excellence et de la rencontre de tous les publics est pour moi un des modèles sur lesquels nous devrons penser l’avenir.
Quant à la Gaîté-Lyrique, elle est un laboratoire très observé à l’international et unique pour la réflexion autour des cultures numériques, qui traversent tous les champs de la création, de la musique à la mode en passant par les arts plastiques ou les jeux vidéo. 109 000 spectateurs sont venus à la Gaîté en 2013, sans compter les visiteurs libres qui profitent du centre de ressources, du plateau média, etc. 30 000 personnes se sont déjà pressées à l’exposition de Stefan Sagmeister [28 nov. 2013-9 mars 2014].

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°407 du 14 février 2014, avec le titre suivant : Anne Hidalgo : « Considérer de façon plus globale la question des lieux de création »

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