Art précolombien - Une conquête à deux coups

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 13 mars 2013 - 744 mots

Sotheby’s part à la conquête d’acheteurs pour les œuvres pré-hispaniques de la collection Barbier-Mueller.

PARIS - Le 22 et 23 mars à Paris, Sotheby’s dispersera, une fois n’est pas coutume, une collection d’objets d’art précolombien. « Selon une décision du groupe Sotheby’s, l’art américain précolombien, tout comme l’art indien d’ailleurs, est dispersé à New York, sous la responsabilité de l’expert Stacy Goodman », rappelle Marguerite de Sabran, responsable du département des arts premiers à Paris depuis 2007. Or la collection d’art précolombien qui se présente aujourd’hui à Paris, et que Sotheby’s a décrochée contre Christie’s, appartient à l’important collectionneur suisse Jean Paul Barbier-Mueller. Il n’était pas question pour ce pro-Européen proche des musées français de vendre ailleurs qu’à Paris. Le vendeur a aussi imposé à Sotheby’s l’expertise de Jacques Blazy, le spécialiste qui l’a conseillé dans nombre d’achats importants. Estimée autour de 15 millions d’euros, la collection de qualité muséale  d’art pré-hispanique Barbier-Mueller couvre 3 000 ans d’histoire des arts de Mésoamérique, d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud. Elle était en dépôt depuis quinze ans dans un palais barcelonais ouvert au public, avant que la ville espagnole ne renonce définitivement à l’acquérir en raison de la conjoncture économique. Mais ce n’est pas tant cette collection en soi qui intéresse Sotheby’s. La maison de ventes n’a pas l’intention de lancer des ventes en France dans ce domaine, même si la collection connaît un succès historique sans précédent. À 82 ans, Jean Paul Barbier-Mueller pourrait se séparer d’autres pans de ses collections à l’instar de ses éditions originales de poésie française. L’homme possède aussi une incroyable collection de tableaux modernes signés Picasso, Cézanne, Matisse, Renoir, Léger ou encore Braque, réunis à partir des années 1910 par son beau-père Josef Mueller.

Des acheteurs bien ciblés
C’est pourquoi Sotheby’s s’est donné les moyens de réussir cette vente, en lui donnant une visibilité exceptionnelle avec trois semaines d’exposition, une première. Avant de se poser à Paris, de nombreuses œuvres ont voyagé à Hongkong, New York et Londres pour une tournée promotionnelle où chaque département de Sotheby’s a été mis à contribution afin de séduire son pool de collectionneurs. Ainsi, les amateurs d’archéologie ont apprécié les sculptures en pierre, notamment une grande divinité anthropo-zoomorphe à tête de félin du Costa Rica (est. 150 000 à 200 000 euros) et une déesse de l’eau aztèque (est. 500 000 à 600 000 euros). Les collectionneurs d’art moderne semblent séduits par deux pièces en céramique polychrome du Mexique, soit un canard à l’envol de culture tarasque (est. 1,5 à 2 millions d’euros) et la grande Vénus Chupicuaro. Concernant cette dernière, l’estimation haute de 3 millions d’euros dépasse l’actuel record mondial de 2,9 millions d’euros pour une œuvre d’art précolombien, réalisé en 2011 à Drouot (SVV Binoche & Giquello). Pour capter les acheteurs d’art contemporain, Sotheby’s a par exemple présenté une expressive tête de dignitaire Maya (est. 200 000 à 250 000 euros) à côté d’un tableau de Francis Bacon. Enfin, une statuette anthropomorphe olmèque en serpentine verte représentant un homme assis se tenant le bras (est. 300 000 à 400 000 euros) devrait faire son effet auprès d’un large public d’amateurs d’art.

Objets conformes à la législation internationale

La publication de fascicules comportant des textes scientifiques sur les pièces phares de la vente, la coédition par Sotheby’s et l’éditeur 5 Continents (Milan) d’un ouvrage en deux volumes sur la collection font partie de la stratégie de conquête de la SVV. La mise en place d’un riche programme de conférences faisant intervenir conservateurs et chercheurs du monde précolombien et d’un programme d’initiation personnalisée à l’art pré-hispanique complètent le dispositif.
Seul bémol à ce plan bien huilé, l’annonce le 27 février par voie de presse par le Pérou de son intention de réclamer une soixantaine d’objets péruviens de la collection. Le pays estime qu’ils ont été obtenus de manière illicite, en vertu de la loi nationale péruvienne du 2 avril 1822 interdisant la sortie de biens archéologiques sans autorisation gouvernementale. Or, juridiquement, les objets de la collection Barbier-Mueller se trouvent en conformité avec la Convention de l’Unesco portant sur la protection du patrimoine mondial de 1970, soit le seul texte international de référence en vigueur

Collection Barbier-Mueller d’art précolombien

Expert : Jacques Blazy (consultant)
Estimation : 14 à 18 millions d’euros
Nombre de lots : 313

Les 22 et 23 mars, Sotheby’s, 76, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris ; exposition publique du 4 au 21 mars 10h-18h (sauf le dimanche), tél. 01 53 05 53 05, www.sothebys.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°387 du 15 mars 2013, avec le titre suivant : Art précolombien - Une conquête à deux coups

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