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Alain Juppé, maire de Bordeaux : « Une politique culturelle cohérente et ambitieuse »

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 26 novembre 2013 - 1438 mots

BORDEAUX

Alain Juppé commente la deuxième place obtenue par Bordeaux au Palmarès des villes d'art et de patrimoine du Journal des Arts.

Alain Juppé, maire de Bordeaux
Alain Juppé, maire de Bordeaux
Photo Thomas Sanson
© Mairie de Bordeaux

Normalien, agrégé de lettres classiques, ancien élève de l’ENA, Alain Juppé (68 ans) a plusieurs fois été ministre, dont le Premier ministre de Jacques Chirac de 1995 à 1997. Il est maire de Bordeaux de 1995 à 2006 (avec une interruption de 2004 à 2006) et candidat à sa réélection, face à son adversaire socialiste, Vincent Feltesse, président de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB). Il commente la deuxième place de sa ville dans le classement des grandes villes d’art publié dans le précédent Journal des Arts.

Bordeaux est numéro deux dans le classement des grandes villes d’art, quelle est votre réaction ?
J’en suis évidemment très heureux. C’est une forme de reconnaissance de la richesse de l’offre culturelle à Bordeaux. Nous avons mené, je crois, une politique culturelle cohérente et ambitieuse. En particulier nous avons voulu créer de la proximité entre l’art et le public, par exemple avec la dernière exposition de onze œuvres de Jaume Plensa dans les rues, qui a rencontré un formidable succès. Nous soutenons la création à travers un fonds que je viens de porter de 150 000 à 500 000 euros. Son comité de sélection est présidé par José Manuel Goncalves, le patron du 104. Nous avons reçu cent projets après notre dernier appel clos le 5 novembre. Le patrimoine est une autre de nos richesses, nous sommes après Paris, la ville ayant le plus de sites protégés.

Vous semblez très attaché à la future Cité de la civilisation du vin qui doit ouvrir début 2016 ?
Oui car elle contribuera au rayonnement international de Bordeaux sur le plan architectural (en forme de carafe de vin !) et à l’animation de la ville. Ce n’est pas un musée, mais on y organisera des expositions temporaires sur l’art et le vin, le vin dans la peinture… Le coût est de 65 millions d’euros, financés par l’Europe (à hauteur de 18 millions d’euros), le monde du vin (le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, les grands châteaux) et la chambre de commerce (à hauteur de 20 millions d’euros), la Communauté urbaine (17) et la Ville (20). Le budget de fonctionnement vise l’autofinancement, on attend plus de 350 000 visiteurs chaque année. Un musée privé de la marine va s’installer juste à côté.

Bordeaux est une des rares grandes villes à offrir la gratuité d’entrée dans ses musées. Cela va-t-il durer ?
La fréquentation des musées a augmenté de manière significative ces dernières années sans savoir si c’est directement lié à la gratuité. On constate un pic de fréquentation lors de grands événements comme la Nuit des musées ou les Journées du patrimoine. Je n’ai pas l’intention de remettre en cause cette gratuité. Les expositions temporaires, elles, sont payantes. Je voudrais à ce propos vous signaler l’opération « Ticket Mécène » au CAPC (Musée d’art contemporain de Bordeaux). On demande au visiteur de rajouter une somme en sus du ticket pour contribuer à l’achat d’une œuvre. L’association des Amis du CAPC s’est engagée à abonder d’un euro pour chaque euro versé par le public. Après cinq mois de mise en place, 796 visiteurs ont versé 5 000 euros, ce qui nous a permis d’acquérir (pour 10 000 euros) une œuvre de Nicolas Garait-Leavenworth, représenté par la galerie Cortex-Athletico.

Justement, s’agissant du CAPC, la remplaçante de Charlotte Laubard, Maria Inès Rodriguez, vient à peine d’être annoncée alors que le départ de Madame Laubard est connu depuis longtemps !
Non. Madame Laubard, après son congé maternité, a annoncé son départ, il y a quelques mois ; mais elle est à la direction du musée jusqu’en décembre. C’est avec elle que je viens d’inaugurer l’installation consacrée au festival Sigma.

