La chronique de

Quel espace pour la galerie au XXIe siècle ?

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 27 novembre 2013 - 485 mots

C’était une inconnue de la rentrée à Paris. Qu’allait entreprendre Fabienne Leclerc après avoir décidé, l’été dernier, qu’In Situ quitterait le quartier de l’Odéon où elle avait jeté l’ancre en 2007, après six années passées dans le quartier collectif de la rue Louise Weiss ?

Face aux mégagaleries qui opèrent sur une autre échelle financière et logistique, celles, comme Gagosian qui multiplie les succursales dans le monde ou Thaddaeus Ropac qui a ouvert un vaste espace supplémentaire à Pantin pour présenter d’ambitieuses expositions (comme actuellement « Empire State. New York art now »), fallait-il adopter un autre format : une structure légère, un simple bureau, efficacement relié à Internet et à un espace de stockage ? En annonçant en mars leur fermeture, après des années fastueuses, Jérôme et Emmanuelle de Noirmont avaient pointé la ligne de crête des galeries dans un marché mondialisé, bouleversé par Internet, bousculé par la multiplication des foires, la croissance des maisons de ventes aux enchères, le nouveau rôle des associations de collectionneurs, des fondations privées… Alors, retour au Marais où Fabienne Leclerc avait ouvert sa première galerie en 1989, car s’y localise le maillage le plus serré de professionnels et où le Centre Pompidou exerce son attrait pour les collectionneurs. Refus d’un ancien entrepôt aux volumes élancés, mais qu’il faut coûteusement rebâtir au gré des propositions des artistes, ou du « white cube », icône des années 1990, espace neutre laissant tout pouvoir à l’œuvre pour s’exprimer, choix, à la différence, d’un appartement de 200 m2, jugé plus chaleureux et convivial. L’heure est à la mise en valeur de l’environnement domestique.
Le beau rez-de-chaussée sur cour d’Almine Rech s’orne de plafonds avec moulures, plusieurs galeristes berlinois ont évolué dans ce sens, Max Hetzler vient de quitter un local industriel pour son ancien appartement, avant d’ouvrir prochainement une galerie à Paris. Tous choisissent d’offrir un autre écrin, un « salon bourgeois » dirait-on rapidement, qui rassurerait un collectionneur pouvant plus aisément imaginer l’impact de l’œuvre chez lui. La dernière Fiac a multiplié pour ses VIP les visites de collections privées, tout en réinscrivant dans leur parcours des « Chambres à part », des « Private choice », initiatives plaçant des œuvres dans des suites d’hôtel ou des résidences. Les pages des magazines reproduisant des vues d’intérieurs riches en pièces contemporaines nourrissent ce nouvel imaginaire. Mais l’accrochage de réouverture manifestait avec force la singularité du métier : il rassemblait les 22 artistes qu’In Situ avait découverts ou soutenus à travers des expositions régulières, l’aide à la production, l’édition de catalogues. Pour les pièces de plus grand volume ou les événements, la galeriste occupera ponctuellement d’autres espaces, comme son entrepôt de la Plaine Saint-Denis pour des performances de Patrick Corillon. Elle va également développer un programme In Situ /Hors les murs, Bruxelles (avril-mai 2014), Dubaï et Istanbul. Sans oublier une présence inévitable dans les foires. Une réorientation qui rejoint une évolution du goût tout en préservant les fondamentaux du métier.

In Situ Fabienne Leclerc, 17-19, rue Michel Le Comte, 75003 Paris

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°402 du 29 novembre 2013, avec le titre suivant : Quel espace pour la galerie au XXIe siècle ?

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