Rapport EAC

Flou artistique

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 12 février 2013 - 746 mots

Rédigé en quelques semaines, le rapport sur l’éducation artistique et culturelle (EAC) remis
au ministère de la Culture soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses.

PARIS - Et un de plus. Un nouveau et énième rapport sur l’éducation artistique et culturelle a été remis à la ministre de la Culture le 1er février. Intitulé « Pour un accès de tous les jeunes à l’art et à la culture », rédigé par Jérôme Bouët, inspecteur général des affaires culturelles, ce texte d’une trentaine de pages est le fruit des quelques semaines de travail mené par le comité de consultation présidé par l’écrivaine Marie Desplechin. Lancé en novembre 2012 (lire le JdA no 380, 30 novembre 2012), ce comité réunissait une douzaine de personnalités du monde de la culture, de la recherche, de l’éducation et d’élus, parmi lesquels figurent le chorégraphe Sylvain Groud, la philosophe Marie-José Mondzain, l’écrivaine et critique Marianne Alphant. Ils ont reçu du 21 novembre au 7 décembre un grand nombre d’organismes et acteurs de la sphère culturelle.
 
Le rapport a pour ambition de « lancer une nouvelle dynamique » pour généraliser l’accès des jeunes à l’art et à la culture, et ce, « sur tout le territoire ». Il ne constitue que la première étape d’un travail qui doit, notamment, nourrir la loi d’orientation et de programmation sur l’école mise en place par le ministre de l’Éducation, Vincent Peillon. Les déclarations au quotidien Le Monde (daté du 1er février) de Marie-Desplechin lorsque le texte a été rendu public ont planté le décor : « C’était très sympa, mais franchement, je ne vois pas à quoi tout ça a servi. » Et, de l’aveu même de ses auteurs, le texte « pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses », particulièrement en ce qui concerne « la redéfinition du champ de l’éducation artistique et culturelle ». Pourtant, c’est précisément ce point qu’il aurait fallu éclaircir pour, enfin, édicter les grands principes et un programme cohérent d’enseignement des arts. Obligatoire en primaire et dans le secondaire depuis 2008, l’éducation artistique, à laquelle avait été accolée l’épithète « culturelle », était ainsi devenue une notion transdisciplinaire, recoupant aussi bien la musique, les arts visuels ou appliqués, ceux du spectacle, du cinéma…
 
Confié à la bonne volonté des professeurs, quelle que soit leur discipline et sans formation particulière, l’enseignement ainsi élargi à « tous les arts » n’avait, pour autant, pas été doté de moyens supplémentaires. Le document propose aujourd’hui d’élargir un peu plus cette notion, déjà floue, d’« éducation artistique et culturelle » en y incluant désormais le numérique, les cultures urbaines avec par exemple le street art, voire les productions télévisuelles. Exit donc l’idée de l’enseignement d’une discipline à part entière – l’histoire de l’art – qui avait, non sans peine, fait son chemin depuis les années 1990 jusqu’au plan Lang-Tasca en 2001. De même la création d’une agrégation ou d’un capes d’histoire de l’art, comme le recommandait en mai 2012 encore dans son Livre blanc l’Association des professeurs d’archéologie et d’histoire de l’art des Universités, semble-t-elle tenir du mirage.

Comités de pilotage
Soulignant l’importance de l’action menée par les collectivités territoriales dans le domaine, le rapport prône la création de comités de pilotage afin de coordonner les initiatives et mutualiser les ressources et moyens. Dans un paysage marqué par de grandes inégalités territoriales, des zones et des publics prioritaires doivent être identifiés pour bénéficier, dès 2013, d’une action menée conjointement par l’État, la Ville, le Département et la Région… Le texte insiste ainsi sur la nécessité de renforcer sa coopération avec les collectivités sans hiérarchiser les compétences. Il propose, en outre, de « s’appuyer sur la refondation de l’Ecole » et sur la réforme des rythmes scolaires. Encore faudrait-il que les communes dont dépendent les écoles disposent de moyens supplémentaires pour développer des activités périscolaires… Il est aussi question de donner plus d’initiatives aux acteurs et bénéficiaires de cet enseignement artistique et culturel, c’est-à-dire les jeunes, les enseignants, les parents et les artistes. Autant de considérations généralistes qui méritent d’être développées et précisées. Comme il est souligné en conclusion, « la consultation, et ce rapport, n’auront été que le début d’une nouvelle phase de l’action publique. Des membres du comité regrettant le temps court dans lequel la consultation a dû s’inscrire, du fait du calendrier politique, se disent prêts à poursuivre la réflexion engagée. Des concertations régionales pourraient être également proposées, à l’initiative de l’État ». En résumé : tout reste à faire.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°385 du 15 février 2013, avec le titre suivant : Flou artistique

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