Catalogue

Le dessein du dessin

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 3 mai 2013 - 489 mots

Véritable essai, le catalogue des dessins italiens du Musée Fabre révèle le processus créatif des artistes.

Réputé pour ses grandes expositions temporaires, à l’image l’été dernier du Caravage, le Musée Fabre de Montpellier soigne aussi ses collections permanentes. En 2010, il mettait en exergue les dessins français du XVIIe siècle issus de son cabinet d’art graphique et dernièrement, les dessins italiens du XVIe au XVIIIe siècle firent l’objet d’une étude approfondie et de travaux de restauration, aboutissant à la présentation au public des plus belles feuilles et à la publication du répertoire de cet ensemble savamment analysé. Dans ce catalogue où les notices sont de véritables essais, l’historien de l’art Éric Pagliano examine les dessins en soulignant leur fonction préparatoire et en dévoilant le processus créatif de leurs auteurs. Utilisant une « approche génétique » – méthode d’analyse issue du monde littéraire qu’il a déjà expérimentée pour aborder les fonds de dessins des musées des beaux-arts de Lyon et de Grenoble –, l’auteur a choisi de « se placer au plus près du lieu où se produit le dessin » , au cœur de l’atelier de l’artiste, et ainsi considérer le dessin non dans sa singularité, mais dans la pluralité d’une production participant à la genèse d’une œuvre d’art. C’est une véritable enquête dépassant les strictes collections du musée pour retrouver les liens unissant les feuilles d’un même ensemble. Les dessins sont regroupés selon cinq grandes sections : l’esquisse, la figure, le tableau (en référence aux dessins qui prennent en compte l’œuvre finale dans sa globalité), le lieu (auquel l’œuvre est destinée), et l’interprétation ou comment l’acte de copier est un exercice fondamental pour l’artiste. Par le biais de démonstrations audacieuses, l’auteur souligne les spécificités du travail de chacun. Il montre ainsi comment Chimenti a procédé à un renversement de sa composition pour élaborer un tableau figurant la Décollation de Sainte Barbe (1603) appartenant à la Galerie des Offices. La figure de ce jeune homme tourné vers la droite, appartenant au Musée Fabre, est, selon lui, un des éléments clef de l’élaboration de la figure de Sainte Barbe, jeune femme richement vêtue finalement tournée vers la gauche. Éric Pagliano démontre aussi comment certains dessins, même destinés à une commande unique, peuvent servir à d’autres compositions. Il s’intéresse à l’exercice délicat de l’attribution, soulignant la fragilité d’une démonstration qui s’appuie moins sur des éléments tangibles que sur le jeu de la comparaison avec des œuvres connues, des écoles, une géographie stylistique. Pour comprendre les processus complexes de création, l’auteur a mis au point son « dispositif d’étude » qui consiste à opérer des regroupements visuels en associant différents dessins sur un même mur pour faire ressortir les similitudes et correspondances entre eux. « C’est, pourrait-on dire, une mise en abyme du travail du dessinateur effectuée à des fins cognitives », précise-t-il. Singulier et ambitieux, son travail offre une immersion passionnante au cœur des ateliers de Raphaël, Tiepolo, Parmesan ou Baglione.

Éric Pagliano, L’atelier de l’œuvre – dessins italiens du Musée Fabre, éditions Snoeck, 462 p., 39 €, ISBN 978-94-6161-079-9.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°391 du 10 mai 2013, avec le titre suivant : Le dessein du dessin

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