Entretien

Robert Kennan, directeur du département des éditions chez Phillips, Londres

« Le marché des éditions fait écho à celui des œuvres uniques »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 13 février 2013 - 808 mots

Robert Kennan, directeur du département des éditions chez Phillips à Londres, est optimiste pour son marché.

Armelle Malvoisin : Quel a été votre parcours avant votre arrivée fin 2012 chez Phillips à la direction du nouveau département londonien des estampes et éditions ?
Robert Kennan : J’ai vingt ans d’expérience dans le circuit des ventes internationales, comme spécialiste des estampes et éditions d’art de toutes époques. J’ai démarré ma carrière chez Phillips, Son & Neale (Londres), puis dirigé le département des estampes de Bonhams. En 2010, j’ai supervisé la vente dans laquelle une très rare épreuve lithographiée de La Madone (1895) d’Edvard Munch a été adjugée 1 252 000 livres sterling (1,5 million d’euros). C’était la deuxième fois qu’une estampe dépassait le million de livres sterling en vente publique.

A.M.
: Pour quelle raison Phillips a-t-il lancé des ventes d’éditions à Londres ?
R.K. : En raison du succès que rencontrent les ventes d’éditions à New York : le département connaît un important développement depuis sa création en 2008. En 2012, son chiffre d’affaires a progressé de 12 %.

A.M. : Qu’est-ce qui explique ce succès ?
R.K. : Pendant longtemps, l’estampe s’est vendue dans des vacations spécialisées, qui offraient un panorama de la création de la Renaissance au XXe siècle, mais ne parlaient qu’à l’amateur averti ou au professionnel. Chez Phillips, nous organisons des ventes d’éditions comme on prépare une exposition muséale, en faisant en sorte que les lots aient une résonance entre eux. Nous suivons une tendance actuelle du marché de l’art qui consiste à mélanger les périodes et les styles selon une nouvelle approche plus sélective et pertinente, et ce pour attirer de nouveaux acheteurs. Par exemple, dans notre vente inaugurale du 27 février à Londres, les broderies du manteau de la Femme au fauteuil no 1 (1949), un des plus célèbres portraits lithographiés de Pablo Picasso, témoignent de l’influence d’Henri Matisse. Cette œuvre est à mettre en rapport avec l’Orientale à la croix trifoliée (1929), lithographie de Matisse.

A.M.
: Comment expliquer l’engouement pour les multiples par rapport à l’œuvre d’art unique ?
R.K. : Pour les artistes, le multiple est une façon de toucher un plus large public. Pour beaucoup d’acheteurs, les multiples sont le point d’entrée de leur vie de collectionneur. Dans les cercles d’amateurs, chercher les éditions les plus rares, c’est un peu comme aller à la quête du saint Graal…

A.M.
: Quels sont les artistes les plus recherchés ?
R.K. : Andy Warhol et Pablo Picasso sont très demandés. Plus généralement, le marché des éditions fait écho à celui des œuvres uniques. Avec quelques exceptions pour les artistes dont l’œuvre gravé est très important. Je pense par exemple au peintre britannique Stanley William Hayter, qui a créé en 1932 l’« Atelier 17 » de gravures à Paris et qui a travaillé avec Picasso, Joan Miró et André Masson, parmi d’autres. Ses gravures sont plus prisées que ses peintures.

A.M. : Préparez-vous vos ventes de New York et de Londres de la même façon ?
R.K. : Bien que le marché soit très international, il faut prendre en considération les sensibilités régionales et nationales. Warhol et Picasso se vendent bien partout dans le monde. Mais pour les œuvres de jeunesse de Richard Hamilton, le marché est plus établi à Londres et en Europe qu’outre-Atlantique. Nous essayons aussi d’inclure dans nos ventes des œuvres d’artistes qui bénéficient d’une exposition en cours. Ainsi nous présentons dans notre vente de Londres quatre lithographies monumentales des séries « Interior » (1990) de Roy Lichtenstein pour coller à la rétrospective de l’artiste qui se tient à Londres à la Tate Modern.

A.M. : Quels sont les autres lots phares de la vente du 27 février ?
R.K. : La vente compte 92 lots pour une estimation de 1,5 million de livres sterling (1,7 million d’euros). New Religion. St. Andrew (2005), portfolio par Damien Hirst de 68 sérigraphies (conservées dans leur coffret original) (est. 200 000 livres, 231 000 euros), passe pour la première fois aux enchères, tout comme la série complète des trois lithographies couleurs My House I, II et III (2000) de Christopher Wool (est. 20 000 livres, 23 000 euros la série). Nous présentons aussi Jeune femme devant une table garnie de fruits (1914-1915), un rarissime monotype de Matisse qui fut exposé au MoMA à New York en 2012 (est. 30 000 livres, 35 000 euros) ; Le Cirque et Le Mariage, deux lithographies magnifiquement colorées de la série « Cirque » (1967) de Marc Chagall, issues d’une petite édition de 24 exemplaires (est. 20 000 livres, 23 000 euros chacune), ou encore As Time Goes By (blue) (2009), une aquatinte en couleurs de Howard Hodgkin (est. 35 000 livres, 40 500 euros) qui est la plus grande gravure jamais réalisée (2,4 x 6 m).

Éditions

vente le 27 février à Londres chez Phillips, tél. 01 42 78 67 77, www.phillips.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°385 du 15 février 2013, avec le titre suivant : Robert Kennan, directeur du département des éditions chez Phillips, Londres

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