Berlin

Imran Qureshi à la Deutsche Bank Kunsthalle

L’échec de la création d’une « Kunsthalle » publique laisse place à l’initiative privée de la Deutsche Bank qui ouvre ses lieux avec le Pakistanais Imran Qureshi.

BERLIN - Le roi est mort, vive le roi ! Tel pourrait être le slogan de la nouvelle Deutsche Bank Kunsthalle de Berlin, qui renaît tel un phénix des cendres de l’ancien Musée Deutsche Guggenheim. Sans évoquer de raison précise, la fondation Guggenheim et la Deutsche Bank ont décidé l’année dernière de mettre un terme à quinze ans de coopération. Les œuvres commandées par le musée ont été partagées entre les deux institutions. Confirmant une séparation à l’amiable, celles-ci préparent d’ores et déjà un projet d’exposition conjoint.
La Deutsche Bank avait déclaré dans un premier temps vouloir transformer les locaux de l’ancien musée en un lieu de débat politique, économique et social, comme il en est légion dans le quartier situé à proximité du Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand. Finalement, forte du transfert de savoir-faire avec le Guggenheim, la Deutsche Bank a décidé de poursuivre l’expérience artistique et d’ouvrir une Kunsthalle. Selon le magazine Forbes, elle dispose de la plus grande collection d’entreprise d’art au monde.

Imran Qureshi inaugure la Kunsthalle
La première exposition de la Kunsthalle, qui couronne « l’artiste Deutsche Bank de l’année », Imran Qureshi, place la barre très haut. L’artiste pakistanais, né en 1972, présente une série d’œuvres très variées, composée de miniatures figuratives, de larges peintures abstraites, et d’une installation monumentale. Malgré la diversité des moyens utilisés, une unité stylistique remarquable émerge de celles-ci, à l’aide d’une scénographie soignée. Diplômé de l’Université nationale des arts de Lahore (Pakistan), Imran Qureshi a été formé à l’art traditionnel des miniatures, qu’il enseigne aujourd’hui dans cette même université. La tradition veut qu’on peigne à même le sol, à l’aide d’un minuscule pinceau. L’artiste pakistanais a décidé d’utiliser ces techniques traditionnelles et de l’appliquer à des formes d’art plus contemporaines. Dans ses grandes peintures abstraites ovales, « le doré ajoute une touche très exotique », déclare-t-il. Quel que soit le format utilisé, une constante revient dans toute l’exposition : un bain de sang. Des éclaboussures rouge sang viennent défigurer des miniatures dorées. Une installation de feuilles de papier froissé tachées de peinture rouge emplit de manière oppressante une salle entière, laissant un petit passage pour les visiteurs. La scénographie confère cette même sensation d’oppression dans un labyrinthe noir créé spécifiquement pour l’exposition, mettant ainsi en valeur dans une petite pièce dédiée chaque miniature. Cette série d’œuvres a été inspirée d’un attentat suicide qui s’est produit dans un bazar de Lahore, où l’artiste et son épouse avaient coutume de faire leur marché. En quelques secondes, cet endroit vivant est devenu un lieu de mort et de destruction. C’est tout l’objet de l’exposition d’Imran Qureshi : la vie, et la destruction de la vie. Les motifs floraux qui surgissent un peu partout dans les taches de sang sont là pour signifier qu’on peut toujours grandir malgré les catastrophe.

L’espoir déçu du maire de Berlin
Inaugurée en grande pompe le 17 avril dernier, soit trois jours après les attentats de Boston, l’exposition de Qureshi prend une résonance particulière. Mais Boston n’était pas le sujet de débat dominant de la soirée. L’initiative privée de la Deutsche Bank vient enfoncer le clou de l’échec de la création d’une Kunsthalle publique promise par le maire de Berlin, Klaus Wowereit. Le secrétaire d’État de Berlin aux Affaires culturelles, André Schmitz, a déclaré lors de l’inauguration « être un peu jaloux » du gros coup médiatique réalisé par la Kunsthalle, une semaine avant l’ouverture officielle, qui avait vu plus de 2000 artistes faire jusqu’à huit heures de queue pour pouvoir exposer dans la nouvelle Kunsthalle. « Tout est plus facile lorsque le décideur artistique tient également les cordons de la bourse », a-t-il ajouté en s’adressant à l’initiateur de la Kunsthalle, Stefan Krause, directeur financier de la Deutsche Bank. Il a cependant déclaré que le projet public n’avait pas uniquement échoué pour des raisons financières, mais s’était également heurté à l’opposition des artistes.
Le programme de la Kunsthalle à peine inaugurée s’annonce prometteur. Il s’orientera autour de quatre axes : une exposition consacrée à « l’artiste Deutsche Bank de l’année », une coopération avec des institutions muséales internationales, telle que la Tate Modern de Londres en 2014, des expositions réalisées par des commissaires invités, et enfin une collaboration avec la scène artistique berlinoise.

Imran Qureshi : artiste de l’année 2013

Jusqu’au 4 août, Deutsche Bank Kunsthalle, Unter den Linden, 13/15, Berlin (Allemagne), ouvert tlj 10h-20h, www.deutsche-bank-kunsthalle.de

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°392 du 24 mai 2013, avec le titre suivant : Imran Qureshi à la Deutsche Bank Kunsthalle

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