Photo

Dans les reflets de l’estran

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 29 janvier 2014 - 470 mots

La réédition de « Das Watt » d’Alfred Ehrhardt offre un ouvrage de référence dans l’histoire du livre photo.

La réédition en fac-similé par les éditions Xavier Barral de Das Watt (l’estran en français) d’Alfred Ehrhardt, édité en 1937 en Allemand, entraîne dans une double lecture de l’histoire des rééditions. Elle ramène d’abord à un classique du livre photo épuisé et à la vision de la nature d’un artiste passé à la photographie et au cinéma, après avoir été interdit par les nazis d’enseigner la peinture, le dessin et l’estampe selon les principes du Bauhaus. Son départ forcé de l’école des beaux arts de Hambourg pour Cuxhaven, au bord de la mer des Wadden au nord de l’Allemagne, ouvre une nouvelle ère créatrice pour l’ancien élève, puis disciple dans sa propre pratique artistique de la peinture, de Josef Albers, d’Oskar Schlemmer et de Kandinsky. Son exploration des formes des paysages maritimes de l’estran (Das Watt) quand la mer se retire dans l’isthme de Courlande constitue sa première série photographique. Ses approches en noir et blanc serrées sur les stries du sable à marée basse, ou sur un bout de sable gagné par la marée montante, ou encore sur un sol modulé par l’eau et le vent, – pour ne citer que celles-ci – renversent la vision traditionnelle que l’on a alors des paysages côtiers et projettent dans un univers abstrait, ouvert à toutes les interprétations, sensations et recherches techniques, voire filiations ou rapprochements avec des photographies antérieures d’Edward Weston. Exposition d’abord, Das Watt sera publié en livre en 1937 et rangé quelques décennies plus tard parmi les ouvrages de référence dans Le livre de photographie : une histoire de Martin Parr et Gerry Badger (volume I). « Ce livre séduisant par sa conception et d’une belle qualité d’impression constitue une oasis de beauté tranquille dans un paysage culturel de plus en plus barbare », concluent ces derniers dans leur texte de présentation de l’ouvrage. Lorsque Xavier Barral découvre ce livre épuisé dans une librairie en Allemagne, ses références sont tout autres. Les photographies d’Ehrhard le renvoient par leurs similitudes aux contours géologiques et minéralogiques pris en photo sur la planète Mars qu’il rassemble pour son livre Mars, une exploration photographique et qui sortira quelques mois plus tard, en octobre 2013. Il éprouve alors le même émerveillement et la même curiosité.

Das Watt est ainsi un prolongement de son livre sur Mars. Sa réédition porte l’attachement de l’éditeur aux formes de la nature et aux promenades qu’elles entrouvrent. Xavier Barral ne savait pas alors, que la fondation Alfred Ehrhardt préparait à Berlin une exposition sur les photographies de ce livre (jusqu’au 27 avril 2014). Heureux hasard et réédition émouvante également, dans ce que peut sous tendre la réalisation d’un fac-similé dans sa recherche du papier d’origine, d’encre, ici confondante de perfection.

Das Watt, Alfred Ehrhardt

Préface de Kurt Dingelstedt, éditions xavier barral, 112 pages, 96 photographies noir et blanc et un livret de 16 pages en allemand, en français et en anglais, 45 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°406 du 31 janvier 2014, avec le titre suivant : Dans les reflets de l’estran

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