Art antique - Collection de regards

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 5 juin 2013 - 665 mots

Dans une scénographie résolument moderne, la galerie Chenel présente, sur le thème du « Visage », une cinquantaine de pièces grecques, romaines ou égyptiennes.

PARIS - La galerie Chenel, créée en 1999 et spécialisée en archéologie, sculptures grecques, romaines et égyptiennes, organise deux expositions annuelles. En septembre 2012, elle s’installe quai Voltaire (Paris-7e). Pour leur première exposition en ces lieux, Gladys, Ollivier et Adrien Chenel ont choisi le thème des visages antiques, « par goût », « sans aucun tri par époque, importance ou fonction », précise Gladys Chenel. « C’est une figure importante d’empereur, un marbre rare, une beauté ou une disgrâce particulière, un stupéfiant travail de chevelure au trépan ou bien juste un sourire qui créent en nous une émotion et attirent notre attention », expliquent les galeristes dans le catalogue.

Dans une scénographie soignée, résolument moderne, un contraste se joue entre les différentes matières d’aujourd’hui, Plexiglas et aluminium pour les supports, et le marbre, bois ou calcaire pour ces sculptures d’un autre temps. Ces têtes sculptées dépourvues de corps sont connues ou non, idéalisées ou réalistes, parfois mutilées, fragmentaires. Hommes, femmes, enfants ou dieux, le visiteur est interpellé par ces regards. « Nous achetons beaucoup aux enchères, avec une idée derrière la tête. On connaît déjà le thème des prochaines expositions. Ici, ce sont des pièces rassemblées depuis plusieurs années, certaines étaient chez nous depuis huit ou dix ans », indique Gladys Chenel.

Un objet avec une histoire
Parmi cette « collection de regards », Diadumène est l’œuvre la plus captivante, la plus chère aussi, 1,2 million d’euros (les prix débutent à 1 500 euros). Copie romaine (Ier-IIe siècle apr. J.-C.) d’une sculpture grecque en bronze de Polyclète d’Argos qui représente un jeune athlète nouant un ruban autour de ses tempes, symbole de victoire, elle est issue de l’ancienne collection Anthony Quinn. « On ne connaît que dix modèles dans le monde, huit sont déjà dans des musées (au Louvre, au Metropolitan de New York…), un est en mains privées, donc seul celui-ci est disponible sur le marché », affirme Ollivier Chenel. Fascinante également, une Tête de Koré (680 000 euros), un travail néo-attique de l’époque gréco-romaine, Ier siècle av.-Ier siècle apr. J.-C. Cette Koré (« jeune fille », en grec) est une variante de la koré archaïque (700-400 av. J.-C.), dont le visage était caractéristique : yeux en amande, coiffure ondulée ou tressée, lèvres épaisses esquissant un léger sourire.
Une monumentale Tête de Sérapis en marbre, déjà vendue, arrête le visiteur. Dieu du panthéon égyptien, il cumule les attributs de plusieurs dieux égyptiens et grecs, mais le plus caractéristique d’entre eux, le modius (mesure de grain en forme de corbeille) couronnant sa tête est ici manquant. Découverte à Alexandrie en 1903, vendue à l’hôtel Drouot en 1904, elle a été achetée par l’arrière-grand-père de René Gimpel, célèbre marchand parisien de tableaux de l’entre-deux-guerres.
Cette fois, l’œuvre hypnotise : ce Portrait d’élégante en calcaire, Égypte, Nouvel Empire (vers 1388-1292 av. J.-C.), provenant de l’ancienne collection Vérité, est d’autant plus attirant que son nez et sa bouche sont parcellaires (480 000 euros). Également d’une grande force est ce visage fragmentaire de femme, Grèce, milieu du IVe siècle av. J.-C. Pour Ollivier Chenel, « la cassure n’enlève rien à cet objet » (90 000 euros). Le marché de l’art antique proprement dit, qui compte une cinquantaine de marchands importants dans le monde, « se porte bien, est sain », note-t-il. « Il n’y a pas de spéculation. Beaucoup de collectionneurs, dont quatre ou cinq majeurs. Mais surtout, de nouveaux collectionneurs sont séduits par l’idée d’avoir un objet archéologique, avec une histoire, très décoratif, et à un prix abordable. Depuis 2000, même si le pourcentage d’augmentation est faible, il est croissant. Nous travaillons autant avec des musées qu’avec des particuliers ou des institutions, tant européens qu’américains. »
« Visage » a été prolongée d’un mois. « Cette exposition a eu un bel impact, il serait dommage de l’arrêter en si bon chemin », conclut Gladys Chenel.

VISAGE

Jusqu’au 16 juillet, Galerie Chenel, 3, quai Voltaire, 75007 Paris, tél. 01 42 97 44 09, www.galeriechenel.com, du lundi au vendredi, 10h-13h, 14h-19h, samedi 14h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°393 du 7 juin 2013, avec le titre suivant : Art antique - Collection de regards

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