Art moderne

XIXe

Ziem fait le beau

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 26 février 2013 - 733 mots

Donnés par l’artiste au Petit Palais, d’inégales peintures et de surprenants carnets de voyage ressurgissent des réserves du musée.

PARIS - Il y a un peu plus d’un siècle, Félix Ziem (1821-1911) faisait don d’une centaine d’œuvres – pour la plupart des paysages aux couleurs chatoyantes d’une valeur commerciale relativement conséquente – à une toute jeune institution parisienne. Heureux d’étoffer ses collections et de refléter la création artistique de son temps, le Petit Palais inaugurait en 1905 sa salle Ziem, en présence du président Émile Loubet. Le peintre d’origine beaunoise remportait alors un franc succès auprès d’une clientèle bourgeoise rêvant des rivages du Bosphore, mais aussi auprès d’amateurs aristocrates collectionnant ses vista vénitiennes comme autant de souvenirs de voyage. Depuis, la donation avait trouvé le chemin des réserves du musée et la salle Ziem fut débaptisée.

L’heure étant à la redécouverte des artistes de « l’autre XIXe siècle », ceux oubliés par les historiens de l’art concentrés sur les avant-gardes, le Petit Palais remet enfin sur le devant de la scène l’un de ses fonds constitutifs. Présentée à Marseille, Martigues puis Beaune, cette exposition tient aussi de la redécouverte d’un artiste coupable de s’être encroûté sous les poncifs de sa peinture. Isabelle Collet, conservateur en chef au musée, admet avoir fait une sélection rigoureuse à partir de ce fonds où, entre les vues de Venise et de Constantinople en surnombre, les carnets de croquis et les délicieuses pochades bellifontaines, le pire côtoie le meilleur.

Un artiste à contre-courants
La marginalité est sans doute ce qui caractérise le mieux Félix Ziem. Formé au dessin d’architecture, il a côtoyé des personnalités aussi différentes que les peintres de Barbizon, Théodore Rousseau en tête, Auguste Rodin ou encore Vincent Van Gogh, sans pour autant faire partie d’un groupe à proprement parler. Il n’a jamais dévié de son axe : ses paysages ignorent la succession de ruptures stylistiques qui ont rythmé la seconde moitié du XIXe et le début du XXe siècle. Pour ne rien arranger, l’artiste ne datait pas ses œuvres. L’accrochage du Petit Palais sait pourtant suivre son évolution au gré de ses voyages le long du pourtour méditerranéen et distingue, avant les tableaux orientalistes inondés de soleil, des aquarelles et esquisses aux contrastes appuyés et aux couleurs finement dégradées. Incapable de rester en place, Ziem multiplie les voyages au Moyen-Orient et les lieux de résidence, de Nice à Martigues, en passant par Montmartre. Engagé dans une entente commerciale auprès de marchands parisiens les plus en vue, il gagne bien sa vie, produit à tour de bras, et les honneurs de l’État ne lui sont pas comptés. Il n’a pourtant jamais troqué sa vie de bohème pour un hôtel particulier dans les nouveaux quartiers de la capitale. Paris ne tient d’ailleurs pas une place prépondérante dans son œuvre ; les rares toiles qu’il signe sur le sujet semblent même totalement anachroniques tant elles sont en décalage avec l’esprit suranné de ses mises en scènes exotiques.

Le seul élément stable chez Ziem est sa peinture ; ses paysages aux effets climatiques artificiels, aux couchers de soleil empruntés à Claude Lorrain, aux éléments architecturaux identifiables qui hantent ad nauseam les compositions telle une impression rétinienne – la basilique Sainte-Sophie en tête. Anecdotiques, les personnages ne font qu’ajouter au pittoresque. L’on notera à cet égard que, malgré les quelques études présentées en vitrine, la description des corps n’est pas le sujet de prédilection de Ziem. Dans Constantinople, le repos de la sultane, la reine-odalisque a tout d’une poupée de chiffon sur laquelle un enfant aurait peinturluré un visage.

Entré de son vivant et « par accident » dans les collections du Louvre par le biais du legs Chauchard (1909), le peintre Félix Ziem a avant tout marqué l’histoire du Petit Palais. Avec une exposition sur Jules Dalou, autre pilier de l’institution, programmée au printemps, le musée parisien revient à ses premières amours avec lucidité. Ce qui n’est pas pour déplaire.

Félix Ziem

Commissaires : Isabelle Collet, conservateur en chef et Charles Villeneuve de Janti ex-conservateur du patrimoine au Petit Palais
Scénographie : Jean-Julien Simonot

Félix Ziem, J’ai rêvé le beau. Peintures et aquarelles

jusqu’au 4 août, Petit Palais, Musée des beaux-arts de la Ville de Paris, avenue Winston Churchill, 75008 Paris, tél. 01 53 43 40 00, www.petitpalais.paris.fr, tlj sauf lundi et jours fériés 10h-18h, le jeudi 10h-20h. Catalogue, Images en manœuvre éditions, Marseille, 2011, 178 p., 16 €

Légende photo

Félix Ziem, Constantinople, le caïque de la sultane, 1880-1890, huile sur toile, Musée des beaux(arts de la Ville de Paris, Petit Palais, Paris. © Photo : Petit Palais/Roger-Viollet.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°386 du 1 mars 2013, avec le titre suivant : Ziem fait le beau

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