Suisse

Le monde à part de James Edward Deeds

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 21 mai 2013 - 419 mots

La Collection de l’Art Brut à Lausanne dirigée par Sarah Lombardi présente, pour la première fois
en Europe, des dessins de James Edward Deeds rescapés d’un tas d’ordures.

LAUSANNE - Ils ont l’air tristes, les traits figés et le visage poupin. Les personnages de James Edward Deeds (1908-1987) ouvrent de grands yeux sur le petit monde clos et surpeuplé dans lequel ils sont enfermés. L’un deux, un homme assis portant un chapeau haut de forme, a l’expression menaçante et les yeux fuyants. Le dessin, intitulé Why doctor, représentant un médecin fait sans doute allusion aux traitements brutaux par électrochocs dont l’auteur a fait l’objet dans les années 1940 et 1950. Interné à l’âge de 28 ans au State Lunatic Asylum n° 3 situé à Nevada (Missouri), James Edward Deeds passe une bonne partie de sa vie dans cette institution avant d’être transféré dans une maison de retraite où il décède en 1987. Entre 1936 et 1966, il réalise près de 300 dessins d’une grande délicatesse à la mine de plomb, à l’encre et au crayon de couleurs, sur des papiers à en-tête officiel de l’établissement psychiatrique. L’artiste a rassemblé ses dessins recto verso, numérotés et cousus page à page dans un album confectionné par ses soins. La Collection de l’Art Brut de Lausanne en a réuni 130 qui sont exposés à côté de son album en cuir, tissu et carton.

Les péripéties de l’œuvre
Plus loin, une photo de 1944 le représente, le regard fermé, assis sur un banc à côté de Clay Deeds, son frère de dix ans son cadet qu’il avait poursuivi une hache à la main dans leur ferme du Missouri, au début des années 1930, quand il avait 25 ans, avant d’être interné. Ses dessins, souvent accompagnés de légendes figurent aussi tout un panthéon d’animaux ainsi que des bateaux, trains, bâtiments et de petits paysages bucoliques. À la disparition de James Edward Deeds, son frère Clay se débarrassa des effets du défunt. L’album, récupéré sur un tas d’ordures par un adolescent, fut mis en vente sur eBay. Acheté par un graphiste amateur d’art, il atterrit ensuite chez un collectionneur new-yorkais qui s’est chargé de le faire restaurer avant de le céder à une galerie spécialisée dans l’Outsider art, Hirsch & Adler.

Légende photo

James Edward Deeds, The Black Snake (recto), entre 1936 et 1966, mine de plomb et crayon de couleur sur papier, 23,5 x 21 cm, Collection de l’Art Brut, Lausanne - © 2010 Electric Pencil Press. - © Photo Atelier de numérisation/Ville de Lausanne.

JAMES EDWARD DEEDS

Jusqu’au 30 juin, Collection de l’art brut, Avenue des Bergières 11, Lausanne (Suisse), Tél : 00 41 21 315 25 70, www.artbrut.ch, mardi-dimanche 11h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°392 du 24 mai 2013, avec le titre suivant : Le monde à part de James Edward Deeds

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