Théâtre - Courbet peignait l’Atelier

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 10 avril 2013 - 418 mots

Une mise en scène de la rencontre entre Courbet et Proudhon à la veille de l’Expo universelle de 1855.

PARIS - « Exécrable ! » Pierre-Joseph Proudhon vient de poser les yeux sur L’Atelier du peintre auquel Gustave Courbet travaille face à une jeune femme frigorifiée, et ne mâche pas ses mots. Nous sommes à Ornans, à l’hiver 1854, et l’intellectuel natif de Besançon a répondu à l’invitation du peintre. Ce dernier a une idée en tête : que Proudhon rédige l’introduction au catalogue de l’exposition indépendante qu’il prépare en marge du Salon de l’Exposition universelle de 1855, le « Pavillon du réalisme ». Entre les deux hommes, les échanges sont vifs. Pour l’anarchiste, L’Atelier n’aurait du réalisme que les atours. Il accuse l’artiste de vouloir imiter ses détracteurs, ce dernier arguant qu’il se sert des Anciens pour parler du présent. Jenny, la jeune modèle au caractère trempé, ne tarde pas à renvoyer Proudhon à ses contradictions misogynes. Arrive enfin dans la mêlée Georges le braconnier, dont la révérence pour le pouvoir impérial s’accommode du sens pratique des gens de la terre.
Créé à Besançon en 2009, Proudhon modèle… Courbet est un huis clos théâtral original, tout droit sorti de l’imagination de son metteur en scène Jean Pétrement. Car le texte dense, nourri des écrits des deux hommes, revendique aussi une licence poétique – les deux protagonistes n’étaient pas aussi proches et rien n’atteste de cette rencontre dans l’atelier d’Ornans. Proudhon n’a jamais signé la préface du catalogue de Courbet, mais, dix ans plus tard, est publié à titre posthume son texte inachevé Du principe de l’art et de sa destination sociale, inspiré par la requête du peintre. Ici, la mise en abyme est volontaire. Devant une reproduction réduite de l’esquisse imaginaire de L’Atelier, toile ô combien allégorique, évoluent quatre personnages qui le sont tout autant – l’artiste, l’intellectuel, le pragmatique et le modèle.

Servie par des acteurs talentueux, la pièce ne cache pas son sous-texte politique actualisé. Ainsi l’indépendance d’esprit de la pétillante Jenny (Elisa Oriol), fusion entre la charnelle Jo l’Irlandaise et la féministe Jenny d’Héricourt, pourra sembler anachronique à certains. Il n’en fallait pourtant pas moins pour faire face à un Courbet tonitruant à l’accent franc-comtois prononcé (Alain Leclerc), incarnation de la force de la nature qu’était le maître d’Ornans.

Proudhon modèle… Courbet

Compagnie Bacchus, texte et mise en scène Jean Pétrement, théâtre de l’Essaïon, 6, rue Pierre-au-Lard, 75004 Paris, tél. 01 42 78 46 42, du jeudi au samedi à 20 heures. Jusqu’au 25 mai.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°389 du 12 avril 2013, avec le titre suivant : Théâtre - Courbet peignait l’Atelier

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