Orléans

Quand la nature devient muse

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2013 - 736 mots

Dotée d’un nouveau bâtiment un peu décevant, la 9e édition d’ArchiLab explore l’influence de la nature dans l’architecture de demain.

ORLEANS - Après quatre années d’interruption, pour cause de chantier, ArchiLab présente cette année, à Orléans, sa 9e édition, baptisée « Naturaliser l’architecture ». Cette manifestation dédiée à l’architecture prospective et internationale retrouve non seulement une grande partie de son site fétiche des anciennes Subsistances militaires – des murs dont elle avait été privée lors de son dernier opus, en 2008, pour la raison sus-indiquée –, mais hérite aussi d’une extension flambant neuve signée par le tandem Dominique Jakob et Brendan MacFarlane, baptisée Les Turbulences.
De prime abord, à voir l’allure de ces trois « cheminées » un brin fléchies, dont la plus haute culmine à 17 mètres, on pense aux célèbres Volcans, ces espaces culturels construits au Havre, à la fin des années 1970, par Oscar Niemeyer. Mais là où l’architecte carioca jouait de la sensualité du trait à travers des courbes moelleuses, Jakob MacFarlane, eux, préfèrent au contraire facetter l’ensemble – bâtiment et abords –, aidés en cela par un programme informatique. Le résultat entraîne une certaine lourdeur autant à l’extérieur avec notamment, ce systématisme roboratif de la facette, qu’à l’intérieur, avec une structure constituée d’épaisses tubulures qui, au final, se révèle extrêmement massive.

La légèreté, le visiteur devra aller la chercher au sein même de l’exposition qui, comme son thème l’indique, fouine allègrement du côté de Dame Nature, en particulier avec ce pavillon « météosensitif » HygroSkin de l’architecte allemand Achim Menges, dont les « pores » sont habillés de graciles lamelles de bois qui, réagissant à l’hygrométrie ambiante, s’ouvrent ou se ferment telles les écailles d’une pomme de pin, sans la moindre assistance électronique, comme si l’édifice entier était animé. Nous sommes, là, au cœur du propos : la « naturalisation » de l’architecture, non au sens d’utiliser des matériaux ou des processus de construction labellisés « développement durable », mais dans l’expérimentation des principes de croissance propres au règne du vivant dans l’optique d’élaborer une architecture nouvelle. Le parcours montre ainsi les projets d’une trentaine d’architectes et d’une poignée de designers, stylistes ou artistes, répertoriés en quatre grands chapitres : rustique, géométrique, organique et éco-physique. Certains s’avèrent obscurs, voire loufoques, d’autres proprement passionnants.

Transpositions de modèles
Modèles biologiques et autres processus d’auto-organisation cellulaire sont explorés à l’envi. Ainsi, en est-il du fauteuil Bone du designer batave Joris Laarman, lequel imite la structure osseuse pour supporter l’assise, ou des poignées de porte Morfina du duo Cmmnwlth, qui ressemblent à des vertèbres. Il y a comme une évidente fascination pour ces processus naturels et autres algorithmes génétiques que des simulations numériques complexes peuvent désormais reproduire. En résulte, parfois, une bien étonnante esthétique, sorte de style gothique ou art nouveau New Age. La styliste Iris Van Herpen, elle, analyse les micro-organismes comme le plancton pour élaborer, en impression 3D, la robe Hybrid Holism. Dans la plaine du Var, zone inondable et habituellement soumise à de fortes chaleurs, Anouk Legendre et Nicolas Desmazieres (X-TU, Paris) imagine Fresh City, une ville avec des façades truffées de micro-algues, l’architecture devenant ainsi support de dispositifs dépolluants et producteurs d’énergie biologique par photosynthèse. Avec Animated Apertures [« ouvertures animées »], le tandem B U (Los Angeles) conçoit un projet d’immeuble dont les ouvertures sont munies de longues tiges flexibles en matériaux composites qui réagissent au soleil ou au vent et permettent de contrôler l’ombre et la lumière.

On l’aura compris la prospective est reine, mais certaines recherchent se concrétisent néanmoins. Après avoir décortiqué le squelette d’une éponge de mer, Philippe Morel (EZCT) dessine de séduisantes structures en béton en optimisant l’usage de la matière grâce à un affinage graduel du maillage. Réalisé l’an passé à Yeosu, en Corée du Sud, dans le cadre de l’Expo 2012, par l’agence autrichienne Soma, le pavillon One Ocean arbore, lui, une myriade de lamelles assurant lumière naturelle, aération et ventilation et se mouvant grâce à des mécanismes d’oscillation fondés sur des principes biomimétiques qui évoquent le ressac.

La flore inspire certes, mais la faune aussi : ainsi en est-il de cette installation interactive et amusante signées des frères Spyropoulos (Minimaforms, Londres) et intitulée Petting Zoo, une créature robotique dont les trois tentacules lumineuses et flexibles vous frôlent à la moindre approche et se laissent caresser comme une bête de compagnie. Assurément, l’architecture de demain sera un drôle d’animal… ou de plante, c’est selon.

NATURALISER L’ARCHITECTURE

jusqu’au 2 février 2014, aux Turbulences-Frac Centre, 88, rue du Colombier (entrée boulevard de Rocheplatte), 45000 Orléans, tel. 02 38 62 52 00 ou www.frac-centre.fr, mercredi-dimanche 12h-19h, nocturne jusqu’à 20h chaque premier jeudi du mois.

Commissaires de l’exposition : Marie-Ange Brayer, directrice des Turbulences-Frac Centre, et Frédéric Migayrou, directeur adjoint du Centre Pompidou, à Paris
Scénographie : Laurence Fontaine Graphisme : Laurent Pinon

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°400 du 1 novembre 2013, avec le titre suivant : Quand la nature devient muse

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