À Aix-en-provence - Marseille

Van Gogh & Cie

Le Journal des Arts

Le 2 juillet 2013 - 951 mots

Malgré une offre pléthorique, le volet marseillais du « Grand atelier du Midi »
souffre d’un accrochage inégal qui peine à susciter l’émotion.

La Méditerranée d’Aristide Maillol (1902) est en passe de devenir la tarte à la crème de l’année « Capitale européenne de la culture » à Marseille. Présentée au MuCEM dans son exposition « Le noir et le bleu », l’allégorie en bronze fait également l’ouverture du « Grand atelier du Midi » dans son volet marseillais.

L’exposition phocéenne s’est donnée comme figure tutélaire Vincent Van Gogh. Peu importe si le peintre, dans son voyage vers le Midi, ne va pas à Marseille et s’arrête à Arles dans l’arrière-pays. Marie-Paule Vial, commissaire de l’exposition, y retrouve l’un de ses sujets de prédilection, après « Van Gogh-Monticelli » à la Vieille Charité en 2008.

L’« atelier du Midi » est le grand rêve de Vincent Van Gogh, l’idée d’une communauté d’artistes établie à Arles, qui prend fin sur une oreille coupée. Ici comme à Aix, la problématique forme/couleur n’apparaît pas de manière évidente, ni dans l’accrochage, ni dans les textes. Moins formelle que Bruno Ely, Marie-Paule Vial a conçu son parcours autour des hommes et de leurs soucis de peintre : les relations que les artistes nouent entre eux et les problèmes que leur posent la luminosité et les paysages méditerranéens. Aidée par une scénographie tirant parti des salles spacieuses, la visite y est plus aisée. La première de ces histoires d’hommes est nécessairement celle de Van Gogh avec Gauguin : leur cohabitation arlésienne dure huit semaines, pendant lesquelles ils s’affrontent sur la forme et la couleur. La Chambre (1889, Orsay) et Champ de blé (1888, Musée Rodin) marquent cette rencontre avec le Sud. Un autre duo part en Méditerranée dans les années 1880 : Monet et Renoir, moins radicaux dans leur relation, peignent des paysages écrasés par le soleil. À Bordighera, Monet use de couleurs tranchées, éloignées de sa palette parisienne, tandis que Renoir explore et se fixe à Cagnes. Ces deux séquences sont très belles même si les esprits chagrins (et parisiens) peuvent dire que le propos est vu et revu.

C’est ensuite que les limites de l’accrochage se font sentir. Non chronologiques, les séquences s’enchaînent sans véritable logique : les artistes sont partout et nulle part à la fois : de l’Estaque à Saint-Tropez en passant par le Roussillon (comme à Aix, l’idée du Midi est extensible), des années 1900 à 1940. Cet « Atelier » se transforme en accumulation de tableaux où l’on ne comprend plus grand-chose. Au fil du parcours, surtout, le choix du corpus pose question : Émile-Othon Friesz est surreprésenté, Charles Camoin aurait mérité mieux que les œuvres anecdotiques qui sont données à voir, et que dire de L’Heure embrasée, huile monumentale de Théo Van Rysselberghe (1897, Weimar), qui oscille entre le rococo et le pompier augmentés d’une touche néo-impressionniste ? Juste en face, Chaïm Soutine et Félix Vallotton sont relégués dans un coin de salle. À Cagnes, Soutine chamboule les rues et les maisons, jette la couleur avec furie sur la toile, tandis que Valloton travaille à des cadrages faussement sages dans deux toiles peu connues, sorties de collections particulières : Femmes portant des corbeilles à Marseille (1901) et Les Alyscamps (1920), des œuvres essentielles que l’accrochage semble ignorer. Bonnard, Signac, Derain, Dufy, les noms valsent sur les cartels, sans que le propos ne se dégage. En fin de parcours, le visiteur peine à distinguer pour quelles raisons Femme assise, le dos tourné vers la fenêtre ouverte de Matisse (1922, Montréal) figure dans la section consacrée à la couleur.

Sans doute le sujet était-il trop vaste, dépourvu de réelle problématique. Certes, prises dans leur ensemble, les œuvres sont exceptionnelles et l’exposition fait preuve d’une envergure internationale. Mais à trop vouloir montrer, « Le grand atelier » se fait accumulation et ne suscite plus l’émotion.

Le Palais Longchamp dépoussiéré

Après huit longues années de fermeture, le Musée des beaux-arts de Marseille au palais Longchamp rouvre (enfin) ses portes. L’aile gauche du bâtiment, œuvre de l’architecte Henry Espérandieu, à qui la cité phocéenne doit la cathédrale de la Major et Notre-Dame-de-la-Garde, a retrouvé son faste originel. De l’extérieur, le grand bassin et sa petite cascade ont été nettoyés, et les façades, rénovées. Les voûtes de la colonnade qui relie le Musée des beaux-arts et le Muséum, en piètre état avant les travaux, ont retrouvé un décor polychrome insoupçonnable auparavant. À l’intérieur, l’accent a été mis sur une restitution fidèle des espaces. La verrière zénithale de la grande galerie, obstruée en 1981 par une mezzanine, retrouve sa fonction d’origine et redonne à la galerie une ampleur plus adéquate à sa fonction. Les escaliers ornés des peintures murales de Puvis de Chavannes offrent un hymne à une Méditerranée ouverte sur l’Orient et témoignent de la préciosité extravagante du Second Empire.

Quatre années de travaux, un budget global de 26 millions d’euros : il n’en fallait pas moins pour mettre l’édifice aux normes de sécurité actuelles. Mais avec seulement 1 400 mètres carrés de surface d’exposition, aucune salle pour des expositions temporaires et une petite boutique-librairie (certes bien pourvue), le musée souffre d’un manque d’infrastructures de type auditorium, salles pédagogiques, café-restaurant, une gageure pour la troisième ville de France. Et de l’autre coté de la fontaine, le Muséum d’histoire naturelle nécessiterait lui aussi un bon dépoussiérage…

De Van gogh À Bonnard

Commissariat : Marie-Paule Vial, directrice du Musée de l’Orangerie à Paris

Nombre d’œuvres : 101

Le Grand atelier du midi, de Van gogh à Bonnard, jusqu’au 13 octobre, Musée des beaux-arts, palais Longchamp, aile gauche, bd Philippon, 13004 Marseille, tél. 04 91 14 59 30, www.marseille.fr, tlj 9h-19h, le jeudi 12h-23h. Catalogue, éditions RMN-Grand Palais, 304 p., 39 €.

Légende photo

Vincent Van Gogh, L’Arlésienne, Madame Ginoux, huile sur toile, 91 x 73 cm, Musée d’Orsay, Paris. © Photo : RMN (Musée d’Orsay)/Gérard Blot.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°395 du 5 juillet 2013, avec le titre suivant : Van Gogh & Cie

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