Renaissance

Antiquaire

Dans le sillage du Caravage

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 6 mai 2013 - 804 mots

La galerie G. Sarti expose 23 tableaux spectaculaires d’artistes caravagesques, mettant en relief les interprétations personnelles du travail du maître.

PARIS - La galerie G. Sarti, spécialisée dans la peinture italienne du XIVe au XVIIIe siècles, réunit 23 tableaux de qualité muséale évoquant l’évolution de l’influence du Caravage (1571-1610) sur certains peintres italiens rassemblés sous la dénomination de « peintres caravagesques ». Ces tableaux achetés au fil des ans par Giovanni Sarti, « pour leur force et leur qualité » sont reproduits dans un catalogue édité pour l’occasion. Ils affichent des prix allant de 200 000 à 2 millions d’euros.
Selon Claire Sarti, « l’œuvre du Caravage constitue une rupture totale dans la peinture et jusqu’à Picasso, il n’y en aura pas d’autre ». Il révolutionne l’art de peindre avec une série d’innovations au succès quasi immédiat : il immerge dans une sorte de lumière « artificielle » des personnages du quotidien et donne naissance à un puissant courant. « Avant le Caravage, il n’y a pas de sujets réalistes dans la peinture. Il peint des gens qu’il croise dans la rue, avec des mains rugueuses, des visages ridés, des pauvres. Il n’y a plus de visages ou de scènes idéalisés, sortis de l’imagination. C’est vraiment nouveau, on n’a jamais vu ça avant lui ! », poursuit-elle.

Caravage n’a eu ni élèves ni atelier et a sûrement protégé son œuvre. Mais dès sa mort en 1610, des peintres emploient ses principes de manière plus ou moins forte et sont regroupés sous le nom des « caravagesques ». Pour Claire Sarti, « les gens appellent peintres caravagesques, tous ceux qui usent du clair-obscur. Or c’est un groupe beaucoup plus réduit ». Il serait plus juste de les dénommer peintres « réalistes », peignant des personnages tels qu’ils le sont vraiment dans la réalité, et de réserver le terme de caravagesques aux artistes qui se sont le plus rapprochés de l’art du Caravage.

Les disciples fidèles
L’exposition illustre bien ces deux groupes. Le « premier cercle », rassemble des peintres qui ont appliqué de façon stricte les principes du Caravage, réalisant des œuvres comparables aux siennes. Puis, l’exposition explore les différentes écoles italiennes (Rome, Naples, Florence…) pour mettre en lumière un deuxième groupe composé d’artistes qui ont repris des éléments du travail du Caravage, en y adjoignant leur identité régionale ou en s’inspirant d’autres courants artistiques.
De ce « premier cercle » sont issus des peintres qui ont connu le maître ou travaillé au même moment, à Rome et à Naples. C’est le cas de Bartolomeo Manfredi, considéré comme le plus proche suiveur du Caravage, qui va en quelque sorte codifier son travail. Son Martyre de saint Sébastien est un des plus beaux tableaux de l’exposition. Le saint est représenté à mi-corps, fortement éclairé, ce qui permet de concentrer son attention sur lui. Le personnage du bourreau est directement emprunté à Caravage. Sur les cimaises de la galerie, trois tableaux de Bartolomeo Cavarozzi, dont Le Sacrifice d’Isaac, très proche en thème de celui du Caravage (conservé à la Galerie des Offices à Florence). Toujours à Rome, Orazio Riminaldi peint Hercule et Acheloüs, étonnant par sa force, sa taille et l’occupation de l’espace par les personnages. À Naples, où le Caravage se réfugie après avoir commis un crime à Rome, Giovanni Battista Caracciolo est un fervent adepte de ses idées et s’inspire directement de ses œuvres. « C’est un peintre très rare, très proche du Caravage, très caravagesque », commente Claire Sarti devant Adam et Eve pleurant Abel.

Les « réinterprètes » de la réalité
Puis la galerie met en exergue le deuxième groupe constitué de peintres de certaines des écoles italiennes qui, tout en conservant leur style, vont emprunter des éléments au Caravage. Dans l’école napolitaine, il y a Andrea Vaccaro avec Le Martyre de sainte Agathe inspirée des personnages féminins de Guido Reni (bolonais présent dans l’exposition avec Suzanne et les vieillards) ; Jusepe Ribera avec Le Roi David, une découverte et Saint Philippe, œuvre connue et documentée, véritable portrait d’un personnage emprunté à la réalité. Dans l’école florentine, la Pièta d’Agostino Melissi, exécutée en 1647 pour Léopold de Médicis, conserve la douceur et l’émotion propres à Florence. En Lombardie, Daniel Crespi peint La Flagellation avec un fort contraste entre le beau corps musclé du Christ et les bourreaux, rustres. Bernardo Strozzi, issu de l’école génoise, livre une Piéta dont « le réalisme est dans l’expression de la douleur et l’angoisse de la mère, non dans la représentation exacte de la réalité », souligne Claire Sarti.
L’exposition se termine sur L’Arrestation du Christ de Giuseppe Maria Crespi (vers 1690), qui, tout en se servant du style du Caravage, annonce la suite.

Légende photo

Bartolomeo Manfredi - Le martyre de saint Sébastien - vers 1618-1620, huile sur toile, 97,2 x 77,7 cm. Courtesy galerie Sarti, Paris.

Peintres caravagesques italiens, peintres de la réalité

Jusqu’au 12 juillet, galerie G. Sarti, 137, rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. 01 42 89 33 66, www.sarti-gallery.com, lundi-vendredi 9h30-13h et 14h-18h30.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°391 du 10 mai 2013, avec le titre suivant : Dans le sillage du Caravage

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