Paysages

L’homme à la fenêtre

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 29 janvier 2014 - 426 mots

Le Musée Tavet-Delacour, à Pontoise, dresse un panorama des vues de la Seine dans l’œuvre d’un Albert Marquet pas si uniforme qu’on le pense.

PONTOISE (VAL D’OISE) - L’été dernier, l’exposition phare du festival « Normandie impressionniste » au Musée des beaux-arts de Rouen célébrait le talent avec lequel les peintres du mouvement, Claude Monet en tête, ont saisi les reflets de la mer et des rivières sous leurs pinceaux. L’impressionnisme est-il seul à parvenir à recréer la surface de l’eau sur la toile ? Certainement pas. La dernière exposition du Musée Tavet-Delacour en apporte la preuve en présentant les œuvres d’Albert Marquet (1875-1947). Figurant discret du groupe des fauves, compagnon de route d’Henri Matisse qu’il n’a pas suivi sur les chemins de traverse, Marquet est resté attaché à son environnement. L’eau, douce comme salée, est omniprésente dans son œuvre. La Seine, à Paris et en son aval, est même un sujet de prédilection.

Cadrages pittoresques
Adepte des fenêtres haut perchées desquelles il peut embrasser une vue plongeante, Marquet ne saurait être réduit à ses descriptions de Notre-Dame, vue sous la pluie ou sous la neige depuis le quai des Grands-Augustins, si prisées sur le marché de l’art – la cathédrale ne fait d’ailleurs que quelques apparitions dans l’exposition à Pontoise. Dans une ambiance pour le moins humide, le visiteur dérive de Paris vers Le Havre, suivant le peintre sur ses étapes le long des boucles du fleuve – Herblay, La Frette-sur-Seine, Conflans-Sainte-Honorine, Poissy, Rouen… Quelques personnages anonymes s’empressent de passer dans le cadre et semblent avoir pour seule utilité de donner l’échelle du paysage. La silhouette rouge et noire d’un chalutier fait de fréquentes apparitions, tel un paraphe authentifiant la composition. Adepte de la synthèse des formes, Marquet fait preuve d’une force unique dans l’art de décrire la matérialité de la Seine. Qu’elle soit boueuse et opaque à Paris, ou glacée comme un miroir, l’eau du fleuve prend vie grâce à de larges touches… parfaitement mates.
Les critiques ont reproché à Marquet l’absence d’évolution drastique dans son style ; le parcours, faisant fi de la chronologie, en témoigne. Aussi la surprise provient-elle de la section dévolue à l’estampe, qui dévoile un Marquet pointilleux, soucieux du détail. Reste à saluer l’habileté du commissaire et directeur des lieux Christophe Duvivier, qui a su obtenir une belle sélection d’œuvres auprès des institutions publiques françaises et des collectionneurs privés du monde entier. La sensibilité de son regard s’est mise au service d’un accrochage d’une grande finesse, au fil duquel sont débusquées les spécificités d’une œuvre qui n’a d’homogène que l’apparence.

Albert marquet. Les bords de la seine, de Paris à la côte normande

Jusqu’au 16 février, Musée Tavet-Delacour, 4, rue Lemercier, 95300 Pontoise, tél. 01 30 38 02 40, www.ville-pontoise.fr, mercredi-dimanche 10h-12h30 et 13h30-18h. Catalogue, coédité par le musée et Somogy Éditions d’art, 128 p., 22 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°406 du 31 janvier 2014, avec le titre suivant : L’homme à la fenêtre

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