Embouteillage

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 2 octobre 2013 - 799 mots

La rentrée des expositions parisiennes s’annonce une nouvelle fois particulièrement copieuse au risque de handicaper les sites moins identifiés.

La rentrée des expositions parisiennes a pris une telle ampleur ces dernières années que de nombreuses voix se sont élevées pour souligner l’absurdité de cette surabondance. En moins de quelques semaines, de mi-septembre à mi-octobre, la plupart des grands lieux d’exposition ouvrent leur porte avec la même séquence : présentation à la presse, vernissage plus ou moins élitiste en fonction de la notoriété des organisateurs, puis ouverture au public. On en compte près d’une centaine selon le site Alloexpo.com (voir encadré). La simultanéité des ouvertures rappelle à maints égards la rentrée littéraire, à ceci près qu’à l’inverse des éditeurs, il n’y a pas de jury pour consacrer une poignée d’élus. Aussi, pour attirer les visiteurs, les musées ne peuvent compter que sur leur notoriété, leur publicité et bien entendu l’attrait du thème de l’exposition. À cet égard, le cru 2013 se présente aussi bien, sinon mieux, que l’an dernier. Des « Étrusques » à « Pierre Huygue » en passant par « Jordaens » ou « Braque », près de 3 000 ans d’art s’offrent aux Parisiens.

Il sera sans doute difficile au Grand Palais de rééditer avec « Braque », le succès de « Hopper » l’an dernier par le nombre de visiteurs, près de 800 000 avec une moyenne quotidienne de 7 900 personnes. Si « Hopper » a ainsi fait jeu égal avec « Picasso et les Maîtres » en 2008, ce sera plus difficile pour le compagnon de cordée de Picasso, dont la rétrospective devrait cependant largement dépasser les 400 000 visiteurs. En revanche, la deuxième exposition du Grand Palais, en général plus « pointue » que sa grande sœur – cette année consacrée à « Félix Vallotton » – devrait dépasser les 218 000 visiteurs de « Bohème » en 2013. Cette dernière, qui relève du registre des expositions thématiques, avait fait beaucoup mieux que « Le Portrait de l’artiste en clown » en 2004 (seulement 79 000 visiteurs) sans atteindre « Mélancolie » en 2005 (330 000 visiteurs).

La course à la fréquentation

Le Louvre continue à creuser le sillon italien et semble disposer d’un socle d’aficionados qui lui assure entre 300 000 et 350 000 visiteurs quel que soit le maître de la Renaissance mis à l’honneur. « Le Printemps de la Renaissance », plus exigeant (mais pas moins intéressant) que Raphaël, devrait cependant avoir du mal à dépasser la fréquentation de celui-ci. Le Musée d’Orsay, lui, semble bien décidé à jouer la carte grand public. Après s’être intéressé aux vêtements vus par les impressionnistes en 2012, qui avaient attiré un nombre record de visiteurs (près de 500 000 avec une moyenne quotidienne de 4 900), Guy Cogeval son directeur, les enlève pour exhiber des éphèbes. En toute logique, le sujet de la grande exposition de l’an prochain devrait être le nu selon les impressionnistes. Le Centre Pompidou va-t-il renouveler l’incroyable succès de l’exposition Dali (790 000 visiteurs) de l’an dernier ? Sans doute pas. Le Musée national d’art moderne (MNAM) qui, astucieusement, décale sa grande exposition d’automne un peu plus tard en saison, rejoue la carte du surréalisme (« Le surréalisme et l’objet »), mais sa fréquentation devrait être plus proche de celle de « La révolution surréaliste » de 2002 (450 000 visiteurs). Le MNAM continue en parallèle sa programmation des artistes français contemporains de milieu de carrière en mettant à l’honneur Pierre Huyghue, après avoir ouvert ses cimaises l’an dernier à Bertrand Lavier et Adel Abdessemed. À côté de ces mastodontes, les autres lieux sont loin de faire de la figuration et affichent une programmation tout aussi riche. Les deux musées privés que sont le Musée Jacquemart-André et le Musée Maillol ont temporairement enterré la hache de guerre (ils avaient tous deux programmé Canaletto l’an dernier) en mettant 3 000 ans entre eux : le second en s’intéressant aux Étrusques, le premier en exposant, courageusement, les « pompiers » britanniques. Avec l’arrivée de son nouveau directeur, Christophe Leribault, le Petit Palais muscle son offre et tente de faire découvrir aux Parisiens d’autres facettes de Jordaens. Le Musée du Luxembourg, administré par la Réunion des musées nationaux, alterne les succès et les échecs. Si « Chagall » au printemps 2013 a pu attirer 450 000 visiteurs malgré l’étroitesse des lieux, « Cima » n’en avait attiré que 80 000 au printemps 2012, et « Le cercle de l’art moderne » avait accueilli seulement 113 000 visiteurs à l’automne dernier. La fréquentation de « La Renaissance et le rêve » devrait se situer entre ces deux extrêmes, illustrant la difficulté d’exister médiatiquement dans un environnement très concurrentiel, où l’offre ne cesse d’augmenter comme en témoigne la réouverture d’un nouvel organisateur, le Musée Galliera.

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Le guide des expositions dans les musées, galeries et lieux patrimoniaux

Artclair, l’éditeur de L’œil et du Journal des Arts, vient de lancer un nouveau site entièrement gratuit, AlloExpo.com, qui recense toutes les expositions en France et dans le monde. Les nouvelles expositions seront progressivement enrichies d’une notice originale avec des liens vers les articles de L’œil et du Journal des Arts. Les internautes ont la possibilité de noter les expositions et de poster des commentaires.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°398 du 4 octobre 2013, avec le titre suivant : Embouteillage

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