Collection

Paint it black, symphonie mono ton

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 3 mai 2013 - 484 mots

Le Plateau déroule une sélection de ses dernières acquisitions, exclusivement en noir et blanc, flirtant à la lisière du réel.

PARIS - L’argument de départ apparaissait des plus spécieux : composer une exposition adoptant une unité de ton, avec des œuvres de sa collection qui soient exclusivement en noir et blanc. Et pourtant, malgré cet alibi bancal, le directeur du Plateau – Frac Île-de-France, Xavier Franceschi, est parvenu à esquisser dans ses salles un parcours à la fois intrigant et cohérent, avec des travaux pour la plupart récemment acquis. Et si leur qualité est pour beaucoup dans la réussite du projet, la vision qui les rassemble n’y est pas pour rien.

Car s’installe dès le début de la visite de « Paint it Black » une atmosphère homogène passant par-delà la (non) couleur, la sensation d’une étrangeté qui pourtant semble très en prise avec le réel, doublée d’une navigation subtile entre conscient et inconscient. Dialoguent à distance (car séparés par une salle) ce magistral objet qu’est le film de Ben Rivers The Coming Race (2006) et le non moins captivant To Navigate, in a Genuine Way… (2009) de Joachim Koester : dans le premier se déplace une foule dans un environnement brumeux sans qu’il ne soit jamais possible de discerner précisément la nature de l’action ; dans le second un acteur face à la caméra rejoue les gestes de « passes magiques » évoquées par Carlos Castañeda dans un de ses livres. Entre les deux et au-delà se déploient des œuvres où partout s’immisce un léger décalage laissant indécis quant à la nature même de ce qui est narré ou donné à voir.

Une radicalité pour deviner l’œuvre
Les fonds marins en négatif de Dove Allouche deviennent des masses indescriptibles (Les Fumeurs noirs, 2010), un glacier capturé par l’objectif de Wolfgang Tillmans avec des noirs et des blancs saturés semble verser dans l’abstraction (Die Schwärze, 2007), et Gianni Pettena évoque des « architectures non conscientes » à travers des clichés de masses rocheuses dans des déserts américains (About Non-Conscious Architecture, 1972-1973). Lorsque sont auscultées des figures, s’instille également la confusion, comme dans les images de son grand-père grimé en cowboy rassemblées par Iñaki Bonillas et dont les postures pourraient être aussi fictives qu’une description de voyage qui les accompagne (A sombra e o brilho, 2007), ou dans le film de Margaret Salmon scrutant un homme dont les actes sont en décalage avec le son laissant entendre une dispute avec une femme (PS, 2002).

Beaucoup d’œuvres dans cet ensemble semblent finalement relever d’une certaine forme de théâtralité, comme le conclut une installation de Bertrand Lamarche où tourne en boucle, au son d’un fragment de chanson de Kate Bush, un miroir déformé dont le reflet déploie sur le mur une lumière spectrale (Looping (Kate Bush Remix), 2011). Une théâtralité ayant pour conséquence d’entretenir le doute, à l’infini.

Titre original de l'article du Jda : "Symphonie mono ton"

PAINT IT BLACK

Jusqu’au 12 mai, Le Plateau, Place Hannah Arendt, 75019 Paris, tél. 01 76 21 13 41, www.fracidf-leplateau.com, tlj sauf lundi-mardi 14h-19h, samedi-dimanche 12h-20h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°391 du 10 mai 2013, avec le titre suivant : Paint it black, symphonie mono ton

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