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Galerie Putman - Sophie Ristelhueber en bonne voie

Par Alain Quemin · Le Journal des Arts

Le 27 février 2013 - 691 mots

Les déroutantes impressions de Sophie Ristelhueber à la galerie Catherine Putman. Nouvelle étape dans le travail de l’artiste qui réalise des impressions à partir de tirages argentiques et brouille les pistes entre photographie, dessin et peinture.

PARIS - Il faut franchir la porte cochère, pénétrer dans la cour, grimper un étroit escalier en négociant un virage serré. Alors, seulement, une fois au premier étage, apparaît la galerie Catherine Putman dont seule une plaque signale l’existence en façade sur rue. La relative discrétion des lieux sied bien aux œuvres présentées, puisque la maison est spécialisée dans les œuvres sur papiers. Éditions, estampes originales, gravures, lithographies, dessins, donc, mais aussi photographies comme l’ensemble du travail récent de Sophie Ristelhueber actuellement présenté. L’artiste, qui n’avait pas été montrée à Paris depuis son exposition du Jeu de paume en 2009, présente un nouvel aspect de son œuvre qui reste parfaitement cohérent.

De Sophie Ristelhueber, les amateurs connaissent bien le travail photographique antérieur en couleurs, une réflexion sur le paysage et son histoire qui a souvent illustré les plaies et cicatrices, laissées dans la nature ou sur le corps humain, son intérêt pour les lignes et les frontières, naturelles ou créées par l’homme. Tout cela se retrouve ici d’une certaine façon, sous forme de rails — « track » est la traduction de ce terme en langue anglaise – qui donnent leur titre à l’exposition. Des voies ferrées, des ponts et des tunnels parfois, qui balafrent le paysage naturel en même temps qu’ils se fondent en lui tout en invitant à de mystérieux voyages nocturnes. Il s’agit à la base de tirages argentiques de clichés, réalisés au cours des années 1980, fortement rehaussés à la peinture acrylique noire, puis scannés, numérisés et, enfin, imprimés par jet d’encre. Ce procédé confère aux œuvres un aspect déroutant. Difficile, au final, de déterminer s’il s’agit de dessin au marqueur, de fusain, de peinture ou de photographie. Le noir, en des tons charbonneux d’une grande richesse chromatique, qui présente parfois même des nuances métallisées, envahit presque toute la surface, réunit les voies et la végétation. Dans la nature si paisible et puissante, les rails et les ouvrages d’art, ponts ou tunnels, à l’occasion la silhouette d’un château, ne font que suggérer une présence humaine passée. Dans ces éblouissants paysages nocturnes dans lesquels tout tend à se fondre, et qui se révèlent d’un romantisme abouti, c’est Caspar David Friedrich, c’est Victor Hugo et ses encres magistrales qui sont ici rappelés. La force évocatrice des œuvres est remarquable. Pour ce qui est des artistes contemporains, on se prend à rêver – la nuit n’y invite-t-elle pas ? – à un accrochage qui associerait les œuvres présentées aux formidables paysages de William Kentridge, maître du noir, aux remarquables bosquets dessinés au fusain par David Hockney. À n’en point douter, il s’agit là du plus beau travail de Sophie Ristelhueber à ce jour. Un autre ensemble d’œuvres, sans doute moins denses mais pleines de fraîcheur, consiste en des photographies de travaux d’aiguille réalisés au point de croix sur des toiles pour ouvrages de dames. Des poncifs tels que « Les Palestiniens restent sceptiques », « La question turque se pose », ou un malicieux « ISF » lient banalité de la technique initiale et des propos tenus, tout en les mettant à distance via le recours à la photographie qui introduit son artifice.

Au regard de la qualité des œuvres, les prix restent très raisonnables, de 500 euros pour les petits formats de la seconde série à 950 euros pour ceux de « Track », et 11 500 euros pour les impressions les plus grandes, en nombre plus limité.

Qu’il s’agisse des œuvres de la seconde série ou de celles appartenant à l’ensemble qui donne son nom à l’exposition, la reproduction des œuvres ne donne qu’une idée imparfaite de l’effet rendu quand on les découvre dans la galerie. La visite est amplement récompensée. Pour cela, il faut donc franchir la porte cochère, pénétrer dans la cour, grimper un étroit escalier…

Track

Nombre d’œuvres : 12
Prix : 500 à 11 500 €

Sophie Ristelhueber, Track,

jusqu’au 16 mars, Galerie Catherine Putman, 40 rue Quincampoix, 75004 Paris, http://www.catherineputman.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°386 du 1 mars 2013, avec le titre suivant : Galerie Putman - Sophie Ristelhueber en bonne voie

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