De l’Allemagne à Venise

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 21 mai 2013 - 489 mots

Après plusieurs semaines de controverses, tant sur des sujets politiques et économiques qu’historiques et culturels, l’horizon franco-allemand devrait bénéficier d’une éclaircie à Venise.

Ensemble deux ministres, Cornelia Pieper et Aurélie Filippetti doivent inaugurer l’échange des pavillons français et allemand. Cette coopération s’inscrit dans l’évolution de la Biennale qui, après avoir donné la primauté aux États, l’accorde désormais aux artistes et dans celle de la pratique de beaucoup d’entre eux, ouverte sur le monde. Dans le pavillon français, l’Allemagne marque un pas supplémentaire en montrant quatre artistes, tous non germaniques. En face, la France présente Anri Sala qui, après les Beaux-Arts de Tirana, s’est formé à l’École des Arts déco de Paris, puis au Fresnoy et dispose d’un atelier à Berlin. Éloignée des populismes et nationalismes montant en Europe et ailleurs, la lagune sera donc un havre d’idéal, où les arts s’échangent pacifiquement. Ne boudons pas le symbole, mais reconnaissons que le chemin exige une forte volonté et qu’il est semé d’embûches. Avec « De l’Allemagne 1800-1939 », le Louvre avait l’intention de faire découvrir à Paris des pans de la peinture d’outre-Rhin. Mais, des titres respectés de la presse allemande, comme Die Zeit ou le Frankfurter Allgemeine Zeitung, lui reprochent de proposer une vision historique conduisant inéluctablement au nazisme et d’avoir préféré exposer Leni Riefenstahl plutôt que les artistes du Bauhaus et du Blaue Reiter. Accepter l’autre, c’est d’abord le reconnaître, l’échange intellectuel se solde ici par un malentendu. Le débat lancinant sur l’identité d’un « art allemand » n’avait pas pesé sur la décision du galeriste Michael Werner de donner 127 œuvres de sa collection – dont plusieurs ensembles – au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Par ce geste, il veut faire mieux connaître aux Français les artistes qu’il défend depuis des années. Serait-il possible d’imaginer un échange ? Qu’un galeriste français puisse accomplir le même geste militant pour promouvoir outre-Rhin la création réalisée en France ? Et qu’une Kunsthalle ou Kunstverein accepte cette proposition ? Les galeristes parisiens déplorent le manque de reconnaissance de leurs artistes hors de France et se disent désorientés par la mutation du marché. Le dernier Gallery Weekend de Berlin (26-28 avril) a démontré combien un tel événement pouvait tonifier la vie artistique d’une capitale et redonner du sens à un métier. Il a fait le plein en mobilisant 51 galeries qui offraient un large spectre de vernissages intelligemment construits, allant d’artistes reconnus à des découvertes. Il a entraîné dans son sillage des institutions et bien d’autres galeries. Les galeristes berlinois ont choisi un Français pour diriger cette manifestation ainsi que la foire abc-art berlin contemporary (19 au 22 septembre) : Cédric Aurelle, qui était auparavant à Berlin responsable du bureau des arts plastiques à l’Institut français, où il avait mené des programmes d’échange bilatéraux entre des galeries et des centres d’art. Alors imaginons aussi un échange pour le Gallery Weekend, que les galeristes parisiens réussissent enfin à le créer.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°392 du 24 mai 2013, avec le titre suivant : De l’Allemagne à Venise

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