Que répondez-vous à Charlotte Laubard qui s’était plainte du manque de moyens ?
Oui c’est normal, je ne connais pas de directeur qui ne se plaint pas du manque de moyens. Je voudrais rappeler que le budget du CAPC représente 3 millions d’euros en 2013 (2,5 en 2012) avec 50 collaborateurs. Les demandes d’acquisition ont été honorées. Charlotte a fait un très bon boulot. Elle a préparé la célébration des 40 ans du CAPC. Tout le monde a la nostalgie de l’ancien directeur Jean-Louis Froment. Henri-Claude Cousseau qui est venu après a fait un travail magnifique. J’étais triste de le voir partir. Je voudrais qu’il y ait demain plus d’osmose entre le CAPC et Arc en Rêve qui partagent les lieux. L’autre défi de la nouvelle directrice sera d’articuler le CAPC avec le Frac qui va bénéficier de 2 500 m² dans la future Meca (Maison de l’économie créative, 45 millions d’euros financés par la Région) sur les bords de la Garonne. Je compte beaucoup sur Bernard de Montferrand, président du Frac qui a été au jury de sélection de Maria Inés Rodriguez pour faciliter les relations entre les deux institutions. C’est un Périgourdin, diplomate comme vous le savez.

Le Musée des beaux-arts va encore changer de directeur, que se passe-t-il ?
Le dernier titulaire [José de Los Llanos] ne s’est pas intégré dans l’équipe. Il y a de belles collections, installées à l’étroit c’est vrai. On termine enfin les travaux de rénovation de l’aile. On doit aussi améliorer le stockage de nos réserves qui est déficient et sans doute les déplacer dans un autre site. Dans un second temps, il faudra envisager l’extension du musée, dans la foulée des nombreux équipements culturels qui sont aujourd’hui en chantier. Nous allons entièrement reconstruire le muséum d’histoire naturelle pour 2016, déménager nos archives municipales sur la rive droite (ouverture fin 2015/2016), installer le collectif Pola, dans les magasins généraux de Bastide Niel. Ces projets sont considérables, on ne peut tout faire en même temps.

Les deux éditions de la biennale Evento n’ont pas été de grandes réussites. Pourquoi ?
Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation. Je pense que chaque fois nous avons atteint l’objectif que nous nous étions fixé. La passerelle de Kawamata a fait beaucoup rêver les Bordelais, il a fallu que je la garde six mois de plus. Le reproche que l’on a fait à la première édition (2009), notamment de la part des acteurs culturels de Bordeaux, c’est que ce sont des œuvres venues d’ailleurs, plaquées sur la réalité bordelaise. C’est pourquoi pour Evento 2 (2011), j’ai demandé à Michelangelo Pistoletto de s’immerger dans la vie bordelaise, ce qu’il a fait. Ce qui a manqué, à Evento 2, ce qui fait dire à certains que cela a été un échec, c’est qu’il n’y a pas eu de grand moment festif qui a mobilisé l’ensemble des Bordelais… Mais il y a eu des temps forts place André Meunier, au marché des Douves, au Grand Parc. On en parle encore. Pour l’heure nous renforçons nos deux festivals phares que sont Agora (architecture) et Novart (arts de la scène).

Comment expliquer que les Bordelais disent regretter le manque de grands événements festifs ?
Ah bon ! Vous croyez ? Et la fête du Vin ? 450 000 personnes sur les quais. Et la Fête du fleuve cette année avec le départ de la Solitaire du Figaro avec près de 500 000 visiteurs ! Peu de villes peuvent en dire autant. Et puis, une politique culturelle, ce n’est pas trois jours d’événements par an, c’est 365 jours d’offre culturelle. Le classement que vous venez de publier atteste de la qualité de cette offre !

La culture est-elle un enjeu dans la campagne actuelle ?
Oui bien sûr. Il y a quelques mois, mes adversaires socialistes pensaient qu’ils me mettraient en difficulté sur le sujet. Maintenant les réponses sont dans la presse [le Palmarès du Journal des Arts et un classement récent de L’Express]. Des équipements culturels majeurs sont en chantier pour les prochaines années. Et dans tous les nouveaux quartiers, je veille à ce que s’ouvre un équipement culturel, gage de lien social (ex : la maison des danses à Ginko).

Ne faudrait-il pas envisager le développement culturel à l’échelle de l’agglomération ?
Je ne souhaite pas que la ville perde sa compétence culturelle parce que c’est le cœur de sa relation affective avec ses habitants. Mais on peut s’entendre avec la Communauté urbaine de Bordeaux pour des équipements d’intérêt métropolitain. Le jour où on élira le conseil de communauté au suffrage universel, et donc ipso facto le président de la communauté, les communes deviendront en quelque sorte des arrondissements, comme à Paris ou à Marseille. Ce n’est pas ce que le législateur a prévu pour l’instant. Alors laissons vivre les communes au plus près des attentes des citoyens.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°402 du 29 novembre 2013, avec le titre suivant : Alain Juppé, maire de Bordeaux : « Une politique culturelle cohérente et ambitieuse »

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