Les PME s’engagent aussi

De plus en plus de PME s’ouvrent au mécénat. Témoignages de quelques-unes d’entre elles

Le Journal des Arts

Le 30 janvier 2013 - 935 mots

Environ 40 000 entreprises ont eu une action de mécénat en France, soit 31 % des entreprises de plus de vingt salariés, pour un budget global en matière culturelle de près de 494 millions d’euros.

Ces chiffres, issus d’une étude de l’Admical (Association pour le développement du mécénat industriel et commercial) en 2012 sur le mécénat d’entreprise (1), ne laissent pas indifférent. Les PME (entreprises n’excédant pas 250 salariés ou un chiffre d’affaires de moins de 50 millions d’euros annuels) sont devenues un des premiers acteurs du mécénat, représentant 93 % des entreprises mécènes. Face à ces chiffres, difficile d’avoir une vision homogène des actions, des opérations et des motivations qui poussent les entreprises à s’engager dans le mécénat ; délicat également de mesurer la satisfaction de ces dernières en la matière.

Le processus est souvent longuement mûri : la société Doublet en est un exemple assez révélateur. Cette entreprise familiale spécialisée dans la fabrication de drapeaux est devenue mécène en soutenant une manifestation de musique classique en 2000. C’était à l’époque le souhait de son président, personnellement engagé dans le projet. Depuis 2011, un pôle mécénat gère les opérations de manière plus systématique et stratégique, en ayant fait le choix du mécénat de compétence axé sur l’art contemporain. Très souvent, les dirigeants réfutent l’idée de la « danseuse du président », difficile à légitimer auprès des salariés. Mais il est indéniable qu’en matière de mécénat culturel, le goût personnel du dirigeant de l’entreprise, en particulier dans les PME, représente une des inspirations majeures dans cet engagement : environ 26 % des entreprises (source Admical).

Le développement du mécénat d’entreprise est réçent. À l’inverse de la tradition anglo-saxonne, où la tradition de philanthropie est bien ancrée, les entreprises françaises ne s’engagent que depuis quelques années dans le mécénat et les outils de sensibilisation sont encore perfectibles. Bien que les chambres de commerce et d’industrie (CCI) aient développé des missions mécénat en interne, les entreprises qui ont décidé de soutenir une action culturelle le font souvent via un événement médiatique : un grand événement culturel, une acquisition d’œuvre majeure… Ce dernier cas a motivé Gilles Bonnet, dirigeant d’un cabinet d’expertise comptable. Lors de la campagne pour l’acquisition de La fuite en Égypte de Nicolas Poussin en 2008 par le Musée des beaux-arts de Lyon, il se porte mécène de l’achat à hauteur de 70 000 euros (ramenés à 7 000 euros après la défiscalisation de 90 %, le tableau étant classé « trésor national ») : « Cela pouvait être un support de communication intéressant avec une acquisition d’une ampleur très significatif. L’effet « retour » en termes de notoriété a été très significatif, et nous nous sommes retrouvés associés aux très grands du mécénat », s’amuse ce dirigeant d’une PME de 40 salariés.

La communication est devenue une des grandes motivations du mécénat, mais également un des enjeux importants de la déontologie et de la pédagogie : les déceptions et les incompréhensions peuvent être grandes si le mécénat est confondu avec le parrainage. Plutôt que de s’offrir une campagne d’affichage publicitaire dans les journaux, beaucoup d’entreprises sont de plus en plus enclines à faire du mécénat, sans réaliser quelles sont les limites et les frontières à ne pas dépasser. Les Drac, les chambres de commerces, les organismes culturels s’efforcent de fournir des explications et du matériel pédagogique aux nouveaux arrivants dans ce domaine. Le système des contreparties est dorénavant très réglementé ; l’Admical a édité en 2011 sa charte de déontologie pour proposer des garde-fous à l’usage des entreprises.

Un enjeu pour l’essor du mécène
En matière de pédagogie également, les dirigeants commencent à appréhender la nécessité d’une communication en interne. « On ne peut plus décider d’être mécène sans le partager avec ses salariés, surtout en période de crise économique », souligne Corinne Brenet, dirigeante d’une société de courtage marseillaise et présidente de Mécènes du Sud (lire encadré). Visites, places de spectacles, conférences, catalogues d’expositions, les outils sont multiples pour valoriser le mécénat auprès des collaborateurs d’une société. Aspect le plus concret de cette adhésion, la résidence d’artiste est de plus en plus mise en place dans les entreprises. Dans le cadre de Marseille-Provence 2013, les Ateliers de l’EuroMéditerranée ont facilité la résidence d’artistes dans des entreprises de la région. La plasticienne Marie Reinert, en résidence dans l’entreprise de transport maritime Marfret, a participé à quatre traversées entre Marseille et Alger. « Roll-on, Roll-off », travail vidéo sur le monde des navigants a été présenté dans les locaux de l’entreprise.

Mettre en lumière les compétences et le secteur d’activité de son entreprise va de pair avec la volonté de rayonnement du territoire sur lequel agit la société, surtout dans le cas des PME, dont l’implantation est locale. Le succès du mécénat de proximité réside dans cet enracinement : « je crois qu’une identité culturelle forte est une des conditions indispensables au rayonnement d’un territoire. À côté du développement économique, il faut associer le développement culturel : c’est aussi l’affaire des patrons privés et des chefs d’entreprise », affirme Corinne Brenet.

La crise ne semble pas affecter d’une manière générale la volonté des mécènes, même si quelques-uns renoncent, faute de pouvoir continuer à légitimer auprès des salariés des dépenses de mécénat tout en instaurant une rigueur budgétaire. Toutes ces entreprises mécènes font cependant le même constat : depuis 2010, les demandes de soutien ont explosé face à des budgets publics en régression.

Notes

(1) Enquête Admical-CSA 2012, Le mécénat d’entreprise en France

Les clubs de mécènes

Le regroupement de mécènes existe déjà depuis longtemps, notamment à travers les clubs d’entreprises ou les cercles de mécènes adossés à des structures culturelles. Mais depuis le début des années 2000, certaines entreprises mécènes ont fait le choix de se réunir en collectifs, afin de mutualiser leurs moyens et leurs possibilités au sein de fondations. En 2003 à Marseille, huit entreprises se regroupent dans Mécènes du Sud, « pour engager une réflexion commune afin de faire rayonner notre territoire en soutenant la jeune création contemporaine », explique sa présidente Corinne Brenet. Aujourd’hui, 43 entreprises mécènes s’y retrouvent autour d’un mécénat pluridisciplinaire, avec un comité artistique indépendant chargé de sélectionner parmi les centaines de dossiers déposés, les projets qui seront soutenus. En 2012, cinq projets pour un total de 130 000 euros ont été menés à bien. À Angers, Mécènes et Loire a vu le jour en 2007 à l’initiative de la CCI du Maine-et-Loire avec 24 membres fondateurs. En cinq ans, près de 108 projets, en majorité dans le domaine culturel, ont bénéficié du mécénat de cette fondation qui a inspiré une organisation similaire en Midi-Pyrénées, « Mécènes Catalogne ». Les dénominations de ces structures sont révélatrices de l’identité territoriale.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°384 du 1 février 2013, avec le titre suivant : Les PME s’engagent aussi

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