Chicago : la toiture de la discorde

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 26 novembre 2013 - 396 mots

C’est en toute discrétion que l’Art Institute de Chicago a fermé, le 3 septembre dernier, l’accès au dernier étage de ses collections d’art moderne européen.

Le musée justifie la fermeture de ces salles très prisées par le public jusqu’au mois d’avril 2014 par la nécessité de travaux « mineurs ». Or, si le rafraîchissement des peintures, la remise en condition des vitrines et des socles ou encore l’ajustement du système de sécurité relèvent de la maintenance, la révision intégrale de la toiture de la Modern Wing constitue la raison principale du chantier. Inaugurée en mai 2009, l’extension du musée signée Renzo Piano présente une toiture élaborée de celles qui ont fait la renommée de l’architecte : un pare-soleil formé de 2 656 ailettes en aluminium qui lévite à 2,6 mètres au-dessus d’une verrière. Les capteurs externes mesurent les variations d’intensité de la lumière naturelle dont bénéficient les galeries, et adaptent en conséquence le niveau de l’éclairage artificiel dans les salles. L’argument de vente est une réduction de 50 % des consommations d’éclairage et de climatisation des salles d’exposition.

Ce que le musée refuse d’afficher comme un problème est l’inadéquation de ce soi-disant équilibre subtil entre lumière naturelle et lumière artificielle. L’obscurité des galeries en avait frappé plus d’un lors de l’inauguration il y a près de cinq ans ; et le directeur d’alors, James Cuno, concédait qu’il y avait des améliorations à apporter. Les multiples tentatives d’ajustement entre lumière artificielle et naturelle se sont révélées vaines, aussi le nouveau président-directeur Douglas Druick a-t-il décidé d’une action drastique. Les capteurs seront installés à l’intérieur des salles, un film de protection solaire sera appliqué sur la verrière et le niveau standard de la luminosité artificielle revu à la hausse. Du côté du cabinet d’architecture, une différence de sensibilité est invoquée – « traditionnellement, aux États-Unis, les œuvres sont exposées sous un niveau plus élevé de lumière artificielle qu’en Europe », explique Elisabetta Trezzani, Senior Partner chez Renzo Piano Building Workshop.

Qu’en est-il des Picasso et des Matisse privés de public ? Une centaine d’œuvres de la collection de Chicago a été envoyée au Kimbell Art Museum – « The Age of Picasso and Matisse : Modern Masters from The Art Institute of Chicago », jusqu’au 16 février 2014. Si le musée prend le coût des travaux intégralement sur le budget de fonctionnement de la Modern Wing, nul doute que la rémunération obtenue auprès de Fort Worth dont le montant est tenu secret, viendra apporter quelque réconfort.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°402 du 29 novembre 2013, avec le titre suivant : Chicago : la toiture de la discorde

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