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Hermann Parzinger : « Nous construirons un musée d’art du XXe siècle à Berlin »

Président de la Stiftung Preußischer Kulturbesitz (Fondation du patrimoine culturel de Prusse), Hermann Parzinger défend le projet de reconstruction du château de Berlin.

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · Le Journal des Arts

Le 16 septembre 2013 - 1079 mots

BERLIN / ALLEMAGNE

Hermann Parzinger, archéologue de formation, est depuis 2008 le président de la Stiftung Preußischer Kulturbesitz (Fondation Patrimoine culturel de Prusse), qui comprend entre autres la Bibliothèque d’État ainsi que les quinze musées d’État de Berlin, dont l’Île aux musées, ce qui fait de lui le plus important représentant du patrimoine en Allemagne. Il est également en charge du projet « Humboldt-Forum » pour la reconstruction du château de Berlin.

Le château de Berlin est en cours de reconstruction. Quelles institutions hébergera-t-il ?
Tout d’abord, il regroupera les collections extra-européennes de la Fondation Patrimoine culturel de Prusse, c’est-à-dire le Musée d’ethnologie et le Musée d’arts asiatiques. Il comprendra également une partie de la bibliothèque centrale du Land de Berlin. L’université Humboldt bénéficiera d’un espace d’exposition. Enfin, un centre de manifestations culturelles disposera d’un espace d’expositions temporaires, et proposera parallèlement des performances, du spectacle vivant et une programmation musicale.

Le château de Berlin exposera donc les collections extra-européennes. Lors de la cérémonie de la pose de la première pierre du château, vous avez cité le président français Jacques Chirac sur l’importance de leur prise en compte. Comment vous positionnez-vous vis-à-vis du Musée du quai Branly ?
Nous sommes naturellement en contact étroit avec nos collègues du Musée du quai Branly depuis plusieurs années, ainsi qu’avec de nombreux autres musées tels que ceux de Vancouver [Canada] et Wellington [Nouvelle-Zélande]. Nous parcourons les musées à travers les continents à la recherche d’idées. Le Quai Branly a ouvert une toute nouvelle voie, en mettant fortement l’accent sur l’esthétique des artefacts, et en les présentant comme des objets d’art. Nous allons certainement le faire aussi, mais pas de manière aussi radicale. Nous voulons mettre davantage l’accent sur la contextualisation des œuvres.

Autre différence, alors que le musée parisien peut difficilement modifier la présentation de sa collection permanente, nous voulons exposer la nôtre de manière flexible grâce à un système modulaire, de manière à pouvoir changer la présentation tous les quatre à cinq ans sans devoir tout démolir et reconstruire. Nous souhaitons par ailleurs développer un dialogue avec les artistes contemporains aborigènes, une collaboration plus étroite que ce qui se fait actuellement en Europe, aller donc ici un peu plus loin que le Musée du quai Branly. Je trouve en revanche leurs programmes d’expositions temporaires et de projets de recherche internationale fantastiques, et à ce titre exemplaires.

La Fondation Patrimoine culturel de Prusse sera-t-elle en charge du château ?
Effectivement, une fois le bâtiment construit, la fondation prendra la responsabilité du Humboldt-Forum. Mais nous avons pour cela besoin de personnel et d’un budget appropriés. J’étais la semaine passée au MuCEM à Marseille en compagnie de notre président de la République fédérale, Joachim Gauck. Ce musée emploie à lui seul 120 personnes. Un projet tel que le Humboldt-Forum ne peut aboutir qu’avec l’aide d’effectifs importants et la dotation d’un budget conséquent.

Angela Merkel n’a pas assisté à la pose de la première pierre du château. Le président de la République Joachim Gauck était certes présent, mais s’est abstenu de prendre la parole. Comment un projet d’une telle envergure peut-il réussir sans soutien politique ?
Joachim Gauck, le plus haut représentant de l’État, était présent lors de la pose de la première pierre, et non seulement il était présent, mais c’est lui-même qui a posé la première pierre. Le projet du Humboldt-Forum se fait sous son haut patronage. Le soutien de la chancelière allemande et du gouvernement fédéral dans l’ensemble est décisif, car sans celui-ci nous n’aurions pas de financement.

Le projet de réorganisation des musées de Berlin, qui prévoyait le déménagement des collections de Maîtres anciens sur l’Île aux Musées et la transformation de la Gemäldegalerie en musée du XXe siècle, a engendré un mouvement de protestation international. Comment expliquer une telle levée de boucliers ?
Il y a eu l’an passé des erreurs de communication. Le Bundestag [chambre basse du Parlement allemand] a débloqué 10 millions d’euros, qui devaient renforcer le budget pour la construction et la rénovation de bâtiments de la Stiftung Preußischer Kulturbesitz. L’idée était de transformer la Gemäldegalerie en musée du XXe siècle. L’opinion publique a craint que les Maîtres anciens soient entreposés pour de nombreuses années dans les réserves jusqu’à la construction d’un nouveau bâtiment. Nous avons toujours dit que nous ne pourrions commencer ce projet avant qu’un concept global ne soit défini, avec un financement adéquat, et nous avons tenu parole.

Pour dépassionner le débat, nous avons commandé une étude de faisabilité. Cette étude a examiné la portée, le planning et le cadre financier de différentes options pour héberger les collections concernées. Il en résulte qu’un déménagement des Maîtres anciens sur l’Île aux Musées, lié à l’aménagement de la Gemäldegalerie pour accueillir l’art du XXe siècle, coûterait près de 400 millions d’euros. Il ne serait pas possible actuellement de financer une telle opération. Nous avons cependant un besoin urgent de place pour le XXe siècle. Les Maîtres anciens et les sculptures sont certes séparés, nous aimerions les regrouper sur l’Île aux Musées afin de créer un « Louvre allemand », mais au moins ces collections sont accessibles au public, ce qui n’est pas le cas actuellement pour l’art du XXe siècle.

À la suite de l’étude de faisabilité, nous proposons la construction d’un musée d’art du XXe siècle, d’un coût de 130 millions d’euros, et qui disposera d’une surface d’exposition de 10 000 m². Ce nouveau bâtiment représenterait un énorme gain pour le panorama des musées berlinois.

Ulrike Lorenz, directrice de la Kunsthalle de Mannheim, et membre du conseil d’administration de l’association des musées allemands, a récemment tiré la sonnette d’alarme sur la situation des musées allemands. Certaines villes envisageraient même la fermeture de musées d’art. La situation en Allemagne est-elle à ce point critique ?
L’Allemagne, les Länder et les communes veulent équilibrer leur budget et diminuer la dette publique, c’est une obligation ancrée dans la Constitution. Par ailleurs, les coûts de fonctionnement des musées comme les coûts de production des expositions augmentent. La situation est particulièrement difficile pour les petits musées. Chacun doit faire des efforts pour réaliser des économies. Mais dans le domaine culturel, les économies pèsent peu dans le budget global d’un Land ou d’un État. Elles ont en revanche des conséquences dramatiques sur la culture. Les hommes politiques devraient en prendre conscience. Dans le Land de Rhénanie-du-Nord - Westphalie, le budget de protection du patrimoine a été presque entièrement supprimé. Cela ne devrait pas se produire dans une « Kulturnation » [nation culturelle] telle que l’Allemagne.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°397 du 20 septembre 2013, avec le titre suivant : Hermann Parzinger : « Nous construirons un musée d’art du XXe siècle à Berlin »

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