Redécouverte

Une décoratrice américaine à Paris

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 17 septembre 2013 - 539 mots

La galerie Willy Huybrechts met en lumière le travail d’Elizabeth Eyre de Lanux, une créatrice Art déco tombée dans l’oubli.

PARIS - « Marchands et collectionneurs disent que les territoires inconnus n’existent plus, pourtant je prouve ici qu’il y a encore des choses à découvrir : Elizabeth Eyre de Lanux est probablement la dernière grande de l’Art déco ! », s’enthousiasme Willy Huybrechts. Connue seulement d’un petit nombre d’initiés, la décoratrice américaine est mise en lumière par le galeriste, qui expose une trentaine de ses pièces et des dessins tandis qu’une biographie très complète sort aux Éditions Norma.

Peu de pièces
Installée en France dès les années 1920, Elizabeth Eyre de Lanux fréquente la fine fleur des cercles littéraires et artistiques. Elle devient l’élève de Brancusi, l’amie de Picasso, Duchamp, Ernst ou Brassaï, la muse d’Aragon ou le modèle de Man Ray et séduit des figures aussi différentes que Drieu La Rochelle, Aragon ou Evelyn Wild. Ce dernier partagera une grande partie de sa vie et l’aventure de son entreprise de décoration. Sa production de mobilier la classe parmi les créatrices majeures du XXe siècle, aux côtés d’Eileen Gray ou de Charlotte Perriand. « Il faut souligner que c’était une créatrice et non pas une ensemblière qui meuble un appartement à la façon d’un Jean-Michel Frank », note Willy Huybrechts.

Pourquoi alors ce talent n’est-il aujourd’hui connu que de quelques-uns ? D’une part, rapporte le galeriste, « il existait très peu de documentation, car, l’ayant cataloguée comme homosexuelle, tous pensaient qu’elle était sans descendance et qu’il était donc difficile de retracer la marchandise et son histoire ». D’autre part, sa période de création, arrêtée par la crise de 1929, est très courte et sa production, relativement mince. De fait, peu de pièces ont circulé : « Cinq ou six en vente publique en trente ans », d’après le marchand. Certaines ont transité par les grandes galeries de la Rue de Seine ; d’autres ont figuré dans la vente de la collection Robin Symes en 1989 chez Sotheby’s New York puis à Enghien-les Bains où Yves Saint Laurent et Pierre Bergé acquièrent le bureau personnel du créateur, et enfin à Drouot. Car c’est là, en 2009, avec l’achat de deux pièces par Willy Huybrechts et Louis Géraud Castor, que commence le travail de recherches long de plus trois ans qui a mené à l’exposition et à la publication de l’ouvrage.

Travail novateur sur les matières Parmi les pièces uniques, proposées de 20 000 à 150 000 euros, on remarque une console en acajou marquetée de gypse aux lignes rappelant Jean-Michel Frank, une paire de sièges tambour en noyer présentés au Salon d’automne de 1929 ou le bureau personnel d’Yves Saint Laurent, entièrement gainé de parchemin. Plus généralement, le travail novateur effectué sur les matières retient l’attention : laque, liège, linoléum, papier paraffiné… « Dès qu’un matériau sortait, elle s’en emparait », commente Willy Huybrechts. Au-delà de la qualité des pièces présentées, l’exposition témoigne de l’histoire d’une redécouverte dans un secteur déjà très documenté.

Elizabeth Eyre de Lanux

Jusqu’au 19 octobre, Galerie Willy Huybrechts, 11, rue Bonaparte, 75006 Paris, tel 01 43 54 29 29, www.willy-huybrechts.com. À lire :Eyre de Lanux, une décoratrice américaine à Paris, Éditions Norma, 207 p., 60 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°397 du 20 septembre 2013, avec le titre suivant : Une décoratrice américaine à Paris

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