Hervé Aaron, antiquaire à Paris et New York

Hervé Aaron explique au Jda pourquoi il retourne aux Etats-Unis

« Aux États-Unis, il y a un marché potentiel plus important »

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 29 janvier 2014 - 1180 mots

Présent en France et aux États-Unis, Hervé Aaron quitte Paris pour s’installer définitivement à New York. L’antiquaire souhaite reprendre en main le développement de sa galerie new-yorkaise, où le redémarrage du marché de l’art lui semble plus prometteur. Transférée dans les anciens locaux de la galerie Fabius, sa vitrine parisienne va réduire la voilure pour se concentrer sur des pièces de très haute qualité.

Pourquoi quittez-vous la France et repartez-vous à New York ?
Je quitte Paris personnellement et je retourne à New York. J’ai une galerie là-bas qui a besoin de moi. J’ai une famille aux États-Unis, une femme américaine et j’ai la double nationalité. C’est surtout un déplacement d’activité personnelle. Mon départ n’a rien à voir avec le fait que la France est un pays qui va mal et ce n’est pas une sortie fiscale non plus, les États-Unis ne faisant pas partie des paradis fiscaux. C’est seulement la réduction de mes activités à Paris et le climat ambiant (pas de la France, mais de notre métier), ainsi que le souci de redévelopper l’activité de New York, où nous avons une galerie depuis 1977, qui m’ont poussé à prendre une telle décision.
Les affaires ne marchent pas mieux à New York pour les antiquaires mais justement, j’ai le souhait de donner un coup de pouce à la galerie de New York, qui a plus besoin de moi que la galerie de Paris dans sa nouvelle forme. Mais il est vrai qu’il y a un marché potentiel aux États-Unis qui est plus important, avec une reprise économique. On ne déménage pas tous les six mois en fonction des cycles économiques !
À New York, nous proposons uniquement des tableaux et dessins. À Paris, je reste toujours président de Didier Aaron et continue à superviser l’activité, seulement je ne dirigerais plus la galerie au jour le jour. C’est Bruno Desmarest qui occupera cette fonction. Quant à Bill Pallot, il s’occupera d’un département mobilier, qui se modifie aussi et devient plus élitiste : nous allons travailler avec moins de meubles et nous limiter aux meubles de haute qualité.

Conservez-vous vos responsabilités au sein du Syndicat national des antiquaires ?
Pour des raisons de commodité, il me paraît impossible de rester au sein du conseil d’administration du syndicat et de la commission Biennale à partir du moment où je ne réside plus à Paris. Ces fonctions ont déjà pris fin, le président du syndicat Christian Deydier est au courant. Ce sera acté lors du prochain conseil d’administration en janvier.

Pourquoi avez-vous donné votre démission en tant que président du salon du dessin ?
C’est en partie pour les mêmes raisons. J’ai été président pendant seize ans. J’y serai bien resté car c’est un salon que j’aime beaucoup et pour lequel j’ai beaucoup donné. Être président d’un salon, ce n’est pas s’en occuper au jour le jour mais presque et depuis New York, c’est impossible. D’autre part, j’ai toujours pensé qu’un jour il faudrait renouveler le sang du salon et nommer quelqu’un de plus jeune. Louis de Bayser m’a toujours semblé être le parfait candidat. Je reste toujours actionnaire.

Pourquoi poursuivez-vous votre activité dans l’ancienne galerie Fabius, au 152 boulevard Haussmann ?
Rue du Faubourg-Saint-Honoré, nous avons environ 1 000 m2 répartis sur trois étages (je suis propriétaire des murs), l’ancienne galerie Fabius fait à peu près 300 m2. Au Faubourg, le 3e étage était consacré à la décoration intérieure, mais depuis que le décorateur Jacques Grange a quitté les lieux en avril dernier après une collaboration de 44 ans, j’ai décidé d’arrêter l’activité de décoration et l’espace est vide. Ensuite, la difficulté que rencontre le marché du meuble français XVIIIe, additionnée à ma décision de réduire l’activité aux pièces les plus importantes, font que les charges et le volume de cette maison étaient trop importants pour l’activité envisagée. Le recentrage sur les tableaux et les dessins anciens autorise un lieu plus réduit. J’ai donc cherché une galerie avec un bel espace, une vitrine pas trop grande et qui soit dans un quartier qui corresponde à notre métier. L’ancienne galerie Fabius n’a pas l’avantage d’être comme ici dans une rue de passage, mais je crois de moins en moins au « passage ». C’est une belle adresse, juste à côté du Musée Jacquemart-André que j’aime beaucoup et pour lequel je travaille, et en plus de cela, c’est une adresse connue des collectionneurs depuis 50 ans.
Nous emménagerons au printemps, après quelques travaux de rénovation. Nous modernisons tout en conservant l’esprit du lieu. Le rez-de-chaussée sera dédié à l’accueil et à l’exposition des meubles avec le bureau de Bill Pallot et le premier étage deviendra une galerie de tableaux, avec des expositions. Quant à l’immeuble du Faubourg-Saint-Honoré, j’en reste propriétaire mais je n’ai pas encore trouvé de locataire.

De quoi participe votre volonté de recentrer l’activité principalement autour des tableaux et dessins anciens ?
D’abord par goût, puis ensuite, si vous prenez toutes les grandes maisons d’antiquaires, elles ont pratiquement toutes eu le même parcours, que ce soit Duveen ou bien Wildenstein (sans vouloir me comparer à elles). Quelque part, la peinture est plus facile, pas au niveau du métier, mais elle demande moins de place, moins de restauration et le marché est plus important. Et puis, personnellement, j’aime autant les dessins et la peinture que les meubles. J’ai développé ce domaine depuis de nombreuses années, grâce aux personnes avec qui je travaille. La troisième raison concerne la difficulté que rencontre le marché du mobilier français XVIIIe.
Quand je suis parti de New York en 1993 pour venir à Paris, j’ai arrêté de vendre des meubles. Cette évolution de la galerie de Paris était pour moi tout à fait prévisible, même si elle a été accélérée par la crise et la désaffection des gens pour un certain mobilier, le milieu de gamme (ce qui n’est pas vrai pour le haut de gamme). Pour les tableaux et dessins anciens, nous restons spécialisés en tableaux français XVIIe et XVIIIe siècles mais avec une plus grande variété. On va essayer d’atteindre un public un peu plus large avec des tableaux XIXe et des tableaux étrangers. La panoplie va être plus grande mais centrée sur le XVIIIe français, notre principal domaine de connaissances.

Quels sont les salons auxquels vous participez ?
Nous participons à la Tefaf de Maastricht, à Paris Tableau, au Salon du dessin et nous sommes en train d’examiner notre participation à Frieze pour laquelle nous avons reçu une invitation. Nous ne pensons pas participer à la Biennale des antiquaires de Paris. À propos de Paris Tableau, c’est un salon que j’apprécie énormément, j’en suis d’ailleurs un des organisateurs. Son niveau de qualité est très satisfaisant et il a le même objectif que le Salon du dessin, qui se veut être un salon de spécialités. Le seul problème de Paris Tableau, non rencontré au Salon du dessin, est qu’il est concurrencé par beaucoup de salons, comme la Tefaf et Frieze Masters. On aimerait aussi qu’il y ait plus de marchands étrangers importants qui y participent.

Titre original de l'article du Jda : "Hervé Aaron retourne aux États-Unis"

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°406 du 31 janvier 2014, avec le titre suivant : Hervé Aaron explique au Jda pourquoi il retourne aux Etats-Unis

